Par Ron Unz − Le 7 avril 2025 − Source Unz Review
Je n'ai jamais rencontré Donald Trump, et je n'ai jamais traité avec lui d'aucune manière, et comme je n'ai pas la télévision, jusqu'en 2015, lorsqu'il a commencé à s'attirer une forte attention médiatique avec sa première candidature à la Maison-Blanche de manière inattendue, je n'avais qu'à peine remarqué ses singeries.
Mais il y a quelque temps, j'ai rencontré à titre privé et sur d'autres sujets l'un des soutiens les plus puissants et influents de Trump, et il s'est trouvé que son nom a été évoqué durant notre conversation. Comme j'ai tendance à être direct et à m'exprimer sans ambages, j'ai posément décrit notre président comme un « bouffon ignorant ». Je n'ai guère été surpris de voir mon interlocuteur s'abstenir de répondre à cette provocation, mais j'ai remarqué l'expression de léger embarras qui a traversé son visage, et ai interprété son silence comme une reconnaissance du fait qu'il partageait en son for intérieur mon appréciation.
Je soupçonne fortement que les barrières douanières récemment déclarées par Trump fassent parvenir un nombre croissant d'Étasuniens, y compris d'anciens soutiens de Trump, à la même conclusion pénible.
Les barrières douanières relèvent de l'économie, et je ne revendique vraiment aucune expertise personnelle dans ce domaine. De fait, c'est même plutôt le contraire.
Il y a une dizaine d'années, avant que mes écrits de plus en plus controversés me rendissent trop radioactif pour aborder ce type de sujet, on m'avait invité à participer à un débat télévisé sur NYC au sujet du volet économique des politiques d'immigration, et l'un de mes opposants était le célèbre économiste libertarien Bryan Caplan, de l'Université George Mason. Cette émission fut diffusée dans tout le pays et reprise par NPR, et j'y reconnais franchement mon ignorance totale sur les sujets économiques, affirmant non seulement n'avoir jamais suivi le moindre cours sur le sujet, mais n'avoir même jamais ouvert les pages d'un seul manuel d'économie.
Cependant, je suggérai également qu'une grande partie de la science économique relevait du sens commun de base et, peut-être en conséquence de cette approche, c'est mon parti qui gagna le débat haut la main, avec l'un des membres de l'autre équipe qui alla jusqu'à rallier notre position.
- Frontières ouvertes, élites étasuniennes, et salaire minimal
- Ron Unz • The Unz Review • le 11 novembre 2013 • 1,700 mots
Let Anyone Take A Job Anywhere
Au vu de cet historique, mon appréciation négative au sujet des nouvelles barrières douanières établies par Trump est à considérer avec des pincettes, mais pas forcément à laisser totalement de côté pour autant.
Au cours de sa campagne présidentielle réussie de 2024, Trump avait à maintes reprises promis d'imposer d'importantes barrières douanières aux autres pays dont il estimait qu'ils jouissaient injustement d'un commerce unidirectionnel avec les États-Unis, et la réindustrialisation de notre pays constituait un volet important de son projet « Make America Great Again ». Ses affinités personnelles avec les barrières douanières ne constituent donc pas vraiment une surprise.
De fait, peu de temps après son entrée au Bureau Ovale, il a utilisé ce qu'il décrivait comme ses pouvoirs d'urgence en matière économique pour imposer de nouvelles barrières douanières à une Chine très diabolisée, chose qui n'eut rien d'inattendu. Mais il a également déclaré que d'énormes barrières douanières seraient imposées sur les biens importés depuis le Canada et le Mexique, nos voisins les plus proches et alliés amicaux. Cela a constitué une grande surprise, surtout au vu du fait que durant son mandat précédent, il avait personnellement négocié son propre accord de libre échange, l'USMCA, avec ces deux mêmes pays.
Alors, voir Trump, 47ème président des États-Unis, dénoncer et jeter aux orties les politiques de Trump, 45ème président des États-Unis, aura au moins permis d'ouvrir quelques yeux.
Quoi qu'il en soit, au cours des quelques semaines qui ont suivi, ses suspensions, ses revirements, et ses modifications sur ses barrières douanières en Amérique du Nord ont amené de nombreux observateurs à soupçonner que ces mesures relevaient principalement de la fanfaronnade, constituaient des épouvantails visant à faire peur à nos voisins, et qu'elles ne resteraient en place que peu de temps. Cela a considérablement réduit leurs impacts sur l'économie régionale intégrée qui s'était développée depuis la mise en application en 1993 de l'accord NAFTA originel par le président George H.W. Bush.
Il s'en est suivi que son annonce, mercredi dernier, de nouvelles barrières douanières radicales contre presque tous les autres pays du monde, a frappé le monde comme l'éclair. Le 2 avril, Trump a brandi sa pancarte détaillant ces nouvelles taxes sur les importations, et les nombres étaient tellement élevés que de nombreux observateurs ont sans doute pensé que son projet aurait été mieux avenu s'il avait été présenté la veille, en guise de Poisson d'Avril.
D'un côté, les décisions prises par Trump étaient nettement interdites selon les lois en vigueur aux États-Unis. Comme nombre de personnes l'ont remarqué, les barrières douanières constituent évidemment des taxes, et selon la Constitution des États-Unis, toutes les lois concernant les taxes doivent provenir de la Chambre des Représentants, puis être adoptées par les deux chambres du Congrès, et non pas imposées unilatéralement par la branche exécutive du gouvernement.
Le système a fonctionné ainsi durant la quasi-totalité des 250 années de notre histoire nationale, y compris les souvenirs notables de la loi protectionniste Smoot-Hawley en 1930, et de l'accord USMCA signé par Trump en personne en 2018.
Mais voici que Trump 47 a déclaré qu'il allait imposer ces nouvelles barrières douanières au travers d'un ordre exécutif unilatéral, en revendiquant les pouvoirs d'urgence qu'il possède selon une loi de 1977.
Quoi qu'il en soit, l'« urgence » en question était apparemment la désindustrialisation en cours durant les quelque dernières quatre-vingt-dix années aux États-Unis. Comme le souligne le professeur Jeffrey Sachs, l'éminent économiste international, une « urgence » qui s'est déroulée au cours de presque tout un siècle ne ressemble guère au type d'« urgence » envisagée par cette loi.
Prof. Jeffery Sachs : The Disaster of Tariffs
Mais ce point technique légal mineur n'a qu'à peine effleuré la surface du débat sur les très étranges barrières douanières instituées par Trump contre les quelque 150 autres pays du monde.
Par exemple, notre président a déclaré face aux remises en question de son projet que ces nouvelles barrières douanières constituaient des « représailles », et de fait, la première colonne du tableau qu'il mettait en avant montraient les barrières douanières étrangères aux origines selon lui de ces représailles, mais chacun a rapidement remarqué que ces nombres n'avaient aucun sens. La Suisse n'impose absolument pas de droits de douane de 61 % sur les biens en provenance des États-Unis, pas plus que le Vietnam n'aurait imposé des barrières douanières de 90 % contre les produits étasuniens.
Au lieu de cela, ces nombres ont d'évidence été calculés au moyen d'une formule basée sur le déficit commercial existant pour les États-Unis sur les biens, une chose totalement différente. Donc, si un autre pays nous vend davantage de biens que nous lui en vendons, cela est décrit comme une barrière douanière, en dépit du fait qu'aucune taxe douanière ne soit en vigueur dans ce pays contre nous. Pour exemple parfait de cette absurdité, Trump a affirmé faussement que les manchots des îles Norfolk, aux abords de l'Antarctique, maintenaient des barrières douanières colossales sur les produits étasuniens, et que ses propres taux de représailles de 29 % visaient à punir ces oiseaux de mer de leurs pratiques commerciales injustes.
De toute évidence, les affirmations de Trump pour justifier ses nouvelles barrières douanières sont totalement ridicules, et ce à plusieurs titres distincts.
Par exemple, il est irréfutable que durant des décennies, les États-Unis ont développé un déficit commercial épouvantable et croissant avec le reste du monde, qui a récemment atteint en 2024 un total de 1200 milliards de dollars.
Mais supposons que tel ne soit pas le cas, et que notre commerce de biens avec le reste du monde soit totalement équilibré, exactement comme Trump veut qu'il le soit. Sous de telles circonstances, nous disposerions naturellement avec certains pays de surplus commerciaux, et de déficits avec d'autres, et l'ensemble de ces nombres s'équilibrerait à zéro.
Mais selon le cadre établi par Trump, les pays avec lesquels nous entretenons un surplus commercial continueraient d'être frappés d'une barrière douanière de 10 %, alors que ceux avec lesquels nous avons un déficit de balance commerciale subiraient des barrières douanières nettement plus importantes, qui se verraient encore augmentées si ces pays décidaient d'établir des mesures de représailles. Donc, l'objectif apparemment entretenu par Trump est de réduire fortement, voire éliminer tout commerce avec le reste du monde. De cette manière Trump applique des sanctions aux États-Unis eux-mêmes, d'une manière très ressemblante aux sanctions qu'il a essayé d'imposer à l'Iran, à la Russie, à la Corée du Nord et à tous les autres pays que lui et les administrations précédentes ont considéré avec hostilité.
Et pourtant, très étrangement, Trump semble croire que trancher les échanges commerciaux globaux des pays qu'il n'aime pas va les perturber fortement, mais que trancher ses propres échanges commerciaux va renforcer les États-Unis et bénéficier au peuple étasunien.
La méthodologie de définition des barrières douanières qu'il a instituée est encore plus étrange. J'ai remarqué que toutes ses statistiques en matière de commerce international se concentraient sur les biens et ignorait les services.
Donc, si notre commerce avec une nation étrangère donnée se trouvait en équilibre parfait, avec un déficit sur les biens parfaitement compensé par un surplus sur les services, Trump ne considérerait que le déficit, ferait fi du surplus, et imposerait d'importantes barrières douanières pour réduire ce problème.
Dans les années 1990, Pat Buchanan, le pionnier paléo-conservateur, s'était fait l'avocat d'un ensemble drastique de politiques économiques et politiques controversées, qui indignèrent fortement notre establishment intellectuel aux commandes, et des barrières douanières élevées figuraient parmi les mesures qu'il soutenait. Ces positions ont amené le Donald Trump de l'époque à dénoncer vertement Buchanan comme « un amoureux de Hitler. » Mais à la seule exception de la critique acerbe que produit Buchanan envers Israël et son puissant lobby aux États-Unis, notre président pas très stable semble avoir désormais adopté avec ferveur presque toutes les idées de Buchanan, mais ce avec une mise en œuvre digne d'un QI apparaissant comme 30 à 40 points en dessous de l'original.
Je n'ai exploré que superficiellement l'étrange proposition de barrières douanières établie par Trump, et étant donné mon ignorance reconnue des sujets économiques, peut-être ai-je mal compris certains de ses éléments. Mais selon les rapports produits par les médias, sa proposition fait en moyenne augmenter les barrières douanières étasuniennes sur les biens d'un facteur supérieur à 10, qui passent d'environ 2% à 24%. Cela va certainement constituer un choc énorme à notre système économique.
Les hommes d'affaires étasuniens et les investisseurs qui les financent semblent considérer ce choc de manière très négative, et nos marchés boursiers ont subi des pertes inédites depuis l'effondrement sans précédent provoqué par l'épidémie de Covid, durant le mandat précédent de Trump.
J'ai longtemps soupçonné que nos actions étaient fortement surévaluées, et l'annonce des barrières douanières de Trump aura peut-être fini par faire exploser cette grosse bulle, avec des conséquences financières plus importantes qu'il ne l'aura escompté ou attendu.
Par exemple, j'ai été plutôt surpris que les entreprises technologiques de haut niveau qui ont perdu des milliards de dollars durant des années aient continué à maintenir et même à voir croître leur valeur sur les marchés, et peut-être que ces valorisations vont désormais revenir toucher terre, peut-être au prix d'un énorme contrecoup. Je pensais également que la publication du système chinois DeepSeek AI, bon marché et open source, allait présenter un impact plus important sur les entreprises d'IA étasuniennes qui ont brûlé des milliards de dollars chaque année, et peut-être que cela va se produire à présent.
Quelques jours avant l'effondrement très brutal des marchés d'actions étasuniens, le Wall Street Journal a publié un article important, notant que durant les quelque dix dernières années, les énormes retours sur nos actions avaient attiré une quantité sans précédent d'investissements étrangers. Cet afflux de fonds pourrait s'inverser si les actions chutent lourdement, chose qui aurait pour conséquence évidente d'amplifier cet effet.
Il se peut que les actions étasuniennes se stabilisent cette semaine, après leurs fortes baisses de jeudi et vendredi, ou même regagnent un peu du terrain perdu. Mais il se peut que le déclin se poursuive, voire accélère.
L'objectif auto-proclamé de l'ensemble du projet de barrières douanières de Trump est la réindustrialisation de la société étasunienne, réalisée en persuadant les grosses corporations d'accroître leurs investissements aux États-Unis et de relocaliser leurs usines au pays. Mais comme l'ont indiqué de nombreux critiques, il apparaît comme peu probable que ces politiques parviennent à un tel résultat.
Créer une grosse usine, avec ses fournisseurs et circuits d'approvisionnements associés, constitue une entreprise très longue et très onéreuse, qui promet de demander des années et des milliards de dollars. Et planifier des investissements de cet ordre demande de disposer de certitudes sur le fait que les facteurs responsables du changement vont rester pérennes durant de nombreuses années, afin de justifier des sorties de capitaux à long terme. Dans le climat des affaires, l'incertitude promet de déboucher sur des reports de la part des investisseurs.
Pourtant, l'incertitude constitue sans aucun doute le mot clé permettant de qualifier les politiques économiques changeantes de Trump, et les annonces récentes de barrières douanières énormes contre le Canada et le Mexique se sont vues de manière répétée réduites, inversées, ou reportées d'un jour sur l'autre ou d'une semaine sur l'autre. Personne ne s'attendait aux barrières douanières énormes annoncées la semaine passée, et vu l'effondrement qui s'est déclenché sur les marchés d'actions, personne ne peut affirmer que ces barrières douanières - ou même le président qui les a émises - seront toujours en place d'ici quelques mois. Seule une société particulièrement imbécile lancerait des plans d'investissement à long terme avant que la situation ne s'éclaircisse fortement.
Aussi, bien que Trump ait compté promouvoir une énorme vague de nouveaux investissements d'affaires aux États-Unis, les résultats concrets vont probablement être l'exact opposé.
Si je reconnais mon absence totale d'expertise économique, il est à noter que pratiquement tous les praticiens de cette science lugubre - qu'ils soient de gauche, de droite, ou centristes - ont dénoncé l'idiotie de la politique de Trump. C'est la position d'un économiste modéré et inscrit dans le courant dominant, comme le professeur Sachs, mais la page éditoriale du Wall Street Journal en a fait autant. Et la réaction d'économistes de gauche, présentant de profondes racines marxistes, comme Michael Hudson ou Richard D. Wolff, a été tout aussi cinglante.
Richard D. Wolff and Michael Hudson on Trump’s Trade Policies: A Fast Track to Economic Ruin
Au cours de cette longue discussion, il y a plusieurs jours, le professeur Hudson a affirmé que l'on attendait des dirigeants politiques qu'ils agissent aux meilleurs intérêts de leur propre pays, ou au moins aux meilleurs intérêts des riches élites d'affaires qui possèdent les États-Unis, mais que les barrières douanières de Trump allaient presque certainement provoquer l'impact opposé. Dans le même temps, le professeur Wolff a redoré l'image de la gauche en intégrant quelques dénonciations de la « Suprématie Blanche » sans lien avec le sujet et apparemment prises au hasard, mais hormis cela est parvenu aux mêmes conclusions consternées.
Chose intéressante, le professeur Sachs a distingué une ligne directrice derrière la conduite irrationnelle de Trump, et suggère que celui-ci puisse réussir à entretenir une coopération internationale Prof. Jeffery Sachs : The Disaster of Tariffs .
Par exemple, la Chine, le Japon et la Corée du Sud ont souvent entretenu des relations inamicales entre eux, mais les étranges barrières douanières désormais imposées par Trump à ces trois pays voisins les ont rapidement amenés à discuter dans le but d'établir une réponse commune au défi économique qui s'est fait jour. De même, tous les pays majeurs d'Europe peuvent commencer à travailler les uns avec les autres, et rétablir leurs relations abîmées avec la Chine, tout comme l'Inde. Il est arrivé à Trump de s'auto-présenter comme un facteur d'unité plutôt que de division, et peut-être bien qu'il a réussi à prouver l'être à l'échelle mondiale, mais pas tout à fait au sens où il l'avait escompté.
Les États-Unis constituent encore la deuxième économie du monde, après celle de la Chine, et disposent également du second arsenal nucléaire au monde, après celui de la Russie. Il convient donc de ne pas prendre à la légère les étranges guerres commerciales désormais lancées par Trump contre le reste du monde, pas plus que ses menaces répétées d'une véritable guerre contre l'Iran et la Chine, ou la poursuite de la guerre par procuration ukrainienne contre la Russie. Chacune d'elles menace la paix, la prospérité, et la stabilité du système global.
Peut-être bien que Trump et ses loyalistes vont s'avérer avoir tout à fait raison, et que ses nouvelles barrières douanières vont atteindre une réussite éclatante, portant le discrédit sur les nombreux économistes qui les ont critiquées. Si tel est le cas, l'industrie étasunienne se relèvera une fois de plus de ses cendres et dominera la production mondiale, comme elle le fit durant le début de l'ère de l'après-guerre. Mais j'en doute fortement.
Considérons donc l'autre possibilité, voyant les propositions de Trump déboucher sur un désastre total pour les États-Unis - et dans une mesure nettement moindre, pour le reste du monde - conformément à ce qu'attend la multitude de ses critiques. Quelle analogie historique raisonnable pourrait-on y trouver ?
Je pense qu'il est extrêmement rare de voir un grand pays tomber aux mains d'un dirigeant assez téméraire et assez puissant pour déployer un plan aussi totalement auto-destructeur. La meilleure analogie qui me vient à l'esprit est celle de la politique agricole imposée par Mao, le président chinois, durant les années 1958-1962, habituellement désignée sous le nom de Grand Bond en avant.
Les estimations varient, mais il y a quelques années, j'ai lu Tombstone, un lourd volume publié en 2008 par Yan Jinsheng, un ancien journaliste chinois très reconnu, et ce livre m'a paru très convainquant. Selon Yan, le total officiel des quelque 18 millions de morts rapportés par le propre gouvernement chinois aura constitué une forte sous-estimation, et le véritable décompte de la surmortalité pour cause de famine, malnutrition et maladies se sera sans doute établi à quelque 35 à 40 millions de personnes.
Au cours des années plus récentes, de nombreux activistes favorables à la Chine ont réfuté la réalité de cet événement grave, mais la pyramide de la population officielle, publiée quelques décennies plus tard par le Bureau de Recensement chinois, montre bel et bien un énorme trou concernant ces années, ce qui reflète l'énorme augmentation de la mortalité infantile et la chute du taux de fécondité provoquées par cette immense famine :
L'une des raisons pour lesquelles les mauvaises politiques de Mao produisirent une telle famine fut que la plupart des subordonnés dociles du Grand Timonier ne voulurent pas reconnaître que celles-ci ne fonctionnaient pas, et firent au lieu de cela état de leur éclatante réussite, en dissimulant leurs échecs désastreux. Lorsque le ministre de la défense chinois fit part de ses préoccupations vis-à-vis de la terrible famine, vue de ses propres yeux, il fut promptement purgé.
Tout ceci apparaît comme assez semblable à ce qui peut transpirer de l'administration Trump et de ses flatteries, ainsi que de la chambre d'écho médiatique.
De toute évidence, les États-Unis ne sont pas confrontés à la même famine qui affligea la Chine il y a quelque soixante ans. Mais les conséquences des projets de barrières douanières entretenus par Trump pourraient faire décrire une trajectoire ressemblante à notre système économique.
En temps normal, j'achète mon PQ chez Costco, une fois tous les quelques mois, et par chance, je venais de le faire avant les interruptions des chaînes d'approvisionnement du début de l'épidémie de Covid, qui firent disparaître des étalages divers produits de première nécessité. Mais il y a quelques jours, un gros titre du mon journal local de Palo Alto a mentionné que le PQ est fabriqué à partir de bois d'importation canadien, et que ses approvisionnements pourraient se voir perturbés du fait des nouvelles barrières douanières de Trump, si bien qu'en me rendant à Costco quelques jours plus tard, j'ai acheté un autre paquet avec peut-être un mois d'avance sur ce que j'aurais fait normalement. Le New York Times vient de publier un article faisant mention de possibles achats de panique, et bien que le journaliste n'en ait trouvé aucune indication concrète, je me demande si cela ne pourrait pas survenir dans les quelques semaines à venir.
Il y a cinq ans, sous Trump 45, les États-Unis ont subi des interruptions de chaîne logistique sans précédent, et cela pourrait se reproduire bientôt sous Trump 47.
L'une des politiques centrales de la Chine maoïste répudiées vertement au cours du dernier demi-siècle fut la préférence pour le « Rouge par rapport à l'Expert, » la notion selon laquelle les considérations idéologiques et personnelles devaient prévaloir sur l'expertise technique lors du choix d'un candidat pour un poste important au sein de l'administration. Sur la base des événements récents, Trump semble fortement préférer la ligne maoïste.
Par exemple, à la fin de la semaine dernière, il a abruptement licencié le haut général qui dirigeait la NSA, apparemment en raison du fait qu'une activiste notoirement excentrique du nom de Laura Loomer, âgée de 31 ans, avait dénoncé l'officier comme « déloyal ». Plusieurs autres membres haut placés du Conseil de Sécurité Nationale ont également été remerciés pour des raisons similaires.
Considérons également Pete Hegseth, l'actuel Secrétaire à la Défense. Vétéran de la guerre en Irak et commentateur enthousiaste de Foxnews, connu pour ses tatouages et ses nombreux mariages. Hegseth ne disposait d'aucune expérience de gestion d'une vaste organisation lorsque Trump l'a désigné pour contrôler le Pentagone, doté d'un budget de 800 milliards de dollars ; au contraire, il s'était fait licencier pour mauvaise gestion des deux petites associations à but non lucratif qu'il avait dirigées. Qui plus est, on a rapidement su qu'il était connu pour ses violences sous l'emprise de l'alcool, et il a été accusé d'avoir commis un viol durant l'une de ces virées.
Positionner un violeur alcoolique totalement incompétent aux manettes de l'appareil militaire étasunien semble un peu trop fort même pour les loyalistes du parti, et la majorité des observateurs a supposé que cette nomination serait annulée. Mais Trump s'en est tenu à son choix, et des partisans de Trump agités ont intimidé les sénateurs républicains qui hésitaient à confirmer ce poste, si bien qu' il a été maintenu de peu.
Comme je l'ai discuté dans mon article précédent, l'ensemble du mois de mars a été rempli de mesures de répressions idéologiques contre Columbia, Harvard, et de nombreux autres grands centres de hautes études étasuniens, ces actions ayant été décidées par Linda McMahon, la catcheuse que Trump a choisie pour mener sa politique éducative.
- The Zionist Destruction of American Higher Education
- Ron Unz • The Unz Review • le 31 mars 2025 • 7,300 mots
Il a fallu une génération pour réparer la destruction réalisée de la même manière par Mao du système éducatif chinois, et je me demande ce qui pourrait se produire aux États-Unis.
Juste avant cela, des équipes de très jeunes supporters de Trump, organisés par le projet DOGE d'Elon Musk, avaient envahi les locaux et les systèmes informatiques des énormes agences de notre gouvernement fédéral. Ils ont promis de purger par dizaines voire par centaines de milliers les fonctionnaires qu'ils méprisaient, d'une manière très semblable aux tout aussi jeune Gardes Rouges de Mao durant la Grande Révolution Culturelle Prolétaire.
Mon attention a été particulièrement attirée par l'exposition au sein d'un média de l'un de ces Gardes trumpistes zélés, qui avait puisé son inspiration de mon article originel de la Pravda Américaine, qu'il semblait presque considérer comme le Petit Livre Rouge de son mouvement anti-establishment.
- La Pravda américaine
- Ron Unz • The Unz Review • le 24 février 2025 • 7,200 mots
J'ai récemment été interviewé par un podcaster britannique de droite du nom de Mark Collett, et bien que le sujet principal de notre conversation fût l'assassinat de JFK, nous avons évoqué d'autres sujets.
Il a suggéré que les politiques de l'administration Trump vis-à-vis du personnel [administratif, NdT] lui rappelassent celles que suivit en son temps l'Empereur Caligula, qui pouvait se montrer tellement satisfait de la manière dont un de ses esclaves lui servit son vin qu'il l'élevait sur-le-champ à la tête d'une province impériale ou au commandement d'une grande armée, avant de s'en dé-satisfaire quelques jours plus tard et d'ordonner son exécution sommaire.
Collett note que Dan Bongino, un commentateur trumpiste de droite s'était attiré un vaste public sur Rumble, et que notre nouveau président l'avait élevé au rang de deuxième personnage du FBI.
Des générations de fort conditionnement médiatique ont endoctriné des boomers républicains sans cervelle à considérer les Noirs comme des membres divins de la société étasunienne, dont les exploits héroïques dans des sports de balle ou comme rappeurs gangsters représentent les deux pics culturels jumeaux de la Civilisation occidentale. Ce point se transforme en problème dès lors que ces derniers découvrent que d'autres pays sont nettement moins laxistes envers leurs crimes violents et leurs trafics de drogue, si bien que durant son premier mandat, Trump a remué ciel et terre pour faire libérer le rappeur A$AP Rocky de la cellule de prison suédoise où il avait été enfermé pour ses crimes violents.
Il se peut qu'une chose similaire contribue à expliquer la demande de Trump pour que toutes les accusations fédérales de corruption soient abandonnées à l'encontre d'Eric Adams, maire de la ville de New York.
Il y a quelques années, une blague populaire circulait sur les médias sociaux, montrant le président Mao revenant à la vie avec toutes sortes de questions sur le monde moderne. Au vu des singeries actuelles affichées par le président Trump, je m'attends à ce que cette blague soit actualisée pour intégrer les décisions subites de Trump isolant les États-Unis de l'économie du reste du monde.
Ron Unz
Note du Saker francophone
Le lecteur qui aime cultiver la diversité des points de vue pourra confronter ce sombre tableau avec l'analyse proposée par Idriss Aberkane et Philippe Béchade, disponible Pourquoi trump veut-il provoquer une récession ? | Idriss Aberkane reçoit Philippe Béchade .
Traduit par José Martí pour le Saker Francophone