Marcel-M. Monin
Jésus marcha sur l'eau. Et Eric Dupond-Moretti, au sec, loin des éclaboussures, continue à bien mener sa barque.
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TRIBUNE - Jésus dit : "Père, pardonne à Dupond-Moretti, car il ne savait pas ce qu'il faisait." Et les membres de la CJR lui laissèrent son habit de ministre.
C'est probablement à ce verset (réécrit) de l'évangile selon saint Luc (23.34) qu'ont pensé les rédacteurs de la décision de relaxe prise par l'organisme juridictionnel dit "Cour de justice de la République".
Les rédacteurs en question ont arrêté que le garde des Sceaux s'est bien mis dans une situation de conflit d'intérêts. Qui — si l'on a bien compris — était possiblement d'essayer de faire un mauvais coup à des magistrats avec lesquels il avait eu des mots comme avocat, ou de se venger d'eux. Mais qu'en le faisant, il n'avait pas conscience de la raison pour laquelle il le faisait.
Raisonnement, sinon imparable, du moins sans discussion possible du point de vue intellectuel. Dès lors que la décision de relaxe était arrêtée, il fallait bien trouver quelque chose à écrire pour l'expliquer (= la motiver).
Mais il faut se demander s'il ne s'installe pas depuis quelque temps en France, la tentation d'être un peu rapide, quand il faut "justifier" par un raisonnement qui se veut juridique, des décisions juridictionnelles rendues dans un contexte dans lequel existe un important enjeu, soit politique, soit économique ou financier, soit mixte (1).
Ces affaires sont jugées dans un contexte dans lequel certains de ceux qui jugent sont, eux-mêmes, dans une situation complexe, sinon de conflit d'intérêts : magistrats obligés de participer à des décisions prises avec des politiques (CJR) ; magistrats qui réalisent une partie de leur carrière dans les ministères (ce qui peut jouer comme un accélérateur de carrière et favoriser l'obtention de rubans, de postes divers ou d'investitures). Donc dans la politique !
Ceux qui détiennent les postes de décision (et ceux qui les soutiennent ou qui participent au système) n'ont évidemment pas intérêt à ce que les choses changent. Pas intérêt à ce que la CJR soit supprimée. Pas intérêt à ce que les magistrats ne soient que juges de leur nomination à la retraite.
Alors… que faire ?
Rien ! Sinon prier Jésus...
(1) On se rappelle à cet égard la décision du Conseil d'Etat qui avait rejeté un recours dirigé contre le décret qui interdisait aux médecins de ville de prescrire certains médicaments aux personnes atteintes du virus covid 19. Ce décret portait-il atteinte à la liberté de prescrire ? Bien sûr que non ! Pourquoi ? Simple : les médicaments en question n'ont pas été officiellement déclarés comme efficaces… Donc, en interdisant de prescrire un médicament censément inefficace, on ne peut pas porter atteinte à la liberté de prescrire...