Source: AFP
Dakar, 4 février 2024.
Des hommes et des femmes de tous âges, agitant des drapeaux du Sénégal ou portant le maillot de l'équipe nationale de foot, ont convergé en début d'après-midi ce 4 février vers un rond-point sur l'un des axes routiers principaux de la capitale, à l'appel de plusieurs candidats.
Les gendarmes, déployés en grand nombre, ont déclenché un tir nourri de gaz lacrymogènes pour les disperser. Puis ils se sont enfoncés à pied ou en pickups dans les quartiers adjacents à la poursuite des manifestants en fuite. Ils ont alors essuyé de nombreux jets de pierres.
Des jeunes scandant «Macky Sall dictateur !» ont entrepris de dresser des barrages avec des moyens de fortune. L'un des candidats à la présidentielle, Daouda Ndiaye, a posté sur les réseaux sociaux un message où il assure avoir été «brutalisé» par les forces de l'ordre, et rapporte que certains de ses collaborateurs ont été «arrêtés».
Ce sont les premiers heurts consécutifs à l'annonce, le 3 février par le président Macky Sall, du report de la présidentielle initialement prévue le 25 février.
Ce report et ces heurts font craindre un accès de fièvre dans un pays réputé comme un îlot de stabilité en Afrique de l'Ouest, ce pays n'ayant en effet jamais connu de coup d'Etat, une rareté sur le continent. Il a toutefois connu différents épisodes de troubles depuis 2021.
Plusieurs candidats d'opposition ont annoncé à la presse leur décision d'ignorer la décision du président Sall et de maintenir le lancement de leur campagne.
Les pays de la CEDEAO, dont le Sénégal est membre, ont exprimé leur inquiétude, et ont demandé aux autorités de fixer rapidement une nouvelle date.
Conflit entre le Conseil constitutionnel et l'Assemblée nationale
C'est la première fois depuis 1963 qu'une présidentielle au suffrage universel direct est reportée au Sénégal. Le président Sall a invoqué le conflit qui a éclaté entre le Conseil constitutionnel et l'Assemblée nationale après la validation définitive par la juridiction de vingt candidatures et l'élimination de plusieurs dizaines d'autres.
Les députés doivent se réunir le 5 février pour examiner une proposition de loi pour le report de la présidentielle de six mois, a appris l'AFP auprès du Parlement. Le texte doit être approuvé par les 3/5 des 165 députés pour être validé. Ce débat s'annonce comme un autre temps fort de la crise et l'approbation du texte ne semble pas acquise.
A l'initiative de Karim Wade, un candidat recalé qui a remis en cause l'intégrité de deux juges constitutionnels et réclamé le report de l'élection, l'Assemblée avait approuvé la semaine dernière la création d'une commission d'enquête sur les conditions de validation des candidatures.
Contre toute attente, des députés du camp présidentiel ont soutenu la démarche. Elle a provoqué une vive querelle sur la séparation des pouvoirs, et provoqué des accusations visant la présidence d'un plan du pouvoir pour ajourner la présidentielle et éviter une défaite. Le candidat du camp présidentiel, le Premier ministre Amadou Ba, est contesté dans ses propres rangs et fait face à des dissidents.
Au contraire, le candidat anti-système Bassirou Diomaye Faye, à la candidature validée par le Conseil constitutionnel bien qu'il soit emprisonné depuis 2023, s'est imposé ces dernières semaines comme un postulant crédible à la victoire.
Selon le code électoral, un décret fixant la date d'une nouvelle présidentielle doit être publié au plus tard 80 jours avant le scrutin, ce qui mènerait à fin avril dans le meilleur des cas.
La président Sall pourrait ainsi rester à son poste au-delà de l'échéance de son mandat, le 2 avril.