23/11/2025 reseauinternational.net  6min #297012

La confrontation entre la Chine et les États-Unis : Un combat de titans entre Machiavel et Sun Tzu

par Franck Ntasamara

Aujourd'hui, le monde assiste à une confrontation géopolitique d'une envergure sans précédent entre les États-Unis et la Chine, deux superpuissances qui s'affrontent non seulement sur le plan économique, militaire et technologique, mais également dans la manière de concevoir et de mener la guerre et la politique. Ce n'est pas seulement un affrontement entre deux nations, mais un combat idéologique et stratégique qui oppose deux visions du monde profondément ancrées dans les théories de la guerre et du pouvoir : celle de Machiavel et celle de Sun Tzu. Si l'on devait donner une image de ce combat, ce serait un duel entre l'instinct de survie immédiat des États-Unis et la stratégie de long terme de la Chine. Mais à qui reviendra la victoire à long terme ?

Machiavel et la stratégie du pouvoir à court terme : La vision des États-Unis

L'un des principes fondamentaux de la pensée machiavélique, telle qu'exposée par Nicolas Machiavel dans «Le Prince», est que le souverain, ou l'État, doit être prêt à tout pour maintenir son pouvoir. L'objectif principal est de garantir sa position et son contrôle, même si cela implique des actions brutales et sans scrupules. Machiavel ne craint pas les erreurs tactiques tant qu'elles sont corrigées rapidement et avec efficacité. Les États-Unis appliquent cette philosophie en grande partie dans leurs politiques internationales : une action immédiate, une intervention rapide dans des crises et une volonté de ne jamais laisser l'adversaire prendre l'ascendant.

Le pouvoir militaire et l'usage de la force sont au cœur de cette approche. Qu'il s'agisse des interventions en Irak ou en Afghanistan, ou encore des sanctions économiques contre des pays comme la Corée du Nord ou l'Iran, les États-Unis ont souvent démontré une volonté de réagir immédiatement à toute menace, avec l'idée que l'échec n'est pas une option, et que toute erreur peut être corrigée sur le vif.

Cette approche se reflète également dans la manière dont les États-Unis se positionnent face à la Chine. L'agression commerciale, les sanctions et les blocus technologiques sont des réponses directes à la montée en puissance chinoise. Les États-Unis, selon une logique machiavélique, cherchent à rester en position dominante à tout prix, quitte à déclencher des conflits commerciaux ou militaires. Les erreurs dans ces stratégies ne sont pas vues comme des défaites irréparables, mais comme des incidents à corriger rapidement par d'autres mesures fortes.

Sun Tzu et la stratégie du long terme : La vision de la Chine

En revanche, la Chine semble incarner la philosophie de Sun Tzu, l'auteur de «L'Art de la guerre». Sun Tzu prône une approche plus patiente et calculée, où la victoire n'est pas celle qui s'obtient par une confrontation violente, mais plutôt par l'exploitation des faiblesses de l'adversaire et l'utilisation de ressources de manière stratégique et durable. Le temps, dans cette perspective, est un allié, et non une contrainte. La stratégie de Sun Tzu repose sur l'idée que l'échec n'est pas permis et qu'une victoire durable ne peut être obtenue que par une préparation minutieuse et la manipulation des facteurs géopolitiques à long terme.

Un principe fondamental de Sun Tzu est de gagner sans combattre. Cela implique non seulement une domination indirecte, mais aussi une influence douce et discrète, comme le montre l'approche chinoise vis-à-vis de ses relations économiques avec le reste du monde, en particulier le plan de la route de la soie «Belt and Road Initiative» (BRI). Ces initiatives permettent à la Chine de démanteler progressivement l'influence américaine sur certaines régions stratégiques sans avoir recours à une confrontation militaire directe.

La Chine semble avoir intégré les enseignements de Sun Tzu à tous les niveaux de sa politique étrangère. Plutôt que de risquer une guerre ouverte avec les États-Unis, elle utilise une stratégie de patience, de rééquilibrage économique et de diplomatie. Elle ne cherche pas à provoquer des confrontations militaires, mais à renforcer son influence sur le plan mondial en utilisant des leviers économiques, technologiques et diplomatiques.

La bataille des stratégies : Court terme contre long terme

Le grand avantage de la stratégie machiavélique des États-Unis est sa rapidité d'action. Face à une menace immédiate, l'Amérique a les moyens de réagir avec une force militaire et économique qui dépasse celle de n'importe quel autre pays (Sur le papier). Cela lui permet de maintenir une position de domination dans des contextes où l'action immédiate est cruciale, comme dans le cadre des conflits militaires ou des crises géopolitiques urgentes.

Cependant, cette stratégie présente également de grands risques, notamment en ce qui concerne les répercussions à long terme de telles actions. Si une erreur survient, elle peut être difficile à réparer. Les sanctions économiques, les conflits militaires et la violence diplomatique peuvent avoir des conséquences profondes sur la stabilité géopolitique et économique. Par ailleurs, cette approche ne tient pas toujours compte des évolutions à long terme : les États-Unis risquent de se retrouver dans une situation où ils se sont engagés dans un affrontement avec la Chine, sans qu'ils aient prévu les répercussions globales de cette guerre à long terme.

En revanche, la Chine, en suivant les principes de Sun Tzu, semble prendre le temps d'observer et de calculer les mouvements dans une stratégie qui ne se focalise pas uniquement sur des gains immédiats, mais sur une domination durable. La patience stratégique de la Chine, qui a déjà démontré sa capacité à construire des alliances sur plusieurs années, à maîtriser les marchés et à étendre son influence diplomatique, pourrait permettre au pays de sortir vainqueur d'une confrontation à long terme.

Une bataille de perception : Qui a raison ?

À mesure que cette confrontation se déploie sur la scène mondiale, une question demeure : qui l'emportera ? Le pragmatisme immédiat de Machiavel ou la sagesse à long terme de Sun Tzu ? Il semble que la Chine, avec sa stratégie subtile et contrôlée, ait un avantage sur le long terme, car elle a parfaitement compris l'importance d'une approche globale qui prend en compte non seulement les menaces actuelles, mais aussi les facteurs à long terme. Dans une époque marquée par la globalisation et la dépendance interconnectée, la résilience et la stratégie douce sont souvent plus efficaces que l'usage d'une force brute qui, bien qu'«efficace» à court terme, peut mener à l'isolement et à l'instabilité à long terme.

À l'heure où le conflit sino-américain semble inévitable, il est crucial de comprendre que cette confrontation sera un combat de deux visions d'un seul monde : la domination machiavélique occidentale où tous les coups sont permis, contre la patience stratégique du Sud global de Sun Tzu. L'histoire nous dira quel modèle résistera à l'épreuve du temps.

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