par Philippe Rosenthal
L'élection d'Ursula von der Leyen pour un second mandat comme présidente de la Commission européenne n'est pas évidente et même dangereuse pour l'Europe, estime Politico. Après avoir été choisie pour un second mandat à la Commission, von der Leyen doit faire face à un vote serré au Parlement européen.
La nouvelle législature 2024-2029 débutera le 16 juillet. Ursula von der Leyen, qui a été ministre fédérale de l'Armée, du Travail et des Affaires sociales, de la Famille, des Personnes âgées, des Femmes et de la Jeunesse et ministre des Affaires sociales, des Femmes, de la Famille et de la Santé de Basse-Saxe, avant de devenir présidente de la Commission européenne, «fait face à un vote serré au Parlement européen, dont même ses propres alliés du parti admettent qu'il sera plus difficile à réaliser», souligne Politico. Lorsque le Parlement de 720 députés se réunira à la mi-juillet, Ursula von der Leyen devra en convaincre un peu plus de la moitié, au moins 361, de voter pour elle au scrutin secret. La coalition actuelle composée de socialistes, de libéraux et de son propre groupe de centre droit détient un peu moins de 400 de ces sièges. Certains analystes prévoient un taux de défection d'environ 10%, ce qui la situerait aux alentours des 361 sièges.
«Lorsqu'elle était ministre de la Défense, l'opposition allemande a publié un rapport d'enquête accablant sur sa responsabilité dans un scandale qui a coûté des dizaines de millions d'euros au ministère qu'elle dirigeait avant de partir pour Bruxelles», rappelle Radio France, évoquant «des dizaines de millions d'euros qui ont été dilapidés sans contrôle pour payer des consultants, conseillers et autre sous-traitants privés qui cachaient souvent des liens de copinage, de connivence entre hauts fonctionnaires et lobbyistes privés». «Les entreprises privées de conseillers, dont McKinsey, ont plumé la Bundeswehr comme une oie de Noël», alors que l'armée allemande avait besoin d'être modernisée, écrivait Capital en 2020. Selon les recherches du magazine financier, «l'entreprise (McKinsey), où travaillaient également deux des enfants de Ursula von der Leyen, était impliquée dans beaucoup plus de projets avec la Bundeswehr que le département militaire ne voulait bien le dire». «Ses deux téléphones portables professionnels saisis pour les besoins de l'enquête avaient été consciencieusement expurgés de tout message avant d'être livrés à la commission», précise Radio France.
Puis elle est accusée d'avoir négocié directement par SMS avec Albert Bourla, le patron de Pfizer, un contrat de 1,8 milliard de doses de vaccin contre le Covid, durant la pandémie. «Elle aurait négocié un contrat d'achat de vaccins en dehors de toute règle commerciale européenne», continue Marianne. Là, aussi, les SMS ont été effacés de ses téléphones. «Se refusant à les dévoiler, Ursula von der Leyen porterait atteinte aux droits consacrés dans la constitution européenne. Dans le cas où elle les aurait supprimés, cela constituerait une destruction de documents administratifs», martèle l'hebdomadaire.
Lors du vote pour choisir la personne au poste de président de la Commission européenne, «Giorgia Meloni ainsi que Viktor Orban se sont abstenus», note Public Sénat. «Mise à l'écart des négociations informelles qui précédaient le sommet, Giorgia Meloni a fustigé une éviction de l'Italie et de son parti. «La présidente du conseil italien, dont le groupe au Parlement européen (ECR) est la troisième force politique avec 83 députés, s'est offusquée de ne pas obtenir l'un des trois postes clé», rapporte la chaîne de télévision du Sénat français : le poste de représentant de l'UE pour la politique étrangère ; le poste de chef de la diplomatie européenne; celui du président du Conseil européen.
«Il est peu probable que Ursula von der Leyen se protège et maintienne une coalition étroite pour obtenir les chiffres dont elle a besoin. Ensemble, son Parti populaire européen de centre-droit, les socialistes et démocrates et le groupe libéral Renaissance disposent d'un peu moins de 400 sièges. Il s'agit d'une majorité inconfortablement étroite, d'autant plus que des pans entiers de cette coalition - des Républicains français au Fianna Fáil irlandais - ont déjà déclaré qu'ils ne voteraient pas pour elle», avertit Politico.
«La stratégie la plus risquée de toutes est de courtiser Giorgia Meloni et peut-être d'autres éléments du groupe des Conservateurs et Réformistes européens, qui occupent désormais la troisième place au Parlement après avoir devancé Renaissance à cette place influente», analyse le média politique anglophone. Les socialistes et Renaissance ont fixé une ligne rouge : si ils constatent que Ursula von der Leyen est en train de conclure un accord avec Giorgia Meloni, ils la débrancheront.
Si Ursula von der Leyen échoue au scrutin secret, même par un seul vote, le Conseil européen dispose d'un mois pour délibérer et proposer un candidat, un résultat qui serait sans précédent et pourrait déclencher une crise politique de l'UE.
Si Ursula von der Leyen est nommée pour un autre mandat, elle pourra alors discuter avec les gouvernements nationaux sur leurs candidats individuels au poste de Commissaire européen, même si les pays ont déjà commencé à se bousculer de manière informelle pour les noms et les portefeuilles qu'ils souhaitent.
Ursula von der Leyen s'est faite des ennemis au cours de son premier mandat à la tête de la Commission européenne. Pour réussir cette fois, Ursula von der Leyen devra s'en tenir aux trois partis de centre-droit (Parti populaire, Sociaux-démocrates et Renaissance), se tourner également vers les Verts et élargir sa base pour inclure une partie du groupe d'extrême droite, dont fait partie Giorgia Meloni.
La crise politique semble être inévitable pour l'UE. Ursula von der Leyen est menacée de ne pas pouvoir obtenir le nombre de voix nécessaires à sa réélection. Ses implications dans des procédés illégaux au ministère fédéral allemand de la Défense et comme présidente de la Commission européenne, tout comme son soutien incontiditionnel à l'Ukraine contre la Russie, ne la présentent pas au mieux de sa forme. Sa réélection ne pourra que provoquer l'instabilité politique de l'UE. Ursula von der Leyen est - en somme - une femme politique finie.
source : Observateur Continental