19/11/2025 reseauinternational.net  4min #296692

L'Europe est prête à voler l'argent russe

par Alexandre Lemoine

L'UE ne sait pas comment trouver de l'argent pour l'Ukraine : si Bruxelles n'arrive pas à voler les actifs russes, les pays membres de l'union devront accorder à Kiev des subventions bilatérales ou contracter un emprunt conjoint. Certains pays craignent des poursuites judiciaires de la part de Moscou, mais von der Leyen fait pression sur eux.

La présidente de la Commission européenne a proposé aux États membres de l'UE  trois options pour financer l'Ukraine, rapporte le Financial Times.

Les gouvernements des pays de l'Union européenne devront fournir des subventions bilatérales ou contracter une nouvelle dette commune pour financer l'Ukraine s'ils ne parviennent pas à s'entendre pour accorder à Kiev un prêt de 140 milliards d'euros en utilisant les actifs russes bloqués, a prévenu Bruxelles.

Dans une lettre aux membres de l'Union européenne, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a déclaré que l'Ukraine avait besoin de 135,7 milliards d'euros au cours des deux prochaines années pour couvrir ses besoins militaires et financiers. La politicienne a exposé trois options possibles aux pays de l'UE : des subventions nationales, un nouvel emprunt commun ou l'utilisation des actifs russes bloqués.

L'objectif de cette lettre est d'intensifier la pression sur les gouvernements nationaux et de les forcer à accepter un «prêt de réparation» de 140 milliards d'euros. La Commission européenne l'a proposé plus tôt cette année, mais la Belgique continue de bloquer l'initiative, craignant des conséquences juridiques et financières. Ni les subventions bilatérales ni l'augmentation de la dette commune de l'UE ne sont acceptables pour la plupart des membres.

Les actifs de la Banque centrale de Russie, d'une valeur d'environ 190 milliards d'euros, sont détenus par Euroclear, le dépositaire central de titres dont le siège est en Belgique. Les dirigeants du pays ont demandé aux gouvernements alliés de partager les risques et de garantir le prêt avec des actifs bloqués dans leurs juridictions. Dans le cadre du prêt «de réparation» proposé, Euroclear investirait les titres de la Banque centrale de Russie arrivant à échéance dans un accord de crédit spécial avec l'UE. Celui-ci, à son tour, accorderait à l'Ukraine un prêt «à responsabilité limitée de l'emprunteur», que Kiev ne devrait rembourser que si Moscou commence à payer des réparations de guerre.

Pour apaiser les craintes de la Belgique et préparer le terrain pour la conclusion d'un accord d'ici la fin de l'année, von der Leyen a promis d'examiner des «garanties juridiques supplémentaires», y compris le fait que d'autres États membres partagent les coûts des litiges et procédures judiciaires internationales. Elle a toutefois souligné qu'il était impossible «d'éliminer complètement les risques» et que la question de savoir combien de temps les pays de l'UE les supporteraient restait ouverte. Malgré toutes les précautions, «on ne peut pas exclure des effets secondaires potentiels, y compris pour les marchés financiers, si le prêt de réparation est interprété à tort comme une confiscation d'actifs russes», a reconnu von der Leyen.

Le Premier ministre belge Bart De Wever a également appelé à utiliser les actifs russes bloqués dans d'autres pays européens. Selon le gouvernement français, environ 19 milliards d'euros se trouvent en France, principalement dans des banques commerciales.

En réponse à cette demande, von der Leyen s'est dite prête à «étendre» le système aux actifs souverains russes détenus dans des banques commerciales dans d'autres parties de l'UE. Cette mesure porterait le plafond total à 210 milliards d'euros, a-t-elle ajouté. Selon elle, le risque que le prêt soit perçu comme une confiscation pourrait être réduit si d'autres pays non-membres de l'UE suivaient l'exemple de l'union. Le Royaume-Uni et le Canada ont déclaré qu'ils envisageaient des mesures similaires dans leurs juridictions, selon le modèle de l'UE.

La Commission a noté que 42 milliards d'euros supplémentaires avaient été bloqués dans des juridictions du G7 en dehors de l'UE. Ainsi, environ 5 milliards de dollars se trouvent aux États-Unis, et environ 33 milliards supplémentaires au Japon, ont indiqué des sources informées.

Par ailleurs, le Luxembourg s'abstient d'utiliser les actifs russes bloqués, invoquant un accord d'investissement bilatéral avec Moscou, dont la violation pourrait entraîner des poursuites judiciaires. La Belgique est liée par un accord similaire.

Von der Leyen a conseillé aux pays de «se retirer des traités d'investissement bilatéraux concernés» afin de limiter ces risques juridiques. Le bureau du Premier ministre belge n'a pas répondu à une demande de commentaires. Euroclear s'est également refusé à tout commentaire.

source :  Observateur Continental

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