
Par Ramzy Baroud*, le 13 octobre 2025
Le cercle vicieux des stratagèmes "pacifiques" américano-israéliens.
L'histoire du sionisme est fondamentalement une histoire de tromperie. Cette affirmation est particulièrement pertinente aujourd'hui, car elle permet de replacer dans son contexte la soi-disant " proposition Trump pour Gaza", qui semble n'être guère plus qu'une stratégie voilée visant à vaincre les Palestiniens et à faciliter le nettoyage ethnique d'une part importante de la population de Gaza.
Depuis le début du conflit actuel, les États-Unis ont été l'allié le plus fidèle d'Israël, allant jusqu'à présenter le massacre pur et simple de civils palestiniens comme le "droit de se défendre" d'Israël. Cette posture se caractérise par la criminalisation généralisée de tous les Palestiniens, civils et combattants, femmes, enfants et hommes confondus.
La naïve croyance selon laquelle l'administration Trump pourrait freiner Israël s'est avérée infondée. Que ce soit l' administration démocrate de Joe Biden ou l' administration républicaine de son successeur, toutes deux ont été des partenaires zélés de la mission messianique du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. La différence est principalement rhétorique. Si Biden a su enrober son soutien indéfectible dans un discours libéral, Trump a été plus direct, n'hésitant pas à user de menaces explicites.
Les deux administrations ont poursuivi des stratégies favorisant la victoire de Netanyahu, même lorsque sa guerre n'a pas atteint ses objectifs stratégiques. Biden a envoyé son secrétaire d'État, Antony Blinken, négocier un cessez-le-feu entièrement conforme aux intérêts israéliens. De même, Trump a fait appel à son gendre, Jared Kushner, et à l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair, entre autres, pour mettre en place un plan similaire.
Netanyahu a habilement exploité les deux administrations. Mais sous l'ère Trump, le lobby américain et Israël sont ostensiblement dicté la politique étrangère américaine. La célèbre scène de l'année dernière, lors de la visite de Netanyahu à la Maison Blanche, où le président "America First" lui a avancé une chaise, en est le symbole. La nomination de Blair, qui a autrefois dirigé le Quartet pour la paix contrôlé par les États-Unis, par la Maison Blanche aux côtés de Kushner en août, était un autre signe avant-coureur. Il était évident qu'Israël et les États-Unis préparaient un plan beaucoup plus vaste : non seulement écraser Gaza, mais aussi prévenir toute tentative de ressusciter la cause palestinienne.
Alors que dix pays ont reconnu l'État de Palestine sous les applaudissements de l'Assemblée générale des Nations unies entre le 21 et le 23 septembre, les États-Unis et Israël s'apprêtaient à dévoiler leur grande stratégie, avec la contribution essentielle de Ron Dermer, alors ministre israélien des Affaires stratégiques.
La proposition de Trump sur Gaza a été annoncée le 29 septembre. Presque immédiatement, plusieurs pays, dont de fervents partisans de la Palestine, ont déclaré leur soutien sans que l'on se rende compte que la dernière version du plan a considérablement été modifiée par rapport à la version discutée entre Trump et les représentants du monde arabe et musulman à New York le 24 septembre.
Trump a annoncé que la proposition a été acceptée par Israël et a menacé le Hamas en déclarant que s'il ne l'accepte pas dans les "trois ou quatre jours", "la fin sera tragique". Pourtant, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, qui, avec l'ONU, a largement échoué à demander des comptes à Israël, a déclaré son soutien à la proposition de Trump, affirmant
qu'"il est désormais crucial que toutes les parties s'engagent à respecter l'accord et à le mettre en œuvre".
Netanyahu s'est senti pousser des ailes, estimant que la pression internationale s'allége enfin et que la responsabilité incombe désormais aux Palestiniens. Il aurait déclaré que
"désormais, le monde entier, y compris le monde arabe et musulman, fait pression sur le Hamas pour qu'il accepte ces conditions".
Fort de la conviction que le vent tournait en sa faveur, il a ouvertement réaffirmé ses objectifs pour Gaza le 30 septembre :
"Libérer tous nos otages, vivants ou morts, tandis que l'armée israélienne conservera le contrôle de la majeure partie de la bande de Gaza".
Même lorsque les pays arabes et musulmans ont protesté contre les modifications apportées au plan initial de Trump, ni Netanyahu ni Trump n'ont cédé : le premier a poursuivi les massacres, tandis que le second réitérait ses menaces.
La conclusion est sans appel : quelle que soit la position palestinienne, Israël continuera à mener un nettoyage ethnique de la bande de Gaza, en utilisant des moyens militaires ou non. Le plan prévoit que Gaza et la Cisjordanie seront administrées comme deux entités distinctes, la bande de Gaza étant placée sous le contrôle direct du "Conseil de paix" de Trump, faisant ainsi cyniquement de Blair et Kushner les nouveaux dirigeants coloniaux de la Palestine.
L'histoire de la tromperie israélienne se perpétue. Dès ses débuts, le colonialisme sioniste a justifié sa domination sur la Palestine par une série de mensonges : les colons européens auraient des liens historiques essentiels avec cette terre, la Palestine serait une "terre sans peuple", les autochtones seraient des intrus et les Arabes seraient intrinsèquement antisémites. En conséquence, l'État d'Israël, construit sur une terre palestinienne ethniquement nettoyée, a été présenté faussement comme un "phare" de la paix et de la démocratie.
Ce tissu de mensonges s'est épaissi et accentué après chaque massacre et chaque offensive. Lorsque l'État d'Israël a échoué dans la gestion militaire ou la guerre de propagande, les États-Unis n'ont jamais hésité à intervenir. Un exemple frappant est l' invasion du Liban par Israël en 1982, au terme de laquelle un "accord de paix" a été imposé à l'OLP sous la pression des États-Unis. Grâce aux démarches de l'émissaire américain Philip Habib, les combattants palestiniens ont quitté Beyrouth pour l'exil, avec l'assurance que cette mesure épargnerait la vie de milliers de civils. Malheureusement, c'est le contraire qui s'est produit, ouvrant la voie au massacre de Sabra et Chatila, puis à l' occupation israélienne du Liban, de 1982 à 2000.
Ce processus historique se répète aujourd'hui à Gaza, même si les options sont désormais plus radicales. Les Palestiniens sont confrontés à un choix : la défaite assurée de Gaza, avec une pause temporaire et incertaine du génocide, ou la poursuite des massacres de masse. Contrairement aux mensonges israéliens au Liban il y a quarante ans, Netanyahu ne fait néanmoins aucun effort pour dissimuler ses intentions malveillantes cette fois-ci. La communauté internationale, face à cette mascarade et au génocide, va-t-elle laisser Netanyahu s'en tirer et poursuivre ses exactions ?
Traduit par Spirit of Free Speech
* Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de The Palestine Chronicle. Il a écrit six livres et contribué à de nombreux autres. Le Dr Baroud est également chercheur senior non résident au Center for Islam and Global Affairs (CIGA).