En 2017, Frédérick Mathis a créé la toute première école ETRE afin de former les jeunes déscolarisés aux métiers de la transition écologique. L'occasion pour les élèves d'apprendre de nouvelles professions, mais aussi de se reprendre en main et de gagner en confiance en soi après une scolarité difficile. Rencontre autour d'un projet inspirant.
Frédérick Mathis est le co-fondateur des écoles ETRE (École de la Transition Écologique). Depuis 2017, ces établissements forment et accueillent des jeunes déscolarisés âgés de 16 à 25 ans pour leur apprendre les métiers manuels de la transition écologique.
Parmi ces métiers, on retrouve par exemple : le maraîchage bio, l'installation de panneaux solaires, la rénovation énergétique des bâtiments, les métiers du bois ou encore l'agro-écologie.

Ces écoles sont une alternative pour les jeunes en décrochage scolaire qui ne se retrouvent pas dans l'enseignement traditionnel. Les élèves sont issus de parcours très différents. Ils peuvent être en situation de handicap, en conflit avec le système scolaire ou avoir été incarcérés. Une école forme en moyenne entre 70 et 100 jeunes, qui sont répartis en petits groupes.
"Le but de ces petites formations est d'avoir un accompagnement très individualisé tout en gardant la force du collectif. La question de confiance se construit en petits groupes. On a des groupes de 8 à 12 jeunes, ce qui crée des réseaux d'entraide", nous explique Frédérick Mathis.
La création du projet
« À 9 ans, dans la cour d'école, avec un ami d'enfance, on s'est dit qu'un jour on créerait une école »
L'envie de Frédérick Mathis de créer une école a toujours été en lui. Déjà petit, il avait cette ambition de fonder un établissement pour les jeunes.
"J'ai grandi à Toulouse et j'ai eu la chance d'être dans une école dite alternative. À 9 ans, dans la cour d'école, avec un ami d'enfance, on s'est dit qu'un jour on créerait une école, parce qu'on était tellement bien dans celle-ci qu'on avait envie de créer la nôtre. C'est ce qui s'est passé 30 ans après", nous confie Frédérick Mathis.

Après s'être engagé dans l'associatif pendant une vingtaine d'années, Frédérick Mathis a retrouvé son ami d'enfance. Ensemble, ils ont travaillé dans un foyer d'accueil. Sensible aux questions écologiques, Frédérick Mathis a décidé d'aborder ce sujet avec les jeunes, ce qui a nourri son projet.
"Quand je suis arrivé dans ce foyer, j'ai commencé à parler aux jeunes des questions écologiques. Ils m'ont dit qu'ils n'y connaissaient rien et, surtout, qu'ils ne se sentaient pas concernés par ce sujet.
J'ai trouvé ça problématique car ce sont ces jeunes qui vont être les premières victimes des bouleversements climatiques. Il faut absolument qu'ils prennent conscience de ces enjeux et qu'ils en deviennent les ambassadeurs.
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« L'écologie représentait un stress et une charge mentale supplémentaires qu'ils préféraient ne pas savoir"
Quand je leur ai parlé d'écologie, c'était une douche froide. Ils m'ont dit qu'ils avaient déjà beaucoup de problématiques quotidiennes comme trouver un emploi, une formation, retourner à l'école... L'écologie représentait un stress et une charge mentale supplémentaires qu'ils préféraient ne pas savoir", précise Frédérick Mathis.

Suite à cela, Frédérick Mathis a eu l'idée de partir à la campagne avec dix jeunes des quartiers de Toulouse, pour "mettre les mains dans la terre". Il les a sensibilisés aux métiers de la transition écologique comme le maraîchage, la fabrication de panneaux solaires ou encore la création de charpente. Ce séjour a été un énorme déclic.
"Non seulement les jeunes s'intéressaient à une question qui paraissait très éloignée de leur quotidien, mais en plus, le fait de fabriquer des choses de leurs propres mains leur a redonné confiance. C'était magique, on a eu des jeunes qui ont pleuré de joie en réalisant ce qu'ils faisaient", nous confie Frédérick Mathis.
À la suite de ce séjour, les jeunes étaient unanimes : ils voulaient se former pour travailler dans ces métiers liés à la transition écologique. Ainsi, pendant dix ans, Frédérick Mathis a travaillé aux côtés de ces jeunes pour créer une formation adaptée à leurs attentes, leurs appétences et leurs envies.
C'est ainsi que la première école ETRE est née. Elle a été créée en 2017 à Lahage, un petit village près de Toulouse.
Par la suite, Frédérick Mathis a reçu des demandes d'associations, de jeunes et de familles pour créer des écoles ETRE partout en France. C'est ainsi que le réseau est né.
Aujourd'hui, Frédérick Mathis accompagne les associations qui souhaitent se lancer dans le projet. En lançant des appels à manifestation d'intérêt, lui et son équipe sélectionnent dix associations qu'ils accompagnent ensuite pendant neuf mois pour créer une école.
Des formations adaptées
Les formations proposées dans les écoles ETRE sont évolutives et durent entre trois semaines et six mois.
La première étape, d'une durée de trois semaines, est centrée sur la remobilisation du jeune. Elle lui permet de se remettre en action à travers des activités manuelles. Si l'élève est intéressé pour continuer sa formation, il s'engage pour quatre à six mois afin de définir son projet professionnel. Pendant ce laps de temps, il va travailler sur ce qu'il veut faire plus tard, rencontrer des entreprises et s'exercer à plusieurs métiers.
« Il s'agit d'un véritable parcours qui permet vraiment aux jeunes de se projeter"
Au terme de la formation, les jeunes peuvent accéder à un emploi ou continuer dans une formation plus longue en intégrant des organismes de formation partenaires.
"Pour que les jeunes puissent se projeter et reprendre confiance en eux, on s'est dit qu'il fallait créer des petits modules, qui seraient de plus en plus longs. Il s'agit d'un véritable parcours qui permet vraiment aux jeunes de se projeter" complète Frédérick Mathis.
Ainsi, ce sont les élèves qui décident de leur parcours, de ce qu'ils veulent faire et pendant combien de temps. Les jeunes qui intègrent ces écoles sont souvent en perte de confiance et de reconnaissance. En leur proposant une formation adaptée, les encadrants cherchent à les valoriser à nouveau.
"On a des jeunes qui ne font pas du tout un métier de la transition écologique après la formation, mais ce n'est pas grave car l'enjeu au départ est la question de l'engagement. On a par exemple un jeune qui a suivi une formation de mécanique auto donnée par un bénévole, et il est devenu mécanicien. On a rencontré son patron qui nous a dit qu'il était super, très investi et mobilisé. C'est le plus important", nuance Frédérick Mathis.

Les formations sont dispensées par des encadrants techniques, des professionnels qui ont travaillé dans ces différents métiers. Après la formation, les jeunes sont ensuite suivis pendant une année. Depuis la création du projet, entre 3 000 et 4 000 jeunes ont été formés et 89% d'entre eux ont réussi à se remettre dans une dynamique, c'est-à-dire à prendre des décisions professionnelles ou personnelles constructives.
« 70% des élèves ont retrouvé un emploi ou une formation diplômante »
Certains se sont par exemple inscrits en formation tandis que d'autres ont décidé de suivre une cure de désintoxication. Par la suite, 70% des élèves ont retrouvé un emploi ou une formation diplômante.
Si l'école ETRE est avant tout pensée pour les jeunes, elle accueille également d'autres personnes plus âgées. C'est le cas de l'un des établissements dans les Pyrénées qui travaille avec des demandeurs d'asile, ainsi que d'autres écoles qui accueillent des personnes en reconversion professionnelle. Bien que différents, ces profils représentent un quart des effectifs des écoles ETRE.
Des projets pour 2028
Aujourd'hui, on compte 29 écoles en France dont 28 en métropole et une à La Réunion. En 2024, 1 000 jeunes ont été formés.

Pour parler de son projet au plus grand nombre, Frédérick Mathis a sorti un livre intitulé J'ai rêvé d'une école afin d'aborder le thème de la transition écologique, mais aussi d'inspirer.
"J'ai écrit ce livre pour dire que c'est possible d'agir et qu'on ne risque rien à ne rien faire. On est dans un tel monde de troubles, de doutes et de questionnements que toute expérience est bonne à prendre. Même moi qui ne suis pas issu de grandes écoles ou d'une grande ville, j'ai réussi à faire quelque chose. L'échec fait partie de l'apprentissage et du projet, il ne faut pas en avoir peur. C'est important de tester et d'expérimenter", déclare-t-il.
Par la suite, l'objectif de Frédérick est de compter 60 écoles d'ici 2028 et de former entre 5 000 et 6 000 jeunes par an. Frédérick Mathis aimerait également mettre en place un réseau d'entraide entre les jeunes après la formation pour leur permettre de se soutenir à l'avenir. À découvrir ici.
- Lisa Guinot