© Mikhaïl Terechchenko / RIA Novosti
Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, le 23 mai 2024 (photo d'illustration).
«Espérons que tôt ou tard des forces politiques apparaîtront en Ukraine, soucieuses des intérêts du peuple», a déclaré Sergueï Lavrov dans une interview à RIA Novosti publiée ce 30 mai.
Interrogé sur l'horizon d'un éventuel arrêt des opérations militaires en Ukraine, le chef de la diplomatie russe a estimé qu'un dialogue de paix avec Kiev restait pour l'heure «difficilement imaginable», dans la mesure où le «parti de la guerre» demeurait au pouvoir dans le pays. «Pour l'instant, il n'y a pas d'autre choix que de poursuivre l'opération militaire spéciale jusqu'à ce que ses objectifs soient atteints», a ajouté le ministre russe, qui était notamment relancé sur le fait que le mandat présidentiel de Volodymyr Zelensky avait expiré depuis le 20 mai dernier.
Également interrogé sur ce point, lors d'une conférence de presse à Minsk le 24 mai, Vladimir Poutine avait déclaré qu'il revenait à l'Ukraine de répondre elle-même à cette question de la légitimité de Volodymyr Zelensky, avant d'estimer le 28 mai que le Parlement ukrainien et le président de la Rada étaient selon lui les plus légitimes. La Russie se devait d'être «totalement sûre» d'avoir affaire à des autorités «légitimes» en cas de reprise des pourparlers de paix, avait ajouté le président russe.
Selon Sergueï Lavrov, il existe, «théoriquement» un moyen d'avancer plus vite vers une résolution politique du conflit : que l'Occident «cesse d'injecter des armes en Ukraine» et que Kiev cesse les hostilités. «Plus tôt cela se produira, plus tôt un règlement politique commencera», a-t-il ajouté, réitérant que la Russie demeurait ouverte aux négociations. «Cependant, il faut bien comprendre que nous parlons de paix et non d'une trêve. Cela ne sert à rien de laisser une pause à l'ennemi, dont il profitera à nouveau pour se regrouper et se réarmer», a précisé le ministre.
F-16 à Kiev : «Un signal délibéré de l'OTAN dans le domaine nucléaire»
«Le fait de doter le régime de Kiev d'armes de plus en plus destructrices témoigne du désintérêt de l'Occident à mettre fin au conflit», a-t-il encore dénoncé, interrogé sur la livraison de F-16 à l'Ukraine par des pays de l'OTAN.
«Ces avions seront détruits, comme d'autres types d'armes fournies à l'Ukraine par les pays de l'OTAN», a déclaré Sergueï Lavrov, réitérant son avertissement de juillet dernier selon lequel ces appareils étaient l'un des vecteurs du feu nucléaire américain. La fourniture à Kiev de ce modèle spécifique de chasseurs-bombardiers est ainsi à ses yeux «un signal délibéré de l'OTAN dans le domaine nucléaire».
Lavrov salue les efforts diplomatiques de Pékin
Celui-ci a également salué le positionnement de Pékin vis-à-vis du conflit ukrainien. Interrogé quant au fait que Moscou pourrait soutenir une initiative chinoise visant à réunir à la fois la Russie et l'Ukraine lors d'une conférence de paix, le ministre russe a répondu par l'affirmative, estimant que cela «s'inscrirait dans la continuité des efforts de Pékin pour résoudre la crise ukrainienne».
Depuis février 2023, la Chine a en effet proposé un document en 12 points afin de mettre un terme au conflit, appelant au respect de l'intégrité territoriale de tous les pays mais aussi à prendre en considération les exigences de sécurité russes. Moscou estime depuis que la Chine a compris les causes profondes du conflit et cherche à garantir «les intérêts légitimes de toutes les parties» afin de parvenir à un accord.
Des missiles FNI en Europe et dans le Pacifique ?
Au-delà de la crise ukrainienne, Moscou et Pékin perçoivent une même menace dans le déploiement de missiles américains de portée intermédiaire (FNI) dans leurs zones géographiques respectives. Interrogé sur un éventuel déploiement de ces armes en Europe, Sergueï Lavrov a estimé que ces dernières constitueraient «un sérieux défi en matière de sécurité», notamment parce que leur rayon d'action pourrait «couvrir les postes de commandement et les emplacements de nos forces nucléaires».
Le 27 mai, la Pologne a annoncé l'achat de missiles de croisière AGM-158B JASSM-ER auprès des États-Unis, d'une portée de 1 000 kilomètres. Missiles qui pourraient être livrés entre 2026 et 2030.
En novembre 2023, le commandant de l'armée américaine pour le Pacifique, le général Charles Flynn, avait annoncé «l'intention de déployer» en 2024 des missiles Tomahawks dans cette région du monde, sans préciser où exactement. Le Tomahawk peut parcourir jusqu'à 2 500 kilomètres.
«De telles actions déstabilisatrices des États-Unis représentaient une menace directe à la fois pour notre pays et pour la Chine», a dénoncé Sergueï Lavrov. «C'est pourquoi nous sommes convenus avec nos partenaires chinois d'accroître notre coopération pour contrecarrer le comportement irresponsable de Washington qui porte atteinte à la stabilité internationale», a-t-il poursuivi.