05/07/2025 ir-press.ru  6min #283247

France - Le projet de loi contre les contenus « anti-républicains », une nouvelle loi « bâillon » ?

par Christelle Néant

Le 10 juin 2025, le  projet de loi n°1535 visant à interdire et sanctionner les contenus et discours anti-républicains en France, a été déposé à l'assemblée nationale, officiellement pour contrer des organisations comme les « Frères musulmans ». Mais quand on regarde ce texte de loi, et que l'on se rappelle de l'Histoire de France, on se rend compte que cette loi contre les contenus « anti-républicains » rappelle d'autres lois qui visaient à punir ceux qui avaient des idées « anti-révolutionnaires » il y a quelques siècles en arrière, et qui se sont terminées par un bain de sang.

Alors que le gouvernement français d'Emmanuel Macron prend une tournure de plus en plus autoritaire (suicides étranges qui se multiplient, arrestations ou mises en examen de toute personne s'interrogeant sur Mme Macron ou critiquant activement et publiquement la politique de son mari), le projet de loi n°1535 contre les contenus « anti-républicains » a de quoi faire craindre une dérive accélérée vers une censure de plus en plus ouverte en France.

Dans l'exposé des motifs justifiant ce nouveau projet de loi, on peut lire que « la République française repose sur des principes fondamentaux : liberté, égalité, fraternité, laïcité, souveraineté du peuple, et indivisibilité de la nation » et que «ces principes sont aujourd'hui menacés par la diffusion de discours issus de courants idéologiques qui remettent en cause notre modèle fondé sur l'universalisme républicain » parmi lesquels « le plus menaçant aujourd'hui est celui des Frères musulmans ».

Sauf que si on lit attentivement le rapport du ministère de l'Intérieur français sur cette organisation, on se rend compte que, certes, idéologiquement elle est dangereuse, mais qu'en termes de chiffres concrets de nombre de membres ou de lieux de culte sous son contrôle, le pourcentage d'implantation est très faible, avec un noyau dur d'environ 400 personnes (1 000 au grand maximum). Cela semble très léger pour justifier de voter une nouvelle loi qui au final, va encore plus restreindre la liberté d'expression en France sous couvert de lutte contre les « contenus anti-républicains ».

Surtout que si on regarde bien les principes que ce projet de loi prétend défendre, on se rend compte qu'il y a déjà des lois en France qui les protègent ! En effet, ce projet de loi prétend s'attaquer à ceux qui tiennent des propos contraires à l'article n°1 de la  constitution française :

« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales. »

La loi n° 72-546 du 1er juillet 1972 a déjà introduit le délit de « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » dans le droit français. D'autres lois ultérieures ont ajouté des délits pour des propos incitant à la discrimination, la haine ou la violence à l'égard d'une personne ou un groupe de personnes en raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur handicap.

En 2019, une autre loi fourre-tout visant à lutter contre les discours de « haine », la fameuse loi « Avia », avait été votée mais amputée d'une grande partie de son contenu par le conseil constitutionnel, qui avait estimé à juste titre que les exigences de censure des contenus incriminés par les plateformes de réseaux sociaux étaient irréalistes.

Six ans plus tard, nous voici donc avec un nouveau projet de loi qui prétend lutter contre les contenus « anti-républicains » en France. Sauf que bon nombre des points officiellement défendus par ce projet de loi (liberté, égalité, fraternité, etc) sont déjà défendus par d'autres lois françaises. Donc à quoi cela rime de rajouter une couche sur un mille-feuilles législatif français déjà surchargé ?

En fait, ce qu'il faut regarder ce n'est pas ce que le projet de loi prétend vouloir défendre, mais ce à quoi il s'attaque réellement et ce qui peut se retrouver attaquer à travers cette loi.

En effet, une loi qui punit le fait d'inciter « de manière directe et publique à la haine ou à la violence à l'encontre d'un groupe de personnes ou d'institutions en raison de leur attachement aux valeurs républicaines » ou de promouvoir « un régime politique ou juridique fondé sur des principes contraires à ceux de la République », moi ça me rappelle les lois votées après la révolution française, visant à punir ceux qui défendaient des idées « anti-révolutionnaires ».

Si on regarde la loi du 10 juin 1794, qui instituait un tribunal révolutionnaire pour « punir les ennemis du peuple », c'est-à-dire « ceux qui cherchent à anéantir la liberté publique » ou « ceux qui auront provoqué le rétablissement de la royauté, ou cherché à avilir ou à dissoudre la Convention nationale et le gouvernement révolutionnaire et républicain », je ne sais pas vous, mais moi ça me rappelle furieusement le projet de loi n°1535.

Or quand on sait comment ces lois visant à lutter contre les personnes véhiculant l'idéologie « anti-révolutionnaire » se sont transformées en véritable dictature (la Terreur), qui a fait des dizaines de milliers de morts en France, dont beaucoup d'innocents qui n'avaient fait que critiquer ou s'opposer aux mauvaises personnes, on a de quoi se poser des questions sur la fenêtre d'Overton géante que cette loi visant à lutter contre les contenus « anti-républicains » va ouvrir.

Parce que le deuxième paragraphe du 1er article de ce projet de loi est des plus flous. C'est quoi la haine à l'encontre de personnes « en raison de leur attachement aux valeurs républicaines » ? On définit ça comment l'attachement aux valeurs républicaines ? Si on critique Emmanuel Macron, du fait qu'il est président de la République (donc celui censé être le garant du respect de la constitution, donc des fameuses valeurs républicaines) ça tombe sous le coup de ce projet de loi ou pas ?

Quand on voit comment Emmanuel Macron a traité les Gilets Jaunes, la crise du COVID, et la façon dont les magistrats français interprètent très librement la loi pour faire condamner toute parole dissidente un peu trop médiatisée, le vote d'une telle loi, censée lutter contre les « contenus anti-républicains », provoquerait une dérive dangereuse vers une censure décomplexée en France. C'est-à-dire une violation totale de ces mêmes principes républicains que cet projet de loi prétend protéger...

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newsnet 2025-07-05 #14945
En effet, une loi qui punit le fait d'inciter « de manière directe et publique à la haine ou à la violence à l'encontre d'un groupe de personnes ou d'institutions en raison de leur attachement aux valeurs républicaines » ou de promouvoir « un régime politique ou juridique fondé sur des principes contraires à ceux de la République », moi ça me rappelle les lois votées après la révolution française, visant à punir ceux qui défendaient des idées « anti-révolutionnaires ».
On définit ça comment l'attachement aux valeurs républicaines ? Si on critique Emmanuel Macron, du fait qu'il est président de la République (donc celui censé être le garant du respect de la constitution, donc des fameuses valeurs républicaines) ça tombe sous le coup de ce projet de loi ou pas ?