France-Soir
Un général ukrainien, qui a annoncé dimanche 26 mai l'envoi d'instructeurs militaires français en Ukraine, est vite revenu sur sa déclaration, après la mise au point du ministère des Armées
AFP
Cacophonie entre Kiev et Paris. Un général ukrainien, qui a annoncé dimanche 26 mai l'envoi d'instructeurs militaires français en Ukraine, est vite revenu sur sa déclaration, après la mise au point du ministère des Armées. Mauvais timing pour une telle annonce, rappel à l'ordre par l'Elysée ou coup de pression de la part de Kiev ? Les déclarations des deux côtés interviennent dans un contexte tendu, marqué par des appels controversés du président Emmanuel Macron à déployer des troupes sur le sol ukrainien ainsi que par la question de la levée des restrictions à l'Ukraine quant à l'usage de missiles de longues portées occidentaux sur le sol russe.
Un envoi acté ou "toujours en discussion" ?
Dimanche, le général ukrainien Oleksandr Syrsky jette un pavé dans la mare. Peu après un entretien en visio entre Sébastien Lecornu, ministre français des Armées et son homologue, Rustem Umerov, le commandant en chef des forces armées ukrainiennes annonce sur son fil Telegram l'arrivée, prochaine, d'instructeurs militaires français dans son pays. "Je salue l'initiative de la France d'envoyer des instructeurs en Ukraine pour former les militaires ukrainiens. J'ai déjà signé les documents qui permettront aux premiers instructeurs français de se rendre prochainement dans nos centres de formation et de se familiariser avec les infrastructures et leur personnel", a-t-il écrit dans une annonce pour le moins catégorique et officielle.
L'annonce du général Oleksandr Syrsky résonne d'autant plus fortement que son post sur Telegram intervient quelques jours après la visite en Ukraine du général Thierry Burkhard, chef d'état-major des armées françaises.
Mais Paris a vite réagi, avec la plus grande prudence. Le lendemain, c'est l'état-major français qui réagit dans une déclaration à l'AFP. Pas pour confirmer mais préciser que le processus suit toujours son cours. L'Elysée a conservé le silence mais le ministère des Armées a donné plus de détails. "Comme déjà évoqué plusieurs fois, la formation sur le sol ukrainien fait partie des chantiers discutés depuis la conférence sur le soutien à l'Ukraine réunie par le président Emmanuel Macron le 26 février dernier", explique-t-on.
"Comme tous les chantiers discutés à cette occasion, cette piste continue de faire l'objet de travaux avec les Ukrainiens, notamment pour comprendre leurs besoins exacts", poursuit le ministère. Paris remet les pendules à l'heure.
Le même jour, Kiev revient sur son annonce. "Depuis février 2024, l'Ukraine a exprimé son intérêt pour la perspective de recevoir des instructeurs étrangers en Ukraine", rappelle le ministère de la Défense dans un communiqué avant de confirmer les déclarations françaises selon lesquelles, "pour l'instant, nous sommes toujours en discussion avec la France et d'autres pays sur cette question".
Une annonce à point nommé
Était-ce, de la part du général Oleksandr Syrsky, un coup de pression ukrainien sur Paris ? La manœuvre est possible, dans le but, sans doute, de créer un effet de dynamique et inciter les autres pays occidentaux à faire de même. Jusque-là, la formation des militaires ukrainiens par la France s'effectue sur son territoire et en Pologne. Mais Varsovie ainsi que d'autres pays baltes ont évoqué dernièrement l'envoi possible d'instructeurs... ou de troupes, si la Russie poursuit sa progression sur le front.
Les appels récents du président Macron à ne pas écarter l'envoi de troupes terrestres combattre directement les forces russes ont suscité la controverse parmi les alliés de la France mais surtout une réplique sans équivoque de la part du Kremlin. Des exercices nucléaires à la frontière ukrainienne ont été annoncés début mai par Moscou, en réponse à des "déclarations belliqueuses" de l'OTAN et ses membres, parmi lesquelles figurent des mises en garde répétées contre un prochain conflit direct ainsi que l'envoi de troupes sur le sol.
Ce rétropédalage ukrainien ainsi que les précisions du ministère français de la Défense interviennent également au moment où le chef de l'OTAN, Jens Stoltenberg, appelle à lever les restrictions à l'Ukraine à ne pas utiliser les armes, notamment les missiles longue portée, fournis par l'Occident sur le territoire russe. Il ne suffit d'ailleurs pas "d'autoriser" Kiev de procéder à de telles attaques puisque l'usage de ces armes longue portée requiert la présence de formateurs occidentaux.
La Grande-Bretagne a déjà levé cette restriction tandis que Washington ou encore Berlin se montrent toujours réticents. Le Kremlin, de son côté, avertit que les cibles occidentales présentes sur le front ukrainien ne seront pas épargnées...