Jessica Dos Santos
Daniel Noboa (AFP)
Au cours des dernières semaines, le président de l'Équateur, Daniel Noboa, a joué quelques cartes importantes pour tenter d'assurer son avenir politique.
Héritier d'une des familles oligarchiques du pays, Noboa a remporté les élections présidentielles en octobre 2023. Cependant, en raison de la "muerte cruzada"(*), Noboa assurera ses fonctions uniquement durant la période qui restait du mandat de son prédécesseur, Guillermo Lasso. Avec des élections présidentielles prévues pour février 2024 et des crises qui s'étendent sur plusieurs fronts, le programme gouvernemental sera essentiellement une campagne électorale.
L'opération la plus récente fut un référendum constitutionnel ainsi qu'une consultation populaire (**): un ensemble de 11 questions à travers lesquelles le gouvernement de droite de Noboa cherchait un soutien solide à ses options politiques.
La plupart des questions étaient centrées sur la réponse à la profonde crise d'insécurité que connaît l'Équateur. Alors que bon nombre des questions traitait de sujets relativement simples à soutenir (par exemple, la confiscation des biens) ou ont déjà été mis en œuvre par le pouvoir judiciaire, d'autres ont obtenu un soutien massif, notamment ceux où Noboa proposait une réponse militaire au crime organisé.
On note ici un rapprochement très clair avec les États-Unis notamment à travers la proposition d'un modèle calqué sur le Plan Colombie, brouillant fortement les frontières entre sécurité et défense. Cependant, les questions de sécurité ont obtenu un soutien de plus de 60 %. Noboa a donc le feu vert pour tenter d'imiter la "méthode Bukele" face au crime organisé.
En même temps, tout n'a pas été un succès pour le gouvernement équatorien actuel. Essayant peut-être d'attirer l'attention d'un électorat distrait, il a inclus dans la consultation deux thèmes fondamentaux de la politique néolibérale que la droite équatorienne cherche à mettre en œuvre.
Le premier étant la soumission du pays aux tribunaux d'arbitrage international (qui décident toujours en faveur des entreprises). Le second est une proposition pour pousser encore plus loin la précarisation du travail à travers des contrats horaires. Dans les deux cas, l'électorat a rejeté fermement la proposition de Noboa.
En résumé, la sécurité est actuellement la principale préoccupation de l'électorat équatorien, qui s'est massivement rendu aux urnes. Mais le rejet du néolibéralisme est tout aussi clair. Cependant, cela n'a pas empêché le gouvernement équatorien de conclure un nouvel accord avec le Fonds Monétaire International afin d'obtenir 4 milliards de dollars.
La consultation interne est survenue dans un contexte d'isolement international faisant suite à un incident très grave survenu à l'ambassade du Mexique à Quito.
Le 5 avril, sur instruction directe de Noboa, les forces de sécurité équatoriennes ont pris d'assaut l'ambassade mexicaine pour arrêter Jorge Glas, qui avait reçu l'asile politique du gouvernement mexicain quelques heures auparavant.
Glas, ancien vice-président pendant les gouvernements de Rafael Correa (2007-2017), a passé plusieurs années en prison pour des crimes présumés de corruption dans une affaire qualifiée de "lawfare" par différents analystes politiques.
La violation flagrante de la Convention de Vienne a eu une réponse immédiate. Le président mexicain Andrés Manuel López Obrador a rompu les relations diplomatiques avec l'Équateur et est allé encore plus loin en portant plainte devant la Cour Internationale de Justice (CIJ) et l'Assemblée des Nations Unies (ONU).
Le rejet des actions du gouvernement équatorien n'a pas tardé au niveau régional. Le président colombien, Gustavo Petro, a annoncé la suspension de la prochaine réunion du cabinet binational avec l'Équateur et a alerté sur le dangereux précédent qui pourrait être établi.
Le Nicaragua et le Venezuela ont été plus loin dans leur solidarité avec le Mexique, en suspendant les relations diplomatiques avec l'Équateur. Dans le cas du Venezuela, le gouvernement de Nicolás Maduro a ordonné la fermeture de l'ambassade vénézuélienne en Équateur et des consulats à Quito et à Guayaquil, ainsi que le rappel du personnel diplomatique.
Le scandale de l'opération et la condamnation ferme dans la région ont contraint le gouvernement américain à exprimer son opposition à l'assaut contre l'ambassade mexicaine. Cependant, il est clair que Washington considère Noboa comme un allié fidèle de plus en plus dépendant.
La défaite du "corréisme" l'année dernière a été un coup dur. Néanmoins, en raison des particularités de la politique équatorienne, la gauche aura bientôt l'occasion de changer le cap du pays. Aussi bien les forces du "corréisme", principale force parlementaire, que le mouvement indigène, devraient tirer des conclusions du rejet des propositions économiques lors de la récente consultation.
(*)La « muerte cruzada » ou mort croisée est un mécanisme permettant au président de dissoudre l'Assemblée nationale, de convoquer sous trois mois de nouvelles élections et de gouverner par décrets durant cette période.
(**) La différence est que certaines questions impliquent des changements dans la Constitution.