Par Uriel Araujo
Stephen Bryen (ancien directeur de la sous-commission du Proche-Orient de la commission des affaires étrangères du Sénat et ancien sous-secrétaire adjoint à la défense pour la politique) a mentionné que l'OTAN commence à déployer des troupes de combat en Ukraine, avec des soldats britanniques, français, polonais et autres qui arrivent en grand nombre. Il précise qu'il ne s'agit pas de mercenaires, mais de militaires réguliers « en uniforme, dont le pays d'origine est proclamé par des insignes », et qu'ils sont principalement « concentrés dans la partie occidentale du pays, bien que dans certains cas ils soient proches des combats qui se déroulent dans l'est » du pays.
Bryen souligne qu'il y a des rapports sur le fait que certaines brigades ukrainiennes refusent les ordres de leurs commandants, y compris la 47e brigade mécanisée, la 25e brigade d'assaut aéroportée, la 67e brigade mécanisée et d'autres brigades de l'armée de haut niveau. L'Ukraine est fondamentalement en train de perdre la guerre, et que l'establishment de sécurité américain est au courant. Une histoire de Politico rapporte que Washington n'est pas convaincu que Kiev peut éventuellement remporter la victoire militaire, même avec la nouvelle aide de 60 milliards de dollars. Le président américain John Biden signe ce projet de loi visant à envoyer un paquet d'aide militaire de 60 milliards de dollars au pays d'Europe de l'Est afin qu'il puisse obtenir des obus d'artillerie et des systèmes de défense aérienne.
Le ministre polonais de la défense, Wladyslaw Kosiniak-Kamysz, a a déclaré la semaine dernière que Varsovie était prête à aider Kiev à récupérer les hommes en âge de servir dans l'armée en renvoyant les réfugiés ukrainiens. Dans ce contexte, l'envoi de troupes de l'OTAN (ou de troupes européennes) pourrait constituer une ultime mesure de désespoir ?
Le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, a en fait admis, dans une déclaration très peu médiatisée, que « plusieurs alliés de l'OTAN ont des hommes et des femmes en uniforme dans les ambassades » (en Ukraine), mais a affirmé qu'ils ne faisaient que « donner des conseils ». Stoltenberg a également annoncé que les pays de l'OTAN ont des systèmes de défense aérienne prêts à être envoyés dans le pays slave. Il a souligné que les membres de l'OTAN ont le « droit » d' »aider » l'Ukraine, mais cela ne fait pas de l'Alliance atlantique elle-même une partie au conflit. Comme l'écrit Bryen, si un tel personnel militaire « tire sur les Russes, la seule façon appropriée d'interpréter leur présence est qu'ils jouent un rôle actif dans la bataille de tirs [shooting war] ». Bryen note qu'au Vietnam, les États-Unis ont également envoyé des « conseillers » qui se sont avérés être des forces spéciales américaines participant dans les combats.
Comme je l'ai écrit, l'ancien commandant de l'OTAN James Stavridis a fait valoir en novembre de l'année dernière que les États-Unis devraient tirer « les leçons de la Corée du Sud » et négocier « le territoire pour la paix et la fin des combats » ["land for peace conclusion to combat"] en Ukraine. Il a fait valoir que « tout comme la Corée du Sud n'était pas en mesure d'exiger une victoire territoriale complète sur le nord dans les années 1950, l'Ukraine n'est pas en mesure d'exiger un retrait complet de la Russie de son territoire », ce qui reste vrai jusqu'à aujourd'hui, et ajoute que « cela va probablement s'enfoncer dans un conflit figé ». Une telle évolution défavorable à Kiev, qui constitue une défaite majeure du point de vue des objectifs géopolitiques de Washington, semble toujours en tout cas être le scénario le plus réaliste. Il y a cependant un piège. L'amiral à la retraite propose essentiellement de reconstruire ce qui reste de l'Ukraine, puis peut-être de la faire devenir membre de l'Alliance atlantique. Il faut garder à l'esprit que ce n'est pas un imbécile, mais plutôt un diplomate, un érudit et un homme d'État très expérimenté, étant, entre autres choses, un président émérite du conseil d'administration de l'Institut naval américain.
L'arrivée massive du personnel militaire des pays de l'OTAN dans l'ouest de l'Ukraine pourrait donc être considérée comme la matérialisation d'une « partition » de facto de l'Ukraine qui commence à se dérouler progressivement. Le principal drapeau rouge ici est la présence de ces soldats également dans l'est de l'Ukraine, « prosque des combats réels ». Le président biélorusse Alexandre Loukachenko a exprimé son inquiétude quant à un risque élevé d'incidents militaires à la frontière entre la Biélorussie et l'Ukraine, et a ajouté que ce serait une « apocalypse » si Moscou représait les actions occidentales en utilisant des armes nucléaires.
Comme je l'ai écrit la semaine dernière, l'Occident peut jouer avec les mots, à la manière du chat de Schrödinger («conseillers, pas combattants » et « troupes européennes, pas troupes de l'OTAN ») autant qu'il le souhaite. Dans tous les cas, l'article 5 de l'OTAN, qui stipule qu'une « attaque armée » (contre un membre de l'OTAN) « sera considérée comme une attaque contre tous », est toujours contraignant. D'un point de vue occidental, si les États européens de l'OTAN envoient des troupes dans la zone de combat en Ukraine et que la Russie riposte en les attaquant alors que Washington ne fait rien, cela rendrait l'OTAN inutile et détruirait définitivement la crédibilité et la raison d'être de l'Alliance atlantique. Si en revanche, les États-Unis et/ou d'autres puissances européennes décident de faire monter la tension et riposter, alors on est plus près de l'« apocalypse ». Ce ne sont pas des scénarios positifs dans les deux cas.
Uriel Araujo
Lien vers l'article original:
The Deployment of NATO Combat Troops in Ukraine, "Arriving in Large Numbers"
Publié initialement sur le site Infobrics, le 29 avril 2024.
Traduit par Maya pour Mondialisation.ca
Image en vedette : InfoBrics
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Uriel Araujo est un chercheur spécialisé dans les conflits internationaux et à caractère « ethnique » (national). Il contribue régulièrement à Global Research.
La source originale de cet article est Mondialisation.ca
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