27/12/2025 reseauinternational.net  7min #300117

 Le basculement de l'Amérique latine vers la droite est en phase avec la stratégie sécuritaire de Trump

Honduras : Comment le candidat de Trump a été proclamé président au milieu d'accusations de coup d'État

par Gabriel Vera Lopes

Marquées par de graves accusations de fraude, des milliers de contestations non résolues et une ingérence flagrante des États-Unis, les récentes élections générales au Honduras se présentent comme l'un des processus électoraux les plus opaques de l'histoire du pays. Vingt-quatre jours après le scrutin du 30 novembre, le Conseil national électoral (CNE) a proclamé le candidat du Parti National, soutenu par Donald Trump, Nasry Asfura, comme nouveau président de ce pays d'Amérique centrale.

De manière inédite, la proclamation a été faite le 24 décembre via un communiqué du CNE, sans retransmission en chaîne nationale de radio et télévision, alors qu'une partie significative de la population participait encore aux célébrations de la veille de Noël.

Le résultat a été approuvé par les conseillères Ana Paola Hall, représentante du Parti Libéral, et Cossette López, représentante du Parti National, après que l'ambassade des États-Unis au Honduras a publiquement exigé la publication du résultat final, avertissant que «quiconque entrave ou tente de retarder» la proclamation ferait face à «des conséquences».

Bien que la réglementation exige la signature des trois conseillers du CNE, la proclamation n'a pas été signée par le conseiller du Parti Liberté et Refondation (Libre), Marlon Ochoa, qui a qualifié la décision de «coup d'État électoral». Cependant, le document a été formalisé avec la signature du conseiller suppléant d'Ochoa, Carlos Enrique Cardona Hernández - sur lequel pèsent de graves soupçons de corruption - qui a validé la résolution sans le consensus du parti qu'il était censé représenter.

La réaction ne s'est pas faite attendre et, immédiatement, la proclamation a été qualifiée par le président du pouvoir législatif, Luis Redondo, leader du parti Libre, de «coup d'État électoral» et de «trahison de la patrie». Via les réseaux sociaux, Redondo a émis un message dur dans lequel il affirmait que le conseiller suppléant Carlos Cardona avait «confirmé ne pas valider la fraude du Parti National», accompagnant son message d'une image sur fond noir avec le mot «Trahison».

Selon les données du CNE, la proclamation s'est basée sur le dépouillement de 19 154 procès-verbaux sur un total de 19 167, ce qui équivaut à 99,93% du total. D'après ces chiffres, Asfura a obtenu 1 481 517 voix, correspondant à 40,26% ; Salvador Nasralla, du Parti Libéral, a atteint 1 455 169 voix, équivalentes à 39,54% ; tandis que Rixi Moncada, candidate du Libre, a totalisé 706 266 voix, soit 19,19%.

Le résultat annoncé par le CNE marquait une différence de seulement 0,72% entre les candidats du Parti National et du Parti Libéral. La proclamation a été faite sans la révision de milliers de procès-verbaux électoraux que le Parti Libre ainsi que des secteurs proches de Salvador Nasralla, candidat du Parti Libéral, avaient demandé à revoir car présentant de sérieuses irrégularités, exigeant un «recomptage complet et transparent».

Il s'agissait de procès-verbaux où apparaissaient plus de votes que prévu, où l'écart en faveur du Parti National était totalement disproportionné par rapport à d'autres procès-verbaux et/ou où les mécanismes de sécurité biométrique n'avaient pas été respectés.

Sans offrir la moindre explication, les conseillères du CNE ont systématiquement refusé de procéder au recomptage des milliers de procès-verbaux dénoncés pour irrégularités. On estime que ceux-ci contiennent environ deux millions de votes qui auraient pu modifier substantiellement le résultat final. Cependant, l'annonce prématurée du CNE n'a pas permis la révision de ces votes.

Réactions politiques et positions internationales

Immédiatement après la proclamation du nouveau président, l'ambassade des États-Unis a publié un communiqué félicitant Nasry Asfura. Dans le même temps, elle a exprimé sa reconnaissance aux conseillères Ana Paola Hall et Cossette López «pour leur leadership et leur engagement dans la protection du processus électoral et pour le respect de la volonté du peuple».

En accord avec la déclaration des États-Unis, les gouvernements de droite de la région - Argentine, Bolivie, Costa Rica, Équateur, Panama, Paraguay, Pérou et République Dominicaine - ont publié un communiqué conjoint félicitant Asfura et exprimant leur attente de «travailler conjointement sur les questions qui nous unissent en tant que pays frères, notamment le commerce, la sécurité, les migrations et le renforcement de la démocratie dans la région».

De son côté, le sénateur Flávio Bolsonaro, via les réseaux sociaux, a félicité Asfura, affirmant que sa victoire renforcerait «le mouvement de droite en Amérique latine». Pendant ce temps, l'ex-député Eduardo Bolsonaro a déclaré que «le peuple hondurien a vaincu la candidature de gauche, soutenue par [l'ex-président du Honduras Manuel] Zelaya, et a dit non au socialisme, suivant la tendance de droite en Amérique latine».

En revanche, Salvador Nasralla a formellement rejeté la proclamation du CNE et a affirmé, en conférence de presse, que le résultat «ne reflète pas toute la vérité du vote des citoyens () pour la quatrième fois consécutive, on m'a refusé cette opportunité, ce n'est pas un caprice ; on ne devrait pas publier un résultat sans compter tous les votes».

Par la suite, Nasralla a partagé sur les réseaux sociaux un enregistrement dans lequel on entendrait qui - vraisemblablement - serait la conseillère Cossette López-Osorio conversant avec un inconnu, demandant d'augmenter un pot-de-vin de 3 millions de lempiras (équivalant à environ 113 800 USD) à 7 millions de lempiras (environ 265 500 USD). Dans sa publication, Nasralla a accompagné l'enregistrement du message : «L'argent du Parti National, violant la volonté de 8 millions de Honduriens. Cet audio est, après expertise aux États-Unis, absolument réel».

De son côté, la candidate du Parti Libre, Rixi Moncada, a publiquement dénoncé ce qu'elle considère comme une grave rupture de l'ordre démocratique via un message publié sur ses réseaux sociaux. Dans sa déclaration, elle a accusé le Conseil National Électoral (CNE) d'agir sous des influences extérieures et a affirmé que le processus électoral avait été manipulé délibérément. Selon elle, «au Honduras, le CNE, suivant les instructions de l'empire, a assassiné notre démocratie naissante», et a qualifié la proclamation du «président élu» de «fraude et d'imposition étrangère».

Proclamation malgré des contestations en suspens

La proclamation présidentielle du candidat soutenu par Donald Trump, Nasry Asfura, a été réalisée sans que plus de 10 000 contestations présentées par les partis Libéral et Libre, ainsi qu'au moins deux recours en nullité liés au niveau présidentiel, n'aient été résolues, jetant de sérieux doutes sur sa légitimité.

La veille de la proclamation, les conseillères Hall et López - de manière virtuelle, alors qu'on pense qu'elles se trouvaient dans un siège diplomatique étranger - ont approuvé un rapport recommandant de mettre de côté les contestations et demandes de révision présentées par le Parti Libéral et le Parti Libre. Avec l'adoption de ce document, le CNE s'est «autorisé» à émettre la proclamation officielle du vainqueur du processus électoral.

Auparavant, le jeudi 18 décembre, le processus électoral était entré dans une phase de «dépouillement spécial», dans laquelle était prévue la révision de 2773 procès-verbaux électoraux, équivalant à 14,5% du total des votes - ce qui représentait plus de 580 000 votes - car, selon le CNE lui-même, ces procès-verbaux présentaient des «incohérences».

Le cœur du débat s'est concentré sur la question de savoir si d'autres procès-verbaux devaient également être révisés. Alors que les conseillères Cossette López-Osorio et Ana Paola Hall défendaient la position de limiter la révision uniquement à ces procès-verbaux, le Parti Libre a exigé dès le début le recomptage complet de 100% des procès-verbaux, arguant que les irrégularités étaient plus étendues que celles reconnues officiellement. De son côté, le Parti Libéral était divisé : tandis que son candidat présidentiel, Salvador Nasralla, revendiquait une révision «vote par vote» de tous les procès-verbaux, des secteurs de la direction libérale soutenaient la position de limiter le scrutin uniquement aux procès-verbaux proposés par les conseillères du CNE.

Nasralla affirme que, selon ses décomptes parallèles (non officiels), sa candidature a obtenu le plus grand nombre de voix, une analyse partagée par le Libre. Peu de jours après la tenue des élections, l'ex-président Manuel «Mel» Zelaya, actuel coordinateur du Libre, a déclaré sur les réseaux sociaux que, selon le relevé parallèle effectué par son parti minute par minute, Salvador Nasralla était en tête dans les élections présidentielles.

«J'ai consulté notre candidate Rixi Moncada pour qu'elle me fournisse cette information, car, selon notre propre relevé national des procès-verbaux présidentiels, procès-verbaux par procès-verbaux, le vainqueur de la présidence est Salvador Alejandro César Nasralla Salum», a déclaré Zelaya.

source :  Brasil de Fato via  Le Grand Soir

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