14/12/2025 ssofidelis.substack.com  11min #298959

L'ambassadeur Mike Huckabee a encore frappé

Par  Philip Giraldi, le 13 décembre 2025

Cessons de participer et de couvrir les crimes israéliens.

Alors qu'Israël a tué des centaines de Gazaouis, dont de nombreux enfants depuis la déclaration du cessez-le-feu le 11 octobre, l'État hébreu vient d'annoncer son intention de maintenir  sa  "ligne jaune" d'occupation sur plus de la moitié de la bande de Gaza. Le territoire finira probablement par devenir de facto partie intégrante d'Israël et les Palestiniens chassés de leurs terres n'auront pas eu de chance, comme on dit. Quant aux esprits ignorants qui croient réellement que cesser le feu signifie arrêter de tirer, il est peut-être grand temps de mieux se renseigner auprès de l'homme à l'origine du "plan de paix" pour en savoir plus. La paix signifie-t-elle désarmer les Palestiniens et leur interdire de se défendre, tout en laissant Israël occuper leurs terres et les utiliser comme champ de tir pour tuer des enfants en quête de nourriture  ? Après tout, voler les terres d'autrui est une pratique que l'État juif  maîtrise parfaitement, comme en témoigne leur histoire.

Donald Trump, obsédé par le prochain Nobel de la paix grâce à ses prétendues prouesses, est directement responsable de la situation actuelle, mais il garde le silence. Sa réticence implicite donne carte blanche au Premier ministre Benjamin Netanyahu et à l'armée israélienne pour tuer à leur guise et mentir sur leurs agissements. Ce silence prévaut chez tous les imbéciles dépourvus de compassion ou de scrupule moral que Trump a réussi à rassembler et nommer à des postes clés dans son administration mafieuse. Le Secrétariat d'État et le Département de la Défense ne s'intéressent guère à ce qui se passe au Moyen-Orient ou ailleurs, sauf s'ils peuvent piller du pétrole et autres matières premières, tout en dictant aux pays étrangers pour qui voter. On pourrait donc être tenté d'appeler l'ambassade américaine concernée pour savoir ce qui se passe et se plaindre si la situation l'exige. Mais ne songez surtout pas à appeler l'ambassade "américaine" à Jérusalem, la capitale illégale d'Israël, car c'est le fief de Trump. Elle est le repaire d'une crapule qui se fait appeler ambassadeur, mais n'est en réalité qu'un apologiste ultra-sioniste corrompu défendant aveuglément tous les crimes commis par Israël; avec pour unique référence la Bible.

J'ai  déjà évoqué la rencontre entre l'ambassadeur américain en Israël, Mike Huckabee, et l'espion israélo-américain Jonathan Pollard, célèbre pour avoir dérobé plus de secrets aux États-Unis que quiconque, y compris Julius et Ethel Rosenberg exécutés en 1953 pour avoir transmis des secrets nucléaires à l'URSS. Pollard est un héros en Israël, et il a été gracié par Donald Trump à la demande de Huckabee, afin de pouvoir émigrer en Israël une fois sa peine de prison purgée. Selon Pollard, la rencontre était informelle et Huckabee n'a pas jugé utile d'en informer Washington. Trump n'a pas réagi comme il aurait dû, c'est-à-dire en limogeant Huckabee.

Mike Huckabee est un évangélique type de l'Arkansas pour qui Israël est la priorité, mais les raisons de sa nomination restent obscures, et suggèrent que Netanyahu aurait pu donner à Trump des instructions sur la candidature à retenir. Trump est tout à fait capable de faire les mauvais choix tout seul, à en juger par celui de son ancien avocat, David Friedman, comme ambassadeur lors de son premier mandat. Friedman n'était qualifié pour ce poste que par son appartenance à la communauté juive et son soutien inconditionnel à Israël. On est donc en droit d'émettre l'hypothèse d'un schéma récurrent concernant l'affectation à Jérusalem. Le seul inconvénient de ce processus consiste à faire oublier que l'ambassadeur américain auprès de l'État juif sert en principe les intérêts des États-Unis et du peuple américain, un détail visiblement sans importance. Friedman, et maintenant Huckabee, se démènent pour démontrer qu'Israël est intouchable, car le peuple juif serait élu de Dieu. Si vous êtes un Américain en vacances en Israël et que vous avez besoin d'aide, les services de l'ambassade américaine sont donc le dernier organisme auquel faire appel.

L'exceptionnalisme israélien est omniprésent dans les communications officielles de Washington, quels que soient les crimes commis contre des citoyens américains. On peut citer l'exemple de Rachel Corrie, écrasée et tuée par un bulldozer israélien en 2003, un cas totalement ignoré par l'ambassade américaine, ou encore celui de Shireen Abu Akleh, une journaliste couvrant le génocide de Gaza, visée puis abattue par un sniper de l'armée israélienne en 2022. L'ambassade américaine, loin d'exiger des explications pour ces assassinats de ressortissants américains, a décidé dans les deux cas de laisser Israël mener l'enquête, avec des conclusions qu'on imagine. Sans oublier l'attaque de l'USS Liberty par des torpilleurs et des avions de combat israéliens en juin 1967, qui a tué 34 marins et blessé plus de 172 autres dans les eaux internationales, au large de l'Égypte, dans le but de couler ce navire de collecte de renseignements. Le président Lyndon B. Johnson et son secrétaire à la Défense, Robert McNamara, ont immédiatement rappelé les avions américains envoyés pour porter secours au navire, puis ont orchestré une opération de désinformation. Johnson aurait déclaré préférer "voir couler ce navire plutôt que de contrarier son bon ami Israël". Les survivants de l'USS Liberty attendent toujours une réaction du Congrès, mais son pouvoir est également sous influence israélienne.

Plus récemment, le gouvernement américain n'a d'ailleurs pas condamné Israël, ni même tenté de tempérer ses ardeurs, après les tueries perpétrées à Gaza. Au contraire, il soutient ces crimes de guerre en finançant, en armant Israël et en lui fournissant une caution politique pour tous ses agissements. Lors d'un récent "Sommet des ambassadeurs 2025" organisé à Jérusalem devant un public de 1 000 pasteurs évangéliques américains convoyés depuis les États-Unis par le lobby israélien pour marquer l'événement, Huckabee a fait part de son "avis" en contredisant les rapports sur les  récentes atrocités commises par Israël. Il a réitéré les affirmations néoconservatrices selon lesquelles Israël a le "droit de se défendre", et est allé plus loin en réfutant des allégations qu'il considère comme mensongères. Il a notamment expliqué qu'Israël n'a pas bombardé l'État du Qatar le 9 septembre 2025. L'attaque surprise contre un pays avec lequel Israël n'est pas en guerre ciblait en réalité les dirigeants du Hamas, hébergés dans un complexe résidentiel du gouvernement qatari, alors qu'ils se réunissaient pour discuter d'une proposition de cessez-le-feu active présentée par les États-Unis. Huckabee a affirmé avec insistance, en dépit des preuves et de l'intention manifeste, qu'Israël se serait contenté de viser un congrès terroriste, et non un État souverain, conformément à son droit de protéger ses citoyens contre le terrorisme. Interrogé sur un deuxième point, Huckabee a affirmé qu'Israël n'a pas fait chanter Donald Trump grâce aux informations fournies par les dossiers de Jeffrey Epstein, sans toutefois apporter la moindre preuve de cette allégation, alors qu'Epstein était un agent des services secrets israéliens travaillant pour le Mossad et entretenant des liens étroits avec Trump. Interrogé sur l'implication d'Israël dans l'assassinat de Charlie Kirk, Huckabee a fermement rejeté cette rumeur, affirmant que l'État juif n'avait absolument aucun motif pour l'éliminer, ce qui est manifestement faux tant les raisons d'agir sont nombreuses, tout comme pour l'assassinat de JFK et des attentats du 11 septembre. Huckabee se présente comme un partisan inconditionnel de l'État juif et protège avec zèle Netanyahu et ses acolytes aux intentions ouvertement machiavéliques.

Une attitude d'autant plus surprenante que Huckabee revendique une piété biblique. Lui-même, l'ambassade et l'administration Trump n'ont pourtant rien fait pour mettre fin à la persécution des chrétiens par le gouvernement israélien et ses milices. Trump s'en est récemment pris au gouvernement nigérian, menaçant d'une intervention militaire pour les persécutions subies par les chrétiens, mais il se moque des églises bombardées et des chrétiens tués à Gaza et en Cisjordanie. Il est vrai que les chrétiens en question sont palestiniens, et donc concernés par la politique de tirs à vue pratiquée par Netanyahu et ses disciples extrémistes.

Israël s'est engagé à restreindre la pratique du culte chrétien à Jérusalem et dans toute la Cisjordanie. Ces restrictions s'appliquent notamment à l'accès aux lieux saints chrétiens de Jérusalem et de Bethléem lors des fêtes religieuses, comme Noël et Pâques, et autorisent des extrémistes juifs, dont de nombreux colons, à se rassembler devant les églises pour cracher sur les fidèles chrétiens, les insulter et les agresser physiquement, surtout les pèlerins chrétiens étrangers. Les églises chrétiennes sont même vandalisées au vu et au su de la police israélienne qui se garde bien d'intervenir.

En Cisjordanie, les villages chrétiens sont assiégés, les colons s'en prenant aux agriculteurs, détruisant les récoltes et les oliviers, et tuant le bétail. Récemment, des groupes de colons israéliens ont commencé à  défricher et occuper des terres dans et aux abords de la ville palestinienne chrétienne de Beit Sahour, la plus importante ville chrétienne de Cisjordanie, à l'est de Bethléem. Les colons ont installé des mobil-homes au sommet d'une colline appelée Ush al-Ghurab par les habitants et ont annoncé la création d'un nouvel avant-poste, baptisé Shdema. Selon un  rapport de l'Initiative Balasan pour les droits de l'homme, la création de cet avant-poste marque

"une escalade substantielle dans l'expansion des colonies israéliennes, ainsi que dans l'accaparement de terres dans le district de Bethléem".

Lorsque la nouvelle colonie sera achevée, Beit Sahour sera en grande partie coupée du reste du monde, enfermée dans une enclave bordée de routes contrôlées par l'armée israélienne et réservées aux Juifs. Les villageois ne pourront plus subvenir à leurs besoins sans terres cultivables et devront partir, s'ils trouvent refuge ailleurs. Ce type de pratique est typique des actions soutenues par le gouvernement israélien contre les communautés chrétiennes et musulmanes. Et que fait Mike Huckabee et son ambassade à ce sujet  ? Et Donald Trump, qui prétend défendre les chrétiens  ? Strictement rien.

Le secrétaire d'État et les ambassades américaines se sont de nouveau illustrés dans  une autre affaire récente portée devant le Congrès, concernant le journaliste américain Dylan Collins, blessé par l'armée israélienne au Liban. La semaine dernière, un petit groupe de législateurs démocrates, rejoint par le Comité pour la protection des journalistes et Amnesty International, a appelé Israël et l'administration Trump à mener une enquête approfondie et indépendante sur les attaques perpétrées par Israël contre les journalistes depuis le début de ses interventions militaires à Gaza et au Liban, à partir du 7 octobre 2023. Israël a tenté d'éviter toute publicité autour de ses crimes de guerre, restreignant l'accès à Gaza et ciblant délibérément les journalistes, tuant près de 300 d'entre eux, soit plus que le nombre total de journalistes tués pendant les deux guerres mondiales.

Le 13 octobre 2023, Collins et un groupe de journalistes facilement identifiables ont été touchés par deux obus provenant, selon des témoins oculaires présents sur les lieux, de chars Merkava israéliens positionnés à proximité. L'attaque a blessé Collins et quelques autres, et tué un journaliste. En tant que citoyen américain, Collins a contacté le département d'État ainsi que les administrations Biden et Trump pour leur demander des comptes et plus de transparence, mais il s'est heurté à un "silence assourdissant". En février 2024, une enquête des Nations unies a déterminé que le char israélien était bien responsable de la mort et des nombreux blessés suite au tir de deux obus de 120 mm sur un groupe de "journalistes clairement identifiables", en violation du droit international.

"Tirer sur des civils, en l'occurrence des journalistes clairement identifiables, constitue une violation de la résolution 1701 (2006) du Conseil de sécurité des Nations unies et du droit international",

indique le rapport de sept pages de la FINUL, en référence à cette même résolution.

Les États-Unis, critiqués dans le monde entier pour avoir couvert les atrocités commises par Israël au Moyen-Orient, auraient donc tout intérêt à ne pas faire le choix plus que douteux d'ambassadeurs apologistes d'Israël. Ils devraient également éviter d'aller trop loin dans la couverture des crimes israéliens, y compris leur déni inadmissible du génocide toujours en cours. Les citoyens américains, comme Dylan Collins, Rachel Corrie et Shireen Abu Akleh, victimes des crimes de guerre israéliens, en ont payé le prix. Et que les États-Unis ne respectent pas l'État de droit nuit gravement à notre pays en termes de relations internationales. Et que retirent les États-Unis de tout cet empressement à soutenir Israël  ? À part absolument rien ?

Traduit par  Spirit of Free Speech

Philip M. Giraldi, Ph.D., est directeur exécutif du Council for the National Interest, une fondation éducative qui cherche à promouvoir une politique étrangère américaine au Moyen-Orient davantage fondée sur les intérêts. Son site web est  councilforthenationalinterest.org et son adresse électronique est informcnionline.org

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