17/12/2025 investigaction.net  13min #299179

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Daniel Garcia

Guerre d'extermination = guerre de l'information. Cacher les crimes de l'occupation, cacher les Palestiniens ou les diaboliser.
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L'enquête « Israel Files » révèle l'ingérence d'Israël dans les tribunaux étrangers

L'enquête menée par  Mediapart et le réseau European Investigative Collaborations ( EIC) révèle que le gouvernement israélien a mis en place des moyens considérables pour garantir l'impunité de ses dirigeants face aux poursuites internationales. Une fuite de plus de deux millions de courriels internes au ministère israélien de la justice (2009-2023) dévoile la stratégie globale de l'État pour instrumentaliser le droit et mener une « guerre juridique » contre ceux qui cherchent à poursuivre les crimes israéliens devant la justice.

Un Département dédié, appelé « affaires spéciales », a été créé en 2010 sous la direction d'un ancien juriste militaire. Sa mission officielle est de gérer toutes les questions liées aux procédures judiciaires internationales découlant des actions de l'État israélien.

Comment Israël organise son impunité ?

Le Département a évalué les risques d'arrestation pour des responsables militaires ou civils israéliens voyageant à l'étranger. Plusieurs personnalités politiques ont annulé des déplacements en Europe pour éviter d'être interrogées ou arrêtées pour crimes de guerre.

En 2018, la Cour de justice de l'Union européenne devait  statuer sur l'étiquetage des produits des colonies israéliennes. Le Département a fait pression sur le vigneron israélien Psagot pour qu'il retire sa plainte, craignant qu'une décision défavorable crée une jurisprudence européenne. Il a aussi mobilisé des « pays amis » pour influencer la CJUE en faveur d'Israël.

Israël intervient dans des affaires judiciaires en Europe, notamment aux Pays-Bas. Le Département a permis le classement sans suite d'une affaire visant l'entreprise néerlandaise Riwal,  impliquée dans la construction du mur en Cisjordanie. En Espagne, en 2009, le lobbying a contribué à l'abandon d'une  procédure contre le ministre de la défense Binyamin Ben-Eliezer et six officiers, accusés du meurtre de civils à Gaza.

Le Département a mobilisé des dizaines de millions d'euros pour défendre des soldats binationaux devant les tribunaux de plusieurs pays (Espagne, Belgique, Allemagne, France, États-Unis, Afrique du Sud).

Après l'opération « Plomb durci » (2008-2009), le Département se vante d'avoir réussi à retarder de dix ans l'ouverture d'une enquête de la CPI sur les crimes de guerre commis en territoire palestinien, grâce à un lobbying intense et des liens tissés avec le bureau du procureur.

En 2017, une plainte est déposée contre Four Winds,  fournisseur de chiens à l'armée israélienne. En 2014, l'un de ces animaux  a attaqué Hamzeh Abu Hashem, un Palestinien âgé de 16 ans, blessé à la jambe et à l'épaule. Le Département mandate un avocat néerlandais pour défendre l'entreprise, tout en gardant secrète l'implication d'Israël. Un accord est signé pour indemniser la victime palestinienne, mais l'interdiction d'exporter des chiens vers Israël est abandonnée, et l'indemnisation est secrètement payée par le gouvernement israélien.

Criminaliser le mouvement Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS)

L'affaire Baldassi (BDS France) : En septembre 2009 et mai 2010, des militants du collectif Palestine 68, membre de la campagne internationale BDS, organisent deux actions dans un hypermarché d'Illzach (Haut-Rhin) incitant les clients à ne pas acheter de produits israéliens, dénonçant les crimes d'occupation et d'apartheid attribués à l'État d'Israël.

Bien que l'action soit non violente et que Carrefour retire sa plainte, cinq organisations (dont la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra), le Bureau national de vigilance contre l'antisémitisme (BNVCA) et la chambre de commerce France-Israël) se constituent parties civiles et portent plainte pour provocation à la discrimination en raison de l'origine, l'ethnie, la race ou la religion.

En 2015, la Cour de cassation condamne définitivement onze militants à une amende de 1 000 euros chacun, dans ce qui est désormais connu comme l'affaire Baldassi.

En mars 2016, les activistes lancent une procédure contre la France devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). En 2020, la CEDH a reconnu la légalité du boycott, condamnant la France pour atteinte à la liberté d'expression.

Suite à cette décision, le gouvernement israélien a intensifié ses efforts pour influencer la politique française. Le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) a joué un rôle clé, sollicitant les ministères français pour contester l'arrêt de la CEDH et maintenir la répression contre le BDS.

 Condamnation des autorités françaises : selon la CEDH, l'appel au boycott des produits israéliens est protégé par la liberté d'expression

Malgré le refus officiel du gouvernement français de déposer un recours, des échanges entre ministères israéliens et français ont eu lieu. En octobre 2020, une circulaire du ministère de la justice français a encouragé la poursuite des appels au boycott, en s'appuyant sur des arguments fournis par Israël.

Cette circulaire a eu des effets mitigés : certains militants ont été relaxés, mais d'autres ont continué à être inquiétés par la justice.

Deux avocats français, Pascal Markowicz et Marc Lévy, membres du comité directeur du Crif, ont été missionnés pour défendre les intérêts israéliens devant les tribunaux français et européens, et pour influencer la législation contre le boycott.

Cet acharnement juridique malgré des décision de justice en faveur des militants BDS met en lumière une ingérence israélienne dans les affaires intérieures françaises, notamment à travers la rédaction et l'inspiration de textes juridiques.

Pressions juridiques contre des élus européens

 Le soir rappelle que c'est en Belgique que les premières poursuites judicaires avaient été lancées, bien avant la création du Département des affaires spéciales. En 2001, une plainte avait été déposée notamment contre l'ex-Premier ministre israélien Ariel Sharon, par des rescapés des massacres de Sabra et Chatila, au nom de la compétence universelle qui permet à des tribunaux étrangers de juger des crimes graves commis à l'international.

Des documents internes évoquent une stratégie de « développement de relations privilégiées » - officiellement sous des prétextes professionnels - avec des experts en droit international, des membres de la CPI et des procureurs, notamment en Allemagne. Ces relations ont aidé à régler une affaire de meurtre d'une famille germano-palestinienne à Gaza. Le Département a aussi échangé avec des spécialistes juridiques de l'Otan sur leur expérience en matière d'accusations de crimes de guerre.

 The Ditch évoque le cas de la députée européenne du Sinn Féin, Martina Anderson, qui avait critiqué en 2016 l'influence des lobbyistes israéliens au Parlement européen, les comparant à une  « éruption cutanée ».

En réaction, le gouvernement israélien a payé le cabinet d'avocats Van Bael & Bellis pour explorer toutes les possibilités de poursuites judiciaires contre elle.

Anderson avait déjà été  interdite d'entrée à Gaza à plusieurs reprises en raison de ses positions pro-palestiniennes.

Les « Israel Files » nous apprennent également qu'Israël  avait travaillé avec Fine Gael (parti politique irlandais de centre‑droit) pour contrer une motion locale en Irlande visant à boycotter le matériel militaire israélien.

L'Europe ne voit-elle que l'ingérence russe ou chinoise ?

Marc Botenga, député européen du PTB,  demande une réaction immédiate face à une ingérence directe dans nos sociétés par un Etat tiers

Outre Mediapart, les médias qui ont participé à l'opération « Israel Files » sont NRC (Pays-Bas), Le Soir (Belgique), VG (Norvège), Expresso (Portugal), InfoLibre (Espagne), Reporters United (Grèce), tous membres de l' EIC, ainsi que WOZ (Suisse).

Eurovision 2026 Un nouveau désistement et des soutiens au boycott

Après l'Espagne, l'Irlande, la Slovénie et les Pays-Bas, l'Islande annonce qu'elle boycottera la prochaine édition de l'Eurovision en raison de la participation d'Israël.

 i24 news, la chaîne d'information israélienne, constate ainsi une participation historiquement basse puisque seuls 35 pays prendront part à l'Eurovision 2026, le plus faible nombre depuis 2003.

Nemo, gagnant 2024 du concours, a décidé de renvoyer sa coupe à l'Union européenne de radio‑télévision (UER) à Genève. L'artiste suisse dénonce la participation continue d'Israël malgré les conclusions d'une commission d'enquête de l'ONU parlant de génocide. Il estime que cela contredit les valeurs d'unité et d'inclusion que l'Eurovision prétend défendre. Dans une  vidéo, il explique que le trophée « n'a plus sa place sur [son] étagère » et appelle l'UER à « incarner ses valeurs ».

Nemo, gagnant de l'Eurovision 2024,  rend son trophée en réaction à la participation d'Israël pour l'édition 2026

L'Irlandais Charlie McGettigan, vainqueur de l'Eurovision en 1994,  a annoncé lui aussi qu'il rendrait son trophée en signe de protestation contre la participation continue d'Israël au concours. Paul Harrington, également associé à la victoire de 1994, a apporté son soutien à cette initiative

McGettigan  précise que Nemo l'a contacté en ligne pour lui expliquer sa décision de restituer le trophée remporté l'an dernier

 17 artistes portugais déclarent qu'ils refuseront de représenter le Portugal à l'Eurovision 2026 si leur candidature est retenue au Festival da Canção. Ils dénoncent la participation d'Israël au concours, qu'ils jugent incompatible avec le respect des droits humains. Ils rappellent que la Russie avait été exclue en 2022 pour des raisons politiques, mais pas Israël malgré les accusations de génocide formulées par l'ONU.

Le diffuseur public portugais maintient l'organisation du Festival da Canção et confirme la participation du Portugal à l'Eurovision 2026, indépendamment de la décision des artistes.

Une pétition lancée le 5 décembre demande le retrait du Portugal tant qu'Israël reste en compétition. Elle a déjà recueilli plus de  25 000 signatures.

Au Royaume-Uni, un  sondage suggère que 82 % des Britanniques souhaitent qu'Israël soit retiré du Concours Eurovision de la chanson. Et si Israël est autorisé à participer, 69 % estiment que le pays doit se retirer de la course

Vitrines brisées, subventions coupées : la chasse aux librairies engagées

Les librairies indépendantes en France subissent  une série d'attaques physiques, symboliques et financières en raison de leur soutien à la cause palestinienne et aux luttes LGBT et féministes.

Ces agressions proviennent de groupes d'extrême droite et de décisions politiques locales, créant un climat d'intimidation et de fragilisation économique.

En novembre, la droite municipale parisienne a bloqué une subvention de 500 000 € destinée à 40 librairies, en raison de la présence d'un livre palestinien jugé « antisémite » par certains élus. En cause  ? La présence  d'un livre de coloriage palestinien pour enfants. Un livre qui ne fait l'objet d'aucune interdiction !

Pour un seul livre, dans une seule boutique,  quarante librairies ont été pénalisées...

Dans la région Pays de la Loire, une réduction de 62 % des aides culturelles a exclu les librairies du soutien public, mettant en péril leur survie face aux loyers élevés et à la concurrence des grandes surfaces et des ventes en ligne.

Des méthodes qui visent à censurer par tous les moyens certaines idées (Palestine, féminisme, LGBT)et fragiliser économiquement un secteur déjà vulnérable.

Quelques Exemples d'attaques :

Librairie Le Failler (Rennes) : vitrine brisée en septembre.

La Petite Égypte (Paris). Alors qu'une rencontre est prévue le soir avec Francesca Albanese, la rapporteuse de l'ONU sur les territoires palestiniens, la devanture est taguée du message : « Albanese la putain du Hamas », accompagné d'une étoile de David. « Le tout réalisé avec une peinture contenant une substance corrosive qui ronge le verre ».

Les Jours heureux (Rosny-sous-Bois) : serrures sabotées et façade taguée lors d'événements liés à la Palestine. Inscription « Hamas violeur », écrite avec la même peinture corrosive que celle utilisée contre la Petite Égypte.

Les Vagues (Nantes) : vitrine brisée, ciblée pour son identité queer.

Le  Parisien du 10 juin 2025

L' Actualitté du 21 novembre 2025

Francesca Albanese lors de son  intervention à la librairie Petite Égypte

Un tribunal en France reconnaît que dénoncer le sionisme n'est pas antisémite !

 Communiqué de l'UJFP

Une militante était poursuivie pour « provocation à la haine et à la violence contre la population juive » après avoir diffusé sur Instagram un communiqué du « Collectif Intifada » soutenant la résistance palestinienne, y compris armée, et appelant à des actions contre les institutions locales liées au sionisme.

Les avocats ont démontré qu'aucune preuve ne liait directement la militante à la rédaction des propos incriminés. Ils ont aussi insisté sur la distinction entre critique du sionisme et attaque contre les Juifs en tant que communauté.

L'Analyse du tribunal note que les propos s'inscrivent dans un débat d'intérêt général sur la cause palestinienne. Que la critique du sionisme ou de la politique israélienne ne peut être assimilée automatiquement à de l'antisémitisme. Le communiqué ne visait pas la minorité juive mais dénonçait des politiques et structures liées à l'État d'Israël.

La référence à la « résistance armée » est replacée dans le cadre du droit des peuples à l'autodétermination, tel que reconnu par la résolution ONU 37/43 (1982).

Sur les bases de cette analyse, le tribunal a relaxé la militante estimant que ses propos relevaient de la liberté d'expression et qu'il serait abusif de confondre antisionisme et antisémitisme.

La Portée de ce jugement qui affirme clairement que l'antisionisme ne s'identifie pas à l'antisémitisme pourrait servir de jurisprudence en France.

Article de  La Montagne du 15 octobre 2025

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