Lauriane Bernard, France-Soir
Selon les forces de l'ordre, 5000 tracteurs et camions étaient massés devant la porte de Brandebourg, à Berlin, lundi 15 janvier.
John MacDougall / AFP
MONDE - Le 15 janvier, des milliers d'agriculteurs allemands étaient réunis à Berlin. Ils ont promis de rester mobilisés jusqu'à ce que le gouvernement d'Olaf Scholz renonce à ses plans de suppression des avantages fiscaux sur le diesel agricole. Le ministre des Finances,Christian Lindner, leur promet quant à lui de faire un effort sur la "bureaucratie" pour apaiser les tensions.
Vers 11 h 30, M. Joachim Rukwied, président de la fédération des agriculteurs allemands (DBV), a accueilli la foule des manifestants au pied de la porte de Brandebourg. Il a d'abord salué la présence de tous les secteurs de l'agriculture, rejoints par les restaurateurs agacés par la hausse de la TVA sur les denrées alimentaires. Beaucoup réclament la démission du gouvernement Scholz. Selon la police, cinq mille tracteurs étaient présents.
Pour Rukwied, cette mobilisation d'une semaine est le signe que les paysans sont toujours prêts à se battre. D'ailleurs, ajoute-t-il : "J'ai été agréablement surpris de voir que la majorité de nos concitoyens, 70 à 80 % selon les sondages, nous soutiennent sur l'exonération fiscale sur le diesel agricole, mais pas seulement. Ils sont aussi derrière nous parce qu'ils pensent que quelque chose doit changer en politique. La politique doit sortir de la bulle berlinoise".
"Il faut que le sujet du gazole agricole soit résolu"
Néanmoins, pour Rukwied, "il faut que le sujet du gazole agricole soit résolu. Ensuite, on pourra parler du reste". Le maintien des avantages fiscaux sur le diesel agricole est le point crucial. Sans cela, difficile de garantir une production nationale durable et respectueuse du bien-être animal : "Nous avons participé à la commission pour l'avenir de l'agriculture et obéi à une politique agricole commune toujours plus verte, et c'est comme ça qu'on nous remercie ? Nous avons besoin d'une politique qui s'adapte à la réalité de notre métier d'agriculteurs".
Selon lui, la souveraineté alimentaire de l'Allemagne n'est pas négociable. "Des difficultés d'approvisionnement en médicaments ne suffisent-elles pas ? Faut-il encore risquer des difficultés d'approvisionnement en denrées alimentaires ?", interroge-t-il. "Olaf Scholz veut trouver un compromis, mais celui qu'il propose n'est pas juste. Nous continuerons à manifester tant que le gouvernement n'abandonne pas son projet."
Le 4 janvier dernier, le gouvernement a déclaré abandonner son projet d'introduction d'une taxe sur les véhicules agricoles et forestiers. Il a aussi proposé une suppression progressive des allégements fiscaux sur le diesel agricole, de 2024 à 2026, au lieu d'une suppression totale. Et la coalition ne compte pas revenir sur sa proposition. Mais le ministre des Finances Christian Lindner, invité à prendre la parole à l'estrade, a essayé de nouer le dialogue.
Plus d'économies, moins de bureaucratie
Reçu sous les huées des milliers de manifestants, le traitant de "menteur" et lui ordonnant de "dégager", le ministre des Finances a tenu bon et proposé à la foule d'agriculteurs regroupée devant lui de lui faciliter la vie en réduisant la bureaucratie.
"Vous ne ferez descendre aucun manifestant de son tracteur avec votre proposition", l'avait pourtant prévenu Rukwied. "En tant que ministre des Finances, je dois me demander quels fonds sont nécessaires et où je dois faire des coupes", s'est justifié Lindner, qui a rappelé le poids de la dette publique allemande : "Si la compétitivité de l'agriculture doit être maintenue, je ne peux pas promettre davantage d'aides d'État, mais ne me dites pas que vous êtes ici seulement à cause du diesel agricole. Quelque chose s'est accumulé pendant des années et c'est pourquoi nous devons en discuter."
Le ministre a promis que de nouvelles "normes bureaucratiques" ne seront pas mises en place, et que certains projets européens, comme la mise en jachère, seront rediscutés. Il a également assuré que d'autres secteurs, comme le transport aérien, contribueront à l'effort budgétaire. Concernant les prestations sociales, le gouvernement s'engage à les réduire pour les demandeurs d'asile, et à économiser un milliard d'euros sur le revenu de citoyenneté (la prestation minimale pour les chômeurs en Allemagne).
La révolte n'est sans doute pas près de s'arrêter...