Par Mike Whitney
Le traité signé par les États-Unis et l'Iran en juillet 2015 était l'accord nucléaire le plus exhaustif et le plus strict de l'histoire. Aucun autre traité nucléaire ne lui arrive à la cheville. Le "Plan d'action global conjoint" (JCPOA) imposait les mesures de vérification et les restrictions les plus rigoureuses et les plus étendues jamais prévues dans un traité. En termes de portée, d'application et de durée, il était sans conteste le plus strict de tous les temps.
Les contrôles rigoureux du programme nucléaire iranien garantissaient que l'Iran ne serait pas en mesure de détourner des matières nucléaires vers un programme d'armement. En bref, l'accord rendait impossible la construction d'une arme nucléaire par l'Iran, ce qui était l'objectif déclaré de l'accord et la principale raison de l'implication des États-Unis. Mais le 8 mai 2018, le président Trump s'est retiré du traité sans consulter le Congrès ni les alliés des États-Unis, en violation flagrante des obligations qui reviennent aux États-Unis en vertu des termes de l'accord. En outre, il a réimposé des sanctions unilatérales à l'Iran, alors que ce dernier avait déjà évacué 25 000 livres d'uranium enrichi hors du pays, démantelé et retiré les deux tiers de ses centrifugeuses, démonté la calandre de son réacteur à eau lourde (et l'avait remplie de béton) et accordé un accès sans précédent à ses installations nucléaires et à sa chaîne d'approvisionnement. À tous égards, l'Iran s'est conformé à la "lettre à l'accord" et a rempli ses obligations en vertu des termes de cet accord honteux, et pourtant Trump a jugé bon de le reléguer aux oubliettes.
Le traité prévoyait des exigences plus strictes en matière de limites d'enrichissement de l'uranium, une réduction drastique des stocks d'uranium faiblement enrichi, une réduction significative du nombre de centrifugeuses autorisées, de nouvelles restrictions contraignantes sur les installations souterraines et les sites de recherche, l'arrêt complet de la production de plutonium et l'interdiction totale de construire des réacteurs à eau lourde.
En outre, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a obtenu l'accès à l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement nucléaire iranienne, y compris les mines d'uranium, la production de centrifugeuses et les sites non déclarés.
L'Iran s'est également soumis volontairement à une surveillance continue permettant des inspections 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 des installations déclarées, à des "inspections de contrôle" permettant à l'AIEA d'accéder aux sites suspects et à des protocoles additionnels humiliants qui imposaient des mesures de transparence spéciales qui n'ont jamais été imposées à aucun autre pays dans aucun autre traité.
À tous égards, le JCPOA a consacré la "norme d'excellence" des traités nucléaires, ce qui signifie que, selon ses dispositions, on pouvait être sûr à 100 % que l'Iran ne construirait jamais d'arme nucléaire.
Je le répète : selon les termes du JCPOA, le monde pouvait être sûr à 100 % que l'Iran ne construisait pas d'arme nucléaire.
Alors, quelle partie de cet accord peut être qualifiée de "pire accord de l'histoire"?
On n'a jamais posé cette question à Trump, et il serait incapable d'y répondre. S'il était honnête, cependant, il admettrait qu'il s'est retiré du traité non pas parce que l'Iran avait commis quelque faute que ce soit (l'Iran l'a toujours scrupuleusement respecté), mais parce que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu y a vu un obstacle à ses plans de renversement du régime de Téhéran. Comme beaucoup l'ont compris, Israël aspire à devenir la puissance hégémonique de la région, ce qui signifie que l'étranglement économique de l'Iran doit se poursuivre jusqu'à ce que Bibi puisse pousser Trump à déclencher des frappes destinées à décapiter le régime de Téhéran. C'est l'objectif stratégique ultime : anéantir l'Iran comme Israël et les États-Unis ont anéanti la Libye, la Syrie et maintenant le Liban. L'Iran représente le dernier obstacle majeur au projet ambitieux d'Israël de dominer le Moyen-Orient.
Il faut rappeler que le JCPOA a été approuvé par la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations unies, l'intégrant ainsi au droit international. Bien qu'il ne s'agisse pas d'un traité contraignant, le retrait unilatéral de Trump et la réimposition des sanctions constituent une violation flagrante de l'appel lancé à tous les États par la résolution à soutenir l'accord. Plusieurs universitaires ont fait valoir que la décision de Trump porte atteinte au principe pacta sunt servanda (les accords se doivent d'être respectés).
Soit dit en passant, tous les autres signataires – le Royaume-Uni, la France, la Russie, la Chine, l'Allemagne et l'UE – ont respecté leur part d'engagement et honoré l'accord. Mais pas les États-Unis, car les États-Unis ne tiennent pas parole lorsqu'ils choisissent de ne pas le faire. Les règles, les restrictions, les traités et les lois ne s'appliquent pas aux États-Unis.
En résumé, l'Iran a agi honorablement et rempli ses obligations, tandis que les États-Unis ont fait fi de leurs engagements et se sont comportés comme un gamin capricieux. Et voilà pourquoi les négociateurs iraniens refusent même de s'asseoir dans la même pièce que les négociateurs américains. Signalons toutefois que même sur cette question apparemment insignifiante, Trump est incapable d'être honnête. Il continue d'affirmer que les deux équipes de négociateurs mènent des « pourparlers » directs alors qu'il sait pertinemment qu'elles se trouvent dans des pièces séparées et s'échangent des notes manuscrites. Ce comportement de tromperie compulsive, même sur les questions les plus insignifiantes, est pathologique. Il s'agit d'un trouble psychologique. Voici l'extrait d'un article publié par Press TV (une chaîne iranienne mille fois plus fiable que CNN) :
"Trump a qualifié l'accord nucléaire de 2015 de "pire accord de l'histoire"et a promis de conclure un "meilleur accord" censé aborder également d'autres points tels que le programme de missiles balistiques de la République islamique et ses activités régionales, des questions que l'Iran a qualifiées de lignes rouges."En se retirant de l'accord, le président américain a lancé ce qu'il a appelé une campagne de "pression maximale" visant à contraindre l'Iran à renégocier un nouvel accord. Toutes les autres parties à l'accord – la Russie, la Chine, la Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne – ont exprimé leurs regrets face à la décision américaine et se sont engagées à respecter l'accord". Analysis [Analyse : Alors que les négociations nucléaires indirectes reprennent à Rome, pourquoi l'Iran se méfie-t-il des États-Unis ?], Press TV
Voilà donc où nous en sommes : Trump s'est retiré du traité nucléaire le plus ambitieux et le plus strict de l'histoire, pas parce que l'Iran a enfreint les règles, mais parce qu'il agit comme un mandataire d'Israël. Il veut user de sanctions pour contraindre l'Iran à abandonner ses alliés (Hamas, Hezbollah et Houthis) et à renoncer aux armes (missiles balistiques) dont il a besoin pour se défendre contre l'attaque militaire imminente des États-Unis et d'Israël. Évidemment, du point de vue des Israéliens, c'est parfaitement logique, tandis que du point de vue des Iraniens, ce serait un suicide national. Il faudrait que l'Iran soit devenu fou furieux pour démanteler son programme de missiles stratégiques au moment même où Israël perd tout sens des réalités et se déchaîne dans la région comme Attila le Hun. Et ce n'est pas tout :
"Quelles que soient les véritables motivations (de Trump), un fait reste incontestable : les États-Unis ont abandonné le JCPOA malgré les assurances répétées de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) quant au respect total par l'Iran de ses obligations nucléaires."L'agence nucléaire de l'ONU, chargée de surveiller les programmes nucléaires, a publié 15 rapports confirmant que l'Iran se conforme aux termes de l'accord, y compris aux limitations sur l'enrichissement de l'uranium et à la réduction de ses stocks nucléaires.
"Elle a confirmé que les stocks d'uranium enrichi et les réserves d'eau lourde de l'Iran respectent les limites prescrites, notant que l'Iran n'a pas dépassé les limites convenues pour les activités nucléaires sensibles et a autorisé les inspecteurs à accéder à tous les sites nécessaires. Analysis, Press TV
Je le répète : 15 rapports ont confirmé que l'Iran a respecté les termes de l'accord !!!
L'Américain moyen ne s'assiéra jamais à une table pour négocier avec quelqu'un qui l'a poignardé dans le dos plusieurs fois et "l'a roulé dans la farine" à maintes reprises. Mais, un fois encore, l'Iran a exprimé sa volonté d'engager des négociations avec les États-Unis malgré le bilan désastreux de Washington. Et si nous saluons leur persévérance, nous nous interrogeons toutefois sur leur discernement. Voici pourquoi :
"Signé en juillet 2015 sous la présidence de Barack Obama, le JCPOA a d'abord été salué comme un triomphe de la diplomatie. Mais alors que l'Iran a rapidement et pleinement mis en œuvre ses engagements, les États-Unis n'ont pas respecté leur part de l'accord dès le départ."Les sanctions devaient être levées le jour de la mise en œuvre (le 16 janvier 2016), une fois que l'AIEA aurait confirmé le respect des engagements par l'Iran. Mais le Trésor américain a imposé de nouvelles sanctions dès le lendemain, visant des personnalités et des entités liées au programme de missiles iranien, alors que les missiles ne sont pas interdits par le JCPOA ni même par la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations unies.
"Tout au long de l'année 2016, Washington a continué à exercer des pressions. L'Iran, par exemple, n'a obtenu qu'une autorisation partielle pour l'achat d'avions commerciaux après des mois de retard et un avertissement officiel selon lequel il invoquerait la procédure de règlement des différends prévue par le JCPOA.
"Sur les 117 avions Airbus commandés par l'Iran, seuls trois ont été livrés ; aucun des avions Boeing commandés n'est jamais arrivé.
"Plus grave encore, le Congrès américain a adopté en décembre 2016 une prolongation de dix ans de la loi sur les sanctions contre l'Iran (ISA).
Analysis, Press TV
Les Américains honnêtes qui ont suivi de près les événements au Moyen-Orient ne sont probablement pas surpris du traitement déplorable réservé à l'Iran. Il n'en reste pas moins choquant de constater que "le Trésor américain a imposé de nouvelles sanctions dès le lendemain !" C'est sans doute un record ! En d'autres termes, l'encre du traité avait à peine séché que le double jeu d'Obama le faisait revenir sur sa parole et enfreignait l'accord.Mais ce n'est pas tout :
"… sous Obama, l'approche américaine du JCPOA a été ponctuée de retards, de lacunes et de demi-mesures politiquement orchestrées. L'accord a peut-être représenté une avancée sur le papier, mais l'incapacité de Washington à accorder un allègement économique significatif a rapidement montré que l'on ne peut pas compter sur les États-Unis pour respecter leurs engagements, même lorsque la diplomatie est censée être à son apogée…"Avance rapide jusqu'en 2025, lorsque Trump, de retour à la Maison Blanche, a rapidement rétabli sa campagne de "pression maximale"contre l'Iran…
"Lors d'un rebondissement qui a souligné les contradictions de l'approche de Washington, Trump a envoyé une lettre à l'ayatollah Khamenei exprimant sa volonté de parvenir à un accord, tout en menaçant l'Iran d'une action militaire si cet accord n'était pas conclu.
"Cette initiative est largement considérée à Téhéran comme une nouvelle tentative de créer l'illusion de négociations diplomatiques tout en intensifiant les sanctions et les menaces dans les faits. Pour les responsables iraniens, elle constitue une preuve supplémentaire du comportement récurrent des États-Unis : des mesures hostiles déguisées en gestes d'ouverture…
"Le ministre des Affaires étrangères Abbas Araghchi a souligné que Téhéran reste ouvert aux négociations, mais pas sous la contrainte, affirmant que des pourparlers sous "pression maximale" n'équivaudraient qu'à une capitulation.
"Dans son discours du 7 février, l'ayatollah Khamenei a souligné que le JCPOA, fruit de deux années d'intenses négociations, a été rejeté sous le premier mandat de Trump, affirmant que négocier avec une telle administration n'est "ni sage, ni intelligent, ni honorable"...
"‘Nous avons négocié, nous avons fait des concessions et nous avons fait des compromis, mais nous n'avons pas obtenu le résultat escompté', a-t-il déclaré, faisant référence aux pourparlers qui ont abouti à l'accord de 2015. "Nous devons tirer les leçons de cette expérience'". Analysis, Press TV
Force est de se poser la question : l'Iran perd-il son temps à traiter avec Trump ? Ne serait-il pas plus sage de mettre fin à cette mascarade et de se remettre à produire des missiles ?
Ce qui est clair, c'est qu'il ne s'agit en rien de programmes nucléaires, d'enrichissement nucléaire ou de prolifération nucléaire. Ce n'est qu'une diversion destinée à priver l'Iran de ses systèmes d'armement essentiels (missiles balistiques) de défense contre une attaque israélo-américaine. Le véritable objectif est de plonger l'Iran dans le même chaos que la Libye, la Syrie et l'Irak, qui ont tous été délibérément anéantis pour permettre à Israël de s'imposer comme la puissance régionale suprême.
Mike Whitney
Article original en anglais : The Treaty Trump Called « The Worst Deal in History » Was the Most Wide-Ranging and Stringent Nuclear Agreement of All-Time, The UNZ Review, le 20 avril 2025.
Traduit par Spirit of Free Speech
La source originale de cet article est Te UNZ Review
Copyright © Mike Whitney, Te UNZ Review, 2025
Par Mike Whitney