Filtrée, verrouillée, blacklistée, la fabuleuse fenêtre de liberté qu'est le Net n'est plus que l'ombre d'elle-même en Tunisie, broyée par une main de fer politique qui, à l'heure des réseaux sociaux, excelle dans un registre plus archaïque, où les « amis » sont rares : la censure intensive de sites, pages, et mots-clefs...
La démocratie Tunisienne aurait voulu ternir son blason à jamais qu'elle ne s'y serait pas pris autrement, et après avoir été élevée au rang peu glorieux des « ennemis d'Internet » par Reporters sans frontières, elle fait face aujourd'hui à une rébellion d'une nouvelle génération, éminemment technologique et ingénieuse.
L'heure est à la cyber-résistance sur la Toile, sous l'impulsion d'activistes tunisiens, le collectif Anonymous, déterminés à prendre le gouvernement à son propre piège, en bloquant depuis le 3 janvier le site officiel du pouvoir, ainsi que la totalité des sites web des ministères, le site de la banque Zitouna, et de nombreux portails officiels.
Ces dissidents du Web, qui se sont déjà illustrés lors de l' "opération Riposte" menée contre les opposants à WikiLeaks, ont revendiqué leur action « opération Tunisie » dans une lettre ouverte adressée à Ben Ali, le dictateur qui apprécie la liberté d'expression uniquement sous un bâillon, dans laquelle ils l'accusent de pratiquer un "niveau de censure outrageant bloquant non seulement des sites de blogeurs dissidents, mais aussi des sites comme Flickr, ou toute source d'information mentionnant WikiLeaks".
La riposte électronique avait démarré début 2010, quand l'immolation tragique de Mohamed Bouazizi, décédé mardi 4 janvier - un jeune diplômé au chômage qui s'était aspergé d'essence devant la préfecture de Tunis en décembre - a submergé d'émotion le pays et la blogosphère, Facebook devenant alors le QG virtuel de ralliement et de l'organisation de la fronde. Les représailles des autorités ne se sont pas fait attendre, et Facebook devint inaccessible, à la consternation générale, de Reporters sans frontières aux militants des droits de l'homme tunisiens.
Facebook, Dailymotion, Youtube, mais également Oumma.com et Mejliss, tous sont logés à la même enseigne, sous surveillance, bloqués, ou interdits d'émettre en Tunisie, là où la démocratie n'aime bien que ceux qu'elle passe à la trappe.