
par Jonathan Cook
Israël a créé un faux débat sur le nombre de morts qui ne concerne que ceux qui ont été tués directement par ses bombes et ses tirs d'armes à feu, et non le génocide qu'il perpètre par d'autres moyens.
La plus grande supercherie qu'Israël ait réussi à orchestrer ces deux dernières années consiste à imposer des paramètres totalement fallacieux à un « débat» en Occident sur la crédibilité du bilan des morts à Gaza, qui s'élève désormais officiellement à un peu plus de 70 000.
Il ne s'agit pas seulement du fait que nous nous sommes enlisés sans fin dans des querelles sur la fiabilité des autorités médicales de Gaza, ou sur le nombre de combattants du Hamas parmi les morts. (Malgré les campagnes de désinformation israéliennes, l'armée israélienne elle-même estime que plus de 80% des morts sont des civils.)
Ni même du fait que ces «débats» ignorent systématiquement qu'Israël a, dès le début, anéanti la capacité de Gaza à recenser ses morts en détruisant les bureaux gouvernementaux et les hôpitaux de l'enclave. Le chiffre de 70 000 est probablement largement sous-estimé.
Non, la plus grande supercherie est qu'Israël a réussi à nous enfermer tous dans un «débat», totalement déconnecté de la réalité, qui ne concerne que les personnes tuées directement par ses bombes et ses tirs.
La vérité, c'est que bien plus de personnes à Gaza ont été tuées par Israël, non pas directement, mais par des méthodes dites «indirectes».
Ces personnes ont été tuées par Israël qui a détruit leurs maisons, les laissant sans abri. Par Israël qui a détruit leurs réseaux d'eau et d'électricité, ainsi que leurs systèmes d'assainissement. Par Israël qui a rasé leurs hôpitaux. Par Israël qui les a affamés. Par Israël qui a créé les conditions idéales pour la propagation des maladies. La liste des moyens par lesquels Israël tue des gens à Gaza est interminable.
Imaginez que vos propres sociétés soient ravagées comme Gaza l'a été.
Combien de temps vos parents âgés survivraient-ils dans cet enfer ?
Comment votre enfant diabétique, votre sœur asthmatique ou votre frère atteint d'un cancer s'en sortiraient-ils ?
Photo aérienne de Palestiniens déplacés attendant dans le nord de Nuseirat de pouvoir
rentrer chez eux à Gaza le 6 janvier. (Ashraf Amra/Office de secours et de travaux des
Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient/Wikimedia
Commons/ CC BY-SA 4.0)
Comment réagiriez-vous face à une pneumonie, voire un simple rhume, si vous n'aviez mangé qu'un seul petit repas par jour pendant des mois ?
Comment votre femme affronterait-elle un accouchement difficile sans anesthésie, sans hôpital à proximité, ou avec un hôpital à peine fonctionnel, submergé par les victimes des derniers bombardements israéliens ?
Et quelles seraient les chances de survie de votre bébé si sa mère, affamée, ne pouvait produire de lait ? Et si vous ne pouviez pas le nourrir au lait maternisé parce qu'Israël bloquait l'acheminement des approvisionnements vers l'enclave ? Et si, de toute façon, l'eau contaminée était impossible à mélanger au lait en poudre ?
Aucun de ces décès n'est inclus dans le chiffre de 70 000. Et tous les précédents montrent que bien plus de personnes meurent indirectement par ces moyens que directement par des blessures mortelles causées par des bombes et des balles.
D'après une lettre d'experts du domaine publiée dans The Lancet, des études sur d'autres guerres - la plupart bien moins destructrices que celle menée par Israël dans la petite enclave - indiquent que les méthodes de guerre indirectes, plutôt que directes, tuent entre trois et quinze fois plus de personnes.
Les auteurs estiment, de manière prudente, que le nombre de morts indirectes est quatre fois supérieur au nombre de morts directes. Cela signifierait qu'au minimum 350 000 Palestiniens ont été tués à Gaza du fait des actions israéliennes.
La réalité est probablement encore plus tragique. Sans même parler des centaines de milliers de Palestiniens qui souffrent de blessures atroces et de traumatismes psychologiques.
Les stratèges israéliens connaissent parfaitement ce rapport entre les pertes directes et indirectes. C'est pourquoi ils ont choisi de détruire la quasi-totalité des habitations à Gaza, de bombarder les infrastructures d'électricité, d'assainissement et d'eau, de raser les hôpitaux et de bloquer l'aide humanitaire mois après mois.
Ils savaient que c'était ainsi qu'Israël pourrait perpétrer un génocide tout en offrant à ses alliés - les gouvernements occidentaux et son armée de lobbyistes - une impunité pour leur complicité active.
Le prétendu cessez-le-feu du président américain Donald Trump n'est qu'une nouvelle manœuvre de diversion dans ce jeu interminable de désinformation. L'UNICEF, l'agence des Nations unies pour la protection de l'enfance, rapporte que moins d'un quart des camions d'aide parviennent à entrer à Gaza malgré le blocus israélien qui provoque la famine, et ce, malgré les engagements pris par Israël dans le cadre de ce «cessez-le-feu». Apparemment, cela n'est pas considéré comme une violation flagrante du cessez-le-feu. Cela passe inaperçu.
L'UNICEF signale également qu'en octobre seulement, au début du «cessez-le-feu», près de 18 000 nouveau-nés et leurs mères ont dû être hospitalisés à Gaza pour malnutrition aiguë.
Le génocide n'est pas terminé. Israël a peut-être ralenti le rythme des massacres directs en bombardant Gaza, mais les massacres indirects se poursuivent sans relâche. Il en va de même pour le «débat» orchestré par Israël en Occident, conçu pour occulter et justifier le massacre de la population de Gaza.
source : Consortium News via Marie-Claire Tellier
