Source: AFP
Emmanuel Macron le 25 avril à la Sorbonne (image d'illustration).
«C'est un crime de haute trahison, c'est un crime contre l'indépendance nationale», a fustigé ce 30 avril sur la chaîne LCP le président des Patriotes Florian Philippot. «Qui aurait le bouton nucléaire ? Selon quelle légitimité ?», a interpellé cet ancien vice-président du Front national, passé par le Parlement européen, estimant que cela démontrait «la réalité du projet européen et la nécessité d'en sortir.»
« Une haute trahison, contre notre indépendance nationale, et c’est extrêmement dangereux : qui pourra appuyer sur le bouton nucléaire, avec quelle légitimité ?! »
Honte à #Macron !…
Florian Philippot réagissait à des propos d'Emmanuel Macron se disant prêt, le 27 avril lors d'un débat avec des jeunes européens, à «ouvrir le débat» sur l'inclusion de l'arme nucléaire française dans un système de défense européen.
Le chef d'État français était alors interrogé sur l'«européanisation», par la France, de «sa capacité de dissuasion nucléaire». «Mettons tout sur la table et regardons ce qui nous protège véritablement de manière crédible», a alors répondu le président français, évoquant pêle-mêle la défense antimissile, les «tirs d'armes de longues portées», l'arme nucléaire et les bombes tactiques américaines. «La France gardera sa spécificité, mais est prête à contribuer davantage à la défense du sol européen», avait-il ajouté.
«Cette expression est d'une gravité exceptionnelle»
Une sortie remarquée, qui a provoqué de vives réactions dans la classe politique française. «Cette expression est d'une gravité exceptionnelle», a réagi le 28 avril François-Xavier Bellamy sur le plateau du Grand rendez-vous. «Nous touchons au nerf même de la souveraineté française», a souligné le chef de file des Républicains pour les élections européennes. Emmanuel Macron «pousse [...] pour que l'Europe signifie dépossession de plus en plus grande de nos États de leurs fonctions essentielles», a-t-il ajouté.
Pour l'eurodéputé, déposséder les Français d'une technologie qui a coûté si cher à développer et entretenir serait une «forfaiture». Une «forfaiture» qui n'aurait «aucun sens», insiste François-Xavier Bellamy, soulignant que la dissuasion nucléaire s'appuie sur un «système institutionnel» propre à la France : la possibilité octroyée au président de République de déclencher le feu nucléaire sans aval parlementaire. Un schéma qui est loin d'être celui des autres États membres européens en matière d'engagement de leurs forces armées.
«Le problème n'est pas que l'Allemagne défende ses intérêts, le problème, c'est que le chef de l'État français ne défende pas les intérêts de la France», 𝕏 a-t-il poursuivi, rappelant la «petite musique» à Berlin de la mutualisation de la dissuasion nucléaire française.
«Macron est en train de devenir un danger national !», estime Thierry Mariani
Une concomitance avec l'agenda allemand qui 𝕏 n'a pas échappé à certains éditorialistes, à l'instar de Philippe David, rappelant que le chancelier allemand avait appelé mi-février à «renforcer davantage le pilier européen de l'OTAN, y compris dans le domaine de la dissuasion», le tout quelques semaines après les déclarations de l'ancien vice-chancelier écologiste Joschka Fischer de doter l'UE de «sa propre dissuasion nucléaire». «Une force de dissuasion, c'est comme une brosse à dents ou un tracteur, ça ne se partage pas !», a lancé le journaliste de Sud Radio.
Même son de cloche du côté du Rassemblement national. «Macron est en train de devenir un danger national !», 𝕏 a réagi le 28 avril sur la plateforme X (ex-Twitter) l'ancien ministre sarkozyste Thierry Mariani. «Après l'arme nucléaire suivra le siège permanent de la France au Conseil de sécurité de l'ONU qui sera lui aussi bradé à l'Union européenne...», a prédit l'eurodéputé.
Sur la dissuasion nucléaire : Macron embrouille tout. Il sème le doute sur la position française.
Nous refusons cette voie dangereuse. Cette décision n’appartient pas qu’au président mais au peuple ! ⤵️
«Décider à 27 d'un système de défense mettant en œuvre de telles armes est une vue de l'esprit dangereuse et une illusion impraticable», a dénoncé, à gauche, La France insoumise (LFI), fustigeant une «faute grave» d'Emmanuel Macron, qui «fragilise la position militaire pacifique de la France». «Personne ne peut croire qu'un pays engagerait le feu nucléaire pour la défense d'un autre pays en s'exposant ainsi lui-même à la riposte», stipule notamment le communiqué de LFI publié le 28 avril, soulignant que «souveraineté, indépendance et dissuasion sont intimement liées».
Partage de l'arme nucléaire : feu vert du côté des écologistes
À l'opposé de ces condamnations, sur le plateau de Dimanche en politique, la tête de liste des écologistes aux élections européennes Marie Toussaint, favorable à un «saut fédéral européen», a considéré que cela signifiait le «partage de cette force qu'est l'arme française [...] donc le nucléaire aussi».
Ce n'est pas la première fois qu'Emmanuel Macron avance de telles propositions en faveur d'une mutualisation européenne de la dissuasion nucléaire française. En février 2020, déjà, le président français avait proposé aux Européens un «dialogue stratégique» sur le rôle de la dissuasion tricolore.
Si pour l'heure une mutualisation du bouton rouge n'est pas de mise, celle de composantes de la dissuasion nucléaire française l'est déjà à l'instar du porte-avions Charles de Gaulle et de son escorte qui, pour la toute première fois, est passée le 26 avril sous contrôle opérationnel de l'OTAN pour une mission de 15 jours.
Un passage, sous contrôle otanien, perçu de Russie comme un signe de perte d'indépendance de Paris. Par de telles actions, la France «se dissout dans les approches communes de l'UE et de l'OTAN» avait estimé mi-avril la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova.