12/10/2025 2 articles dedefensa.org  7min #293181

La question de « notre fin »

 Ouverture libre

• Le sentiment général, de plus en plus aigu, est bien entendu que notre civilisation, et notre monde en un mot, se dirige vers un terme catastrophique ou/et bouleversant. • On envisage ici deux termes de cette sorte, l'un par une dictature de la technologie agissant comme une égrégore autonome, l'autre par une Troisième Guerre mondiale qui serait notre Armageddon postmoderne. • Alexandre Douguine, très churchillien, nous décrit la deuxième options en nous promettant du feu, du sang et des larmes comme épreuves nécessaires pour clore cette époque maudite.

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11 octobre 2025 (18H15) - Quand l'on dit "notre fin", - et c'est l'explication des guillemets, - on a à l'esprit que cette expression peut avoir des sens très variés, voire opposés, dans tous les cas selon l'esprit où nous l'envisageons. Il se trouve que la chose est aujourd'hui très souvent envisagée, au point où l'on peut dire que cette question sur "notre fin" est devenue une sorte d'objet d'hypothèses et de supputation quasiment universel, - "en temps réel", comme l'on dit, sans esprit de complotisme ou de dérangement mental.

• "Notre fin" peut signifier la fin de l'espèce humaine en tant que telle, telle que nous la connaissons, avec ses ornements sympathiques, - le libre-arbitre, la liberté, le sens et l'organisation d'une civilisation, les interrogations sur les causes premières et les fins dernières, toutes ces sortes de choses. C'est vraiment "la fin", le terminus du Tout à la station finale du Rien.

• "Notre fin" peut signifier, de façon extrêmement différente, sinon opposée, la fin de notre civilisation parvenue au terme de sa décadence. Cette "fin" serait vécue, ou devrait l'être, comme une libération, un soulagement, un triomphe, etc., bien qu'elle dût se faire éventuellement par une Très-Grande Guerre où nous souffrirons beaucoup.

Nous sommes dans une époque bien singulière pour que cette question soit devenue la question principale, littéralement d'actualité, influant sur nos jugements, sur nos décisions, et sur les événements dont on peut penser, - et on l'ose de plus en plus souvent, - qu'ils sont mus par d'autres forces que les nôtres que certains croiraient et croyaient pourtant maîtresses d'elles-mêmes comme de l'univers. De même, la singularité se trouve dans le crédit grandissant que nous accordons à une interprétation extra-humaine du comportement de certains groupes humains, et de certaines individualités. Il est désormais presque courant, disons "sur la pointe des pieds", d'avancer comme hypothèse que tel groupe, tel individu, se trouvent sous une influence diabolique ; ce qui ne signifie pas d'ailleurs un machiavélisme brillant et d'une intelligence imprévisible mais au contraire, et le plus souvent, une consternante stupidité.

Guénon : « L'on dit même que le diable, quand il veut, est fort bon théologien ; il est vrai, pourtant, qu'il ne peut s'empêcher de laisser échapper toujours quelque [bêtise], qui est comme sa signature... »

"Notre fin" par le progressisme technologique

La première perspective se retrouve dans une prospective lugubre caractérisée par une prise de pouvoir d'une technocratie, voire de la technologie elle-même qui acquerrait une conscience et une autonomie d'action. Ajoutée à sa formidable puissance supposée, cette action aurait raison de la conscience et de l'autonomie humaines, qu'en quelque sorte la technologie s'approprierait. Cette piste bouleversante se nourrit évidemment au miel de l'intelligence artificielle mais semble faire l'impasse sur les nombreuses possibilités de blocage de la technologie comme on en voit de plus en plus souvent dans certains domaines, voire, - s'il y a conscience et autonomie, - la folie qui pourrait s'emparer de l'égrégore technologique, dans des circonstances rappelant les mythes flamboyant et foisonnant de l'Antiquité.

Le philosophe finlandais Markku Siira est une bonne source pour mesurer les "progrès" et les avatars d'une telle "fin de l'espèce humaine". On peut lire notamment deux articles récents, le  18 septembre 2025 (« L'essor du technofascisme dans l'Amérique de Trump ») et le  10 octobre 2025 (« L'horizon déclinant de l'humanité: la dystopie techno-capitaliste de Nick Land »). Dans le second, il décrit le parcours du philosophe Nick Land, illustrant parfaitement ce type d'avatar qui nous renvoie à nos origines, y compris par le moyen d'une technologie hyper-triomphante (pour remonter le temps, par exemple, et retrouver nos traditions, non ?) :

« Ses vues, qui anticipaient autrefois la fin de la politique depuis la perspective de la rupture technologique, se sont rapprochées au fil des ans de la pensée conservatrice traditionnelle, ce qui se reflète aujourd'hui aussi dans ses commentaires, par exemple sur l'état de l'Église d'Angleterre et ses allusions aux profondeurs secrètes de l'histoire de la modernité. Il est étonnant que Land ne voie pas lui-même la contradiction entre le progressisme technologique et le traditionalisme réactionnaire - ou peut-être que ce paradoxe est justement le cœur de sa philosophie. »

Le dernier membre de phrase, avec le "peut-être", est si intéressant et correspond si joliment aux pétillements caractérisant notre époque pleine de surprise. Il est bien possible, - et cela serait une joyeuse farce-bouffe, - que l'hyper-technologie, à force d'être hyper, achève sa révolution (orbitale, selon la remarque d'Hanna Arendt) à son point de départ, dans les bras de la tradition.

"Notre fin" par Armageddon standard

Il s'agit ici de suivre la voie très-traditionnelle, dont tout le monde parle, d'une Grande Guerre finale, disons "une sorte" de Troisième Guerre mondiale qui s'avèrerait être une Armageddon hyper-classique où les restes puants de notre civilisations termineraient en lambeaux poussiéreux et honteux. Il faut noter que, dans l'hypothèse précédente, une secousse guerrière de cette dimension, pourtant bien probable et certes considérable, n'est nullement prise en compte.

C'est donc une fin "heureuse", qui semble inévitable dans la situation présente où le diable a effectué une purge radicale de nos directions de l'Occident-convulsif pour les peupler des imbéciles les plus achevés et si contents d'eux-mêmes qu'ils ne changeront rien jusqu'à l'effondrement final.

Pour avoir un récit de cette fin cruelle mais heureuse, nous faisons appel à un philosophe qui affectionne les visions titanesques, en la personne d'Alexander Douguine. Il est remarquable qu'il n'ait pas attribué un rôle particulier à sa chère-Russie dans sa description, ce qui montre qu'il s'est placé du point de vue le plus objectif possible. La catastrophe n'en est pas moins sévère...

De même, il ne précise nullement que cette guerre pourrait déboucher sur un affrontement nucléaire d'anéantissement, comme si les guerres commencées ces dernières années nous avaient habitués à ne pas nous laisser tenter par cette issue (ce qui  est envisageable avec l'arrivée des missiles hypersoniques qui font autant de dégâts sur la cible qu'une arme nucléaire sans les immenses dégâts collatéraux ni la peste des radiations).

Son titre original (« L'humanité sera confrontée à des épreuves terribles »), que nous nous sommes permis de raccourcir tout en gardant l'idée principale, nous donne une idée de ce qui nous attend. Bien entendu, nous n'en sommes qu'au début mais le phénomène a effectivement commencé ; il est donc peu utile, même s'il faut y travailler, d'attendre des deux guerres en cours (Ukraine et Israël) qu'elles débouchent sur des arrangements durables... On l'aurait parié sans grand risque :

« Pour l'instant, il ne s'agit que d'un avant-goût de cette grande et fondamentale guerre qui sera menée pour la redistribution de la véritable souveraineté entre les forces en train de naître aujourd'hui. »

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Articles enfants
12/10/2025 dedefensa.org  5min #293182

 La question de « notre fin »

Des épreuves terribles nous attendent

Par Alexandre Douguine

Les changements dans l'ordre mondial se produisent généralement par la guerre. Il est très rare que ceux qui détiennent le pouvoir absolu acceptent de s'en défaire volontairement. En général, ils s'y accrochent jusqu'au bout, jusqu'à être détruits et réduits en cendres. Il ne fait aucun doute que c'est également le cas aujourd'hui.

Bien sûr, l'histoire prend parfois des tournures inattendues.