Saïd Bouamama
Le génocide du peuple palestinien révolte la jeunesse et écoeure la majorité des Etats du monde. Après plus de 7 mois de feu militaire sur Gaza - au bilan effroyable de plus de 35.000 tués dont 15.000 enfants -, les images de l'Etat sioniste et de son parrain US sont largement dégradées. Idem pour les « valeurs occidentales » à géométrie variable selon que les morts soient ukrainiens, congolais ou palestiniens. L'attaque de Rafah aggrave encore une situation apocalyptique et alimentera, à coup sûr, le dossier d'accusation contre Israël devant le futur « Tribunal international sur la Palestine »... (I'A)
Le 7 mai, l'armée israélienne a lancé une attaque terrestre contre la ville de Rafah dans le sud de la bande de Gaza, qui abrite près de 1.4 million de Palestiniens. Officiellement et euphémiquement dénommé « opération anti-terroriste de précision », cette nouvelle offensive est annonciatrice d'une nouvelle « catastrophe humanitaire » qui s'ajoute à la liste, déjà longue, des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité commis par Tel-Aviv.
Le maire de Rafah, Ahmed el Sofi, évoque « une catastrophe humanitaire sans précédent » alors que le Secrétaire général des Nations-Unies annonce « une catastrophe humanitaire colossale qui menace de mettre un terme à nos efforts pour soutenir les populations alors que la famine menace. L'invasion terrestre de Rafah est intolérable en raison de ses conséquences humanitaires dévastatrice et de son impact déstabilisateur dans la région ».
Une nouvelle fois l'armée israélienne enferme la population civile dans le dilemme de choisir entre mourir sous les bombardements intensifs ou par la famine, d'une part, et la déportation vers des espaces non protégés, d'autre part. La même stratégie criminelle a précédemment été utilisée dans le nord de la bande de Gaza puis au centre de celle-ci avec comme double résultat, une hécatombe effroyable d'une part et l'exode de centaines de milliers de palestiniens, d'autre part.
Agression coloniale
Sur le plan du bilan humain, le ministère de la santé de la bande de Gaza a évalué à 34 943 personnes le nombre de morts depuis le début de l'offensive militaire israélienne. Le gouvernement israélien évalue, pour sa part, le nombre de décès israéliens à 1170 personnes. La simple juxtaposition de ces deux chiffres permet de tordre le coup à l'idée selon laquelle nous sommes en présence d'une guerre opposant deux armées. Le décalage entre ces deux chiffres suffit, à lui seul, à conclure que nous sommes en présence d'une agression coloniale à laquelle s'oppose une résistance légitime.
La découverte, le 8 mai dernier, d'un troisième charnier à l'intérieur du complexe médical Al-Shifa de la ville de Gaza met en exergue les véritables buts de guerre de l'opération militaire israélienne. Loin de n'être qu'une opération de pseudo-lutte antiterroriste, l'agression israélienne se résume par le terme de génocide. Il s'agit, ni plus ni moins, que de tuer le maximum de civils palestiniens dans l'espoir d'amener le peuple palestinien à cesser son soutien aux groupes de résistance et à se retourner contre eux.
Dans un communiqué, publié le 8 mai, le bureau des médias de Gaza décrit comme suit les charniers découverts :
« Le personnel médical a découvert un troisième charnier à Al-Shifa où 49 martyrs ont été exhumés jusqu'à présent, et l'opération d'exhumation se poursuit toujours. Les équipes gouvernementales n'ont pas achevé les opérations d'exhumation et nous prévoyons de retrouver des dizaines de nouveaux corps. Le nombre de charniers découverts dans les hôpitaux de la bande de Gaza (depuis le début de la guerre le 7 octobre) est passé à 7 charniers. Un charnier a été découvert à l'hôpital Kamal Adwan (au nord de la bande de Gaza), 3 charniers dans le complexe médical Al-Shifa dans la ville de Gaza et 3 charniers dans le complexe médical Nasser (à Khan Younès, au sud de la bande de Gaza). A ce jour, les équipes médicales ont exhumé un total de "520 martyrs" dans les 7 charniers. »
Une défaite morale et politique
Le vote par l'Assemblée générale des Nations-Unies, le 10 mai, d'une résolution stipulant que « l'Etat de Palestine est éligible et devrait être admis en tant que membre des Nation-Unies », signe la défaite diplomatique de l'Etat sioniste.
Bien sûr cela ne change rien dans l'immédiat, car les Etats-Unis continuent à mettre leur veto au conseil de sécurité pour une telle adhésion. Cependant les résultats du vote indiquent un isolement sans précédent de l'Etat sioniste. En effet se sont 143 Etats sur 194 membres qui se sont prononcés pour l'adhésion de la Palestine contre 9 oppositions à savoir les Etats-Unis, Israël, l'Argentine, la Hongrie, la Micronésie, Nauru, Palaos, la république tchèque et la Papouasie-Nouvelle Guinée. 25 autres Etats se sont abstenus, malgré pour la plupart d'entre eux un soutien historique à Israël, car ils sont conscients du fait que leur opinion publique est très largement en soutien au peuple palestinien. La défaite diplomatique de l'Etat sioniste est aussi de ce fait le reflet de sa défaite morale.
Le représentant permanent d'Israël à l'ONU, Gilad Erdan ne s'est pas trompé sur la signification politique de ce vote. S'exprimant de manière colérique suite aux résultats, il a accusé les membres des Nations Unies d'antisémitisme : « Tant que nombre d'entre vous haïssent les juifs, cela vous est égal que les Palestiniens ne soient pas pacifiques. Hontes à vous car votre vote est destructeur de la Charte des Nations-Unies »...
Joignant le geste à la parole l'ambassadeur israélien a ensuite passé un exemplaire de la charte des Nations-Unies dans une broyeuse de papiers. Ce geste se voulant marquer les esprits est malheureusement le reflet d'une pratique constante de Tel-Aviv depuis 1948 consistant à violer en permanence la charte des Nations-Unies comme en témoigne les dizaines de résolutions de cet organisme que refuse d'appliquer l'Etat sioniste.
La défaite morale se traduit également par l'initiative prise par des centaines d'organisations et de personnalités de mettre sur pied un « Tribunal international sur la Palestine », calqué sur le modèle du Tribunal Russell portant sur le Vietnam lors de la décennie soixante.
Etablir la vérité des crimes massifs depuis 1948
Rappelons que ce tribunal Russell a été fondé en novembre 1966 par Bertrand Russell un des philosophes les plus importants du vingtième siècle pour dénoncer et juger les atrocités états-uniennes au Vietnam. Dans les décennies soixante et soixante-dix, ce tribunal a été un élément grandissant du rapport des forces contre la guerre du Vietnam.
L'appel à une conférence internationale pour les 6, 7 et 8 juin prochain à Genève pour mettre en place ce tribunal précise :
« Ce Tribunal examinera toutes les preuves qui pourront lui être soumises par toute source ou partie. Les preuves peuvent être orales ou sous forme de documents matériels ou audiovisuels. Aucune preuve pertinente à nos objectifs ne sera refusée. Notre objectif est d'établir, sans crainte ni faveur, la pleine vérité sur toutes les violations des droits de l'homme et les crimes massifs commis en Palestine depuis 1948, la violation de toutes les résolutions de l'ONU concernant le peuple palestinien. Nous espérons sincèrement que nos efforts contribueront à ouvrir les yeux sur l'établissement, au cours des dernières décennies, d'un système d'apartheid soutenu et couvert par le système mondial dominant en déclin. »
Le parallèle avec le Vietnam ou l'Algérie est pertinent. Pour ces guerres coloniales également les atrocités de l'occupant se couvraient de l'objectif de lutte anti-terroriste. Pour elles également, la disproportion des armements a fait croire longtemps aux occupants qu'ils pouvaient faire disparaître la résistance par la violence totale. Pour ces deux guerres coloniales aussi, l'objectif de faire cesser par la peur le soutien aux résistants a été au cœur des stratégies des armées coloniales. Pour ces deux guerres coloniales, enfin, le résultat fut la défaite du colonisateur.
Après sept mois de génocide aucun des objectifs militaires, politiques et diplomatiques de Tel-Aviv n'est atteint. Au contraire les peuples du monde ont de plus en plus la Palestine au cœur et leurs gouvernements même pro-sionistes sont contraints de le prendre en compte. Comme le scande de nombreux manifestants : « L'Algérie a vaincu, Palestine vaincra », « Le Vietnam a vaincu, Palestine vaincra ».
Saïd Bouamama
Source :Investig'Action