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Alio Daoud, ministre nigérien de la Justice et des Droits de l'Homme
La découverte de matériaux radioactifs très dangereux abandonnés à l'air libre dans le nord du Niger a encore tendu les relations entre Niamey et le géant nucléaire français. Les autorités nigériennes entendent désormais saisir la justice afin d'obtenir réparation pour les préjudices causés aux populations et à l'environnement.
Une nouvelle fracture s'est ouverte entre Paris et Niamey après l'annonce, le 2 décembre, par le ministre de la Justice et des Droits de l'Homme, Alio Daoud, de l'intention du gouvernement de poursuivre le géant du nucléaire français Orano.
Selon l'agence de presse ANP, cette décision fait suite à un communiqué du groupe daté du 27 novembre, dans lequel Orano dénonçait un transport « illégal » d'uranium entreposé sur le site de la SOMAIR - une prise de position qui précède la découverte de 400 tonneaux contenant de la carotte radioactive dans le département d'Arlit.
Des propos qui révèlent « le vrai visage d'Orano, celui d'un prédateur ayant perdu sa proie et qui continue de se considérer tout-puissant », selon le garde des Sceaux, qui a accusé l'entreprise française de « dénier toute intelligence aux cadres nigériens pour exécuter, dans les règles de l'art, les actes de conditionnement, de protection et de transport de ces produits stratégiques ».
Substances hautement toxiques
Le ministre nigérien a indiqué que les mesures effectuées sur les matières radioactives « révèlent une toxicité dont le taux varie entre 7 et 10 microsieverts par heure, alors que la dose normale est de 0,5 microsievert », précisant que les échantillons prélevés ont mis en évidence l'association de deux produits, à savoir le Bismuth 207 et le Chrome X, susceptibles de provoquer des troubles respiratoires aigus jusqu'à dix mètres de distance.
Alio Daoud a exprimé sa crainte de voir émerger d'autres cas similaires non encore identifiés, dont les conséquences pourraient avoir une gravité majeure au Niger. Il a pointé, dans un même contexte, la posture de la compagnie française qui tente d'« éluder sa responsabilité dans le désastre écologique et social qu'elle a créé », au lieu d'assumer ses responsabilités.
« Crimes de masse »
Le ministre de la Justice a accusé Orano de continuer ses atteintes à la santé des populations nigériennes dans ce qu'il a qualifié de « planification des crimes de masse caractérisés par l'emploi de substances radioactives, la mise en danger de la vie d'autrui et la dégradation de l'environnement ». Il a rappelé que la compagnie n'avait pas exécuté plusieurs décisions de justice nigériennes l'obligeant à traiter ou à retirer des millions de tonnes de déchets radioactifs laissés à l'air libre, « avec toutes les conséquences que le monde de la science connaît et que nos communautés vivent horriblement ».
Estimant que ces faits relèvent de violations de la loi-cadre sur l'environnement et du Code pénal, le gouvernement nigérien affirme engager des démarches judiciaires pour obtenir réparation des dommages environnementaux, sanitaires et sociaux
La compagnie Orano, détenue par l'État français, a succédé à Areva, qui a exploité l'uranium nigérien pendant plus d'un demi-siècle. Depuis la rupture des accords bilatéraux après le coup d'État de juillet 2023, plusieurs procédures d'arbitrage opposent déjà le groupe français au Niger.