20/12/2025 reseauinternational.net  4min #299492

Le Rituel Nihiliste V

par Amal Djebbar

Flash info - 10 h 18 - Passage éclair d'un Wisigoth

Premier choc culturel : la gentillesse. En Espagne, les gens vous aident avant même que vous ayez compris ce que vous cherchez. Tu ne parles pas la langue  ? Pas grave. Tu existes  ? Suffisant.
Sourire inclus, main tendue en option permanente, du premier jour à ce jour.
Retour brutal par l'aéroport, Paris puis la Marne : aéroport dépressif, agents au regard vide, ambiance fin de règne. «On dirait qu'ils sont payés pour détester les vivants». À l'aéroport de Madrid, au contraire, tout le monde était aux petits oignons. Ici, on te sert plutôt la vinaigrette de l'aigreur.
Deuxième uppercut : la propreté. Ou plutôt son absence. Les toilettes françaises  ? Un concept expérimental proche de l'épreuve initiatique. Les rues de Paris, le RER, le métro, les odeurs... Une expérience sensorielle immersive, version apocalypse aigre-douce. Là-bas, c'est simple, c'est toujours propre.
Conclusion, lucide et cruelle :
«Là-bas, les gens sourient, sortent, vivent. Ici, ils sont ternes, enfermés chez eux... Comme s'ils attendaient la fin du monde entre deux séries».

*

Flash info - 16 h 49 - Pause

Petite pause dans le tumulte du jour.
Le temps de souffler, de respirer, de regarder autour de soi sans courir après les nouvelles, les alertes, les obligations.
Quelques minutes pour se reconnecter à soi, à l'instant, au calme avant de replonger dans le brouhaha quotidien.

Pause. Simple, nécessaire, salvatrice.

*

Flash info - 19 h 19 - Ça commence à puer dans les rues et les déchets sauvages fleurissent

Avec le nouveau système de gestion des déchets - celui où tu paies une blinde pour vivre cinq semaines avec tes ordures, tes asticots et ton compost intérieur - la ville expérimente un retour discret au Moyen Âge. Attention, pas n'importe lequel : un Moyen Âge éco-responsable.
Impossible d'avoir une poubelle devant chez toi sans code-barres, sans badge, sans autorisation divine. Résultat  ? Exactement ce que tout le monde savait déjà. Des sacs-poubelles abandonnés partout, des bacs sortis la veille qui puent à réveiller un mort, et ce jus immonde qui s'écoule sur des trottoirs déjà bien nourris aux crottes et à la pisse de chiens.
Entre les nouveaux citadins qui laissent leur chien déposer une offrande devant ta porte sans gêne - et sans ramasser - et ceux qui font semblant d'être civilisés en laissant le sac rempli de merde sur le bord de la route, dans un coin stratégique ou juste à côté de la benne à verre... On frôle la performance artistique.
Comme si ça ne suffisait pas que tout tombe en ruine, que les murs soient gris de crasse et que les rues ressemblent à un décor post-apocalyptique, voilà maintenant que ça pue. Même qu'un maire commence à râler 1. Étonnant. Peut-être qu'il découvre l'odeur depuis sa fenêtre.
Mais il ne fallait peut-être pas mettre en place un système qui dépouille et punit, tout en faisant semblant d'éduquer. Petite cerise sur le compost : depuis 2024, les communes sont censées fournir des composteurs pour les déchets organiques. Dans la mienne  ? Toujours rien. Ils «analysent». Ils «étudient l'implantation». Ils «réfléchissent». Pendant ce temps, nous, on analyse la prolifération des asticots.
Mais après tout, c'est ça le progrès. Vivre avec ses déchets. Respirer la fermentation. Et se dire que c'est bio.

*

Flash conscience - 23 h 57 - Welcome to the jungle

Il reste 509 jours sous le joug de Macron. 509 jours à subir les décisions, les discours bien huilés et les annonces à vous plomber le moral. 509 jours à avaler les «réformes nécessaires» pendant qu'on nous prépare gentiment à la guerre, façon menu dégustation, entrée, plat, dessert... et parfois explosion surprise.

*

Flash conscience 2 - 23 h 59 - Minuit approche

Minuit approche. Alors je vous laisse juste avec ça :
Que la prochaine année soit encore plus folle que celle-ci... ou au moins qu'elle nous fasse rire aux éclats.
Qu'on survive aux absurdités, aux annonces, aux mauvaises nouvelles... et à nos propres réveils en sueur.

Voilà. Sans formule magique, sans illusions, juste un souhait prudent : que la vie continue, même si elle décide de nous malmener.

 Amal Djebbar

 reseauinternational.net