par Moon of Alabama
Les détails des négociations de cessez-le-feu entre les États-Unis, l'Europe et l'Ukraine continuent de faire la une des journaux, bien qu'ils soient largement sans rapport avec la fin du conflit en Ukraine.
Dans une interview accordée au journal brésilien O Globo (en portugais), le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a réitéré les exigences de la Russie pour la paix en Ukraine.
Il exige :
- la fin de l'interdiction par l'Ukraine de négocier avec la Russie,
- le retour de l'Ukraine au statut de pays neutre et non aligné, conformément à la Déclaration de souveraineté de l'État ukrainien des années 1990,
- la fin des politiques visant à détruire légalement et physiquement tout ce qui est russe : la langue, les médias, la culture, les traditions et l'orthodoxie russe,
- la reconnaissance internationale de la souveraineté de la Russie sur la Crimée, la RPD, la RPL et les régions de Kherson et Zaporijia.
Des mesures doivent également être prises pour légaliser ces positions, les rendre permanentes et mettre en place des mécanismes d'application.
Selon Lavrov, il est également requis :
«... un calendrier pour la dénazification de l'Ukraine, la levée des sanctions, des poursuites judiciaires et des mandats d'arrêt, ainsi que le transfert vers la Russie des avoirs «gelés» en Occident. Nous rechercherons également des garanties fiables pour la sécurité de la Fédération de Russie et contre les menaces créées par l'activité hostile de l'OTAN, de l'Union européenne et de certains de ses États membres aux frontières occidentales du pays».
Il n'y a donc aucun changement dans la position russe depuis que son président Vladimir Poutine l' a expliquée en détail le 14 juin 2024.
Pendant ce temps, les États-Unis négocient très publiquement avec l'Ukraine et l'Europe certaines conditions de cessez-le-feu, conformément à ce que le général Kellogg, pro-ukrainien (et néoconservateur ?), prône depuis longtemps (voir également ici) :
«Kellogg partait implicitement du principe que la Russie était très vulnérable à la menace de sanctions (son économie étant perçue comme fragile), qu'elle avait subi des pertes humaines trop élevées pour être supportables et que la guerre était dans l'impasse.
Kellogg a donc persuadé Trump que la Russie accepterait volontiers les conditions de cessez-le-feu proposées, même si celles-ci reposaient sur des hypothèses manifestement erronées concernant la Russie et ses prétendues faiblesses. (...)
Toutes les hypothèses sous-jacentes de Kellogg étaient dénuées de tout fondement réel. Pourtant, Trump les a apparemment acceptées sans réserve. Et malgré les trois longues réunions personnelles que Steve Witkoff a eues par la suite avec le président Poutine, au cours desquelles ce dernier a répété qu'il n'accepterait aucun cessez-le-feu tant qu'un cadre politique n'aurait pas été convenu, le contingent Kellogg a continué à supposer sans sourciller que la Russie serait contrainte d'accepter la détente proposée par Kellogg en raison des «revers» graves qu'elle aurait subis en Ukraine.
Compte tenu de ces antécédents, il n'est pas surprenant que les termes du cadre de cessez-le-feu présentés par Rubio cette semaine à Paris reflètent davantage ceux d'une partie sur le point de capituler que ceux d'un État qui espère atteindre ses objectifs par des moyens militaires.
En substance, le plan Kellogg visait à assurer une «victoire» des États-Unis selon des conditions alignées sur leur désir de garder ouverte la possibilité de poursuivre une guerre d'usure contre la Russie».
Dans son interview à O Globo, Lavrov a de nouveau fait savoir que la Russie ne peut pas et ne s'engagera pas à un gel temporaire du conflit sans avoir une voie claire vers un accord de paix plus large.
Dans cette perspective, il est amusant de voir comment la Russie a réussi à refiler le bébé goudronné du blocage d'un cessez-le-feu à l'ancien président ukrainien Volodymyr Zelensky.
Malgré la pression américaine pour un accord rapide, la Russie ne s'attend pas à une résolution rapide du conflit. Elle vient d'annoncer un nouveau cessez-le-feu unilatéral du 8 au 10 mai, soit autour du 80e anniversaire de sa victoire dans la Seconde Guerre mondiale, le 9 mai.
C'est un autre signe public que la Russie est prête à adhérer à un accord de cessez-le-feu SI les conditions sont réunies.
Trump continue de se comporter comme un médiateur neutre dans le conflit entre Kiev et Moscou. Il veut imposer un accord de paix qui mette en avant sa «grandeur» personnelle.
Mais les États-Unis ont été et restent la principale partie belligérante dans la guerre contre la Russie, tandis que l'Ukraine n'est qu'une force proxy qui fait le sale boulot. Trump ne peut pas imposer une solution rapide pour mettre fin à la guerre, car il ne peut toujours pas accepter d'être l'une des principales parties en présence.
La Russie est en train de gagner la guerre. Une solution ne pourra être trouvée que lorsque les États-Unis seront prêts à accepter (en silence) leur défaite.
Trump peut encore mettre fin à la guerre et la déclarer «gagnée». Mais seulement s'il accepte les conditions posées par la Russie.
source : Moon of Alabama