par Nasser Kandil
Le président américain a donc annoncé le 7 mars dernier une opération humanitaire majeure, en ordonnant la construction d'une «jetée temporaire» à Gaza, afin de permettre l'arrivée d'aides massives via un couloir maritime depuis Chypre, distante d'environ 380 km, sans que cela n'implique le débarquement de soldats américains au sol.
Cela, après que les parachutages de l'aide se soient révélés coûteux, souvent inutiles en raison de l'imprécision du lieu de largage, et limités dans leur portée comme dans leur quantité.
Israël s'est félicité du corridor humanitaire annoncé et la Commission européenne a publié le 8 mars une déclaration commune avec Chypre, les Émirats arabes unis, les États-Unis et le Royaume-Uni approuvant l'activation du corridor d'aide maritime vers Gaza.
À ce propos, l'éditorial du quotidien libanais Al-Akhbar de ce 9 mars avait pour titre : «Carnaval du pont maritime : l'Amérique se prépare à une guerre permanente».
Quant à M. Nasser Kandil, rédacteur en chef du quotidien Al-Binaa, après avoir donné son point de vue sur la question de savoir pourquoi Israël aurait accepté le largage de l'aide sur Gaza (1), il répond aujourd'hui à la question de savoir ce que ce dernier projet d'aide humanitaire apparemment désintéressée peut signifier.
Mouna Alno-Nakhal
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La Résistance qui se bat à Gaza lit tous les détails de l'actualité, tout comme elle lit tout ce qui se cache derrière chaque nouvelle. Ainsi, le largage aérien d'une aide maigre et dérisoire, en dépit de son apparente inefficacité, de ses dommages (dont 5 personnes tuées et 10 blessées par des colis largués sur Gaza (2)) et des quantités ridicules arrivées à destination par rapport aux besoins des gens de Gaza, a révélé que l'opération dissimulait une autre fonction.
En effet, l'annonce du projet d'une jetée maritime sur la côte de Gaza par le président américain pour lui apporter davantage d'aide humanitaire, suivie de la précipitation témoignée par Chypre et l'Union européenne pour annoncer son adoption, n'ont pas tardé. Ce qui pose la question de savoir ce que ce nouveau projet peut signifier.
Or l'un des premiers messages d'une clarté indubitable est que, malgré les divergences sur le déroulement de la guerre menée à Gaza, l'Occident américano-européen reconnait qu'il est absolument incapable d'imposer au gouvernement de l'entité occupante l'ouverture du passage de Rafah.
Ce qui signifie que cet Occident qui ne cesse de demander à toute personne sensée et raisonnable, parmi les Palestiniens et les Arabes, de croire en sa capacité et sa volonté de faire pression sur l'entité occupante en vue de la création d'un État palestinien libéré des colonies avec Jérusalem-Est pour capitale, est incapable de l'amener à ouvrir le passage de Rafah pour raison humanitaire. Aux idiots et aux imbéciles de continuer à le croire et à le suivre !
Par ailleurs, la cartographie de la jetée en question étant ce qu'elle est, elle ne peut être ni temporaire, ni circonstancielle, ni destinée à disparaître une fois qu'elle sera construite. Ce qui signifie que les planificateurs n'ont aucune intention de se retirer de Gaza.
Ce qui signifie aussi que derrière la volonté intransigeante de fermer le passage de Rafah se dissimulait déjà la justification de ce projet de jetée maritime à Gaza ; un procédé d'occupation américain habituel accompagnant toujours l'occupation israélienne.
En effet, en 1982 c'est sous prétexte de protéger les civils que l'armée israélienne a envahi le Liban et a atteint Beyrouth. Du même coup, cette invasion a justifié le déploiement d'une Force multinationale dirigée par les États-Unis avec la participation de la Grande-Bretagne, de la France et de l'Italie. Des forces venues pour parfaire la mission de l'entité occupante et qui sont restées sur place, même après le retrait de son armée, jusqu'à ce qu'elles décident de se retirer (début 1984) suite à des opérations menées par la Résistance.
Par ailleurs, est-ce pure coïncidence si d'un point de vue géographique le projet de la jetée se trouve dans la zone des gisements de gaz estimés prometteurs devant la côte de Gaza ? Une zone pour laquelle l'entité occupante a donné son accord préliminaire pour le développement du champ nommé «Gaza Marine» et s'est empressée d'en prendre le contrôle.
«La mise en œuvre du projet Gaza Marine nécessiterait une coordination en matière de sécurité entre Israël, l'Égypte voisine et l'Autorité palestinienne. Le champ a été découvert par British Gas (BG) en 2000. Son développement a été retardé en raison du conflit entre Israël et la Palestine, de facteurs économiques et de différends politiques. Selon les estimations, il contiendrait plus d'un billion de pieds cubes de gaz naturel» (3) ; [Ndt].
Ce qui rappelle que le code «Gaz-Pétrole» est le code secret des invasions américaines dans la région :
• Ce fut le cas avec l'occupation de l'Irak. Une occupation américaine qui s'est poursuivie même après son retrait militaire en 2011, via une occupation pétrolière par le biais de procédures bancaires.
• Ce fut le cas en Libye où la solution politique reste bloquée et où la guerre civile est alimentée par deux axes régionaux. Les deux axes œuvrent sous la bannière de Washington, mais chacun s'occupe de financer et d'encourager l'un des deux camps opposés, pendant que l'Amérique gère le pétrole libyen.
• Il en va de même au Yémen, aussi bien en ce qui concerne la guerre menée contre ce pays, qu'en ce qui concerne le veto empêchant l'adoption d'une solution politique.
• Quant à la Syrie, elle est l'exemple qui ne nécessite ni discussion ni interprétation. De l'aveu même du président Donald Trump (4), (5), les États-Unis occupent ce pays afin de contrôler son pétrole. Ils volent le pétrole syrien et en disposent à leur guise. Par conséquent, ils privent le peuple syrien de l'électricité et de la monnaie stable dont il jouissait, car elles étaient protégées par l'autosuffisance du pays, du fait de son indépendance pétrolière et alimentaire.
• Et voici la question du pétrole et du gaz qui surgit à Gaza...
Quand la Résistance lit tout ce qui précède, elle n'a plus besoin d'une preuve pour conclure que ce qui lui est proposé par la négociation ne cherche pas à lui offrir une solution politique à la guerre. Il s'agit plutôt d'une offre de capitulation avec la possibilité que la guerre se poursuive sous d'autres formes pour atteindre ses mêmes objectifs ; ou, plus simplement, d'un gain de temps jusqu'à ce que les outils de contrôle du pétrole et du gaz soient au complet.
C'est pourquoi les propos du porte-parole des Brigades Al-Qassam, Abou Oubaïda, doivent être pris en compte lorsqu'il déclare que la guerre continue et que chaque partie la mène pour faire avancer ses objectifs avec ses propres outils.
La Résistance poursuivra donc son combat pour atteindre ses objectifs en utilisant les outils dont elles disposent.
source : Al-Binaa (Liban) ماذا يعني الرصيف البحري الأميركي في غزة؟
Traduction par Mouna Alno-Nakhal