Par Tareq S. Hajjaj
Après avoir laissé un nombre limité de femmes, d'enfants et de personnes âgées rentrer dans le nord de Gaza, l'armée israélienne a ouvert le feu sur des milliers de réfugiés qui tentaient de faire de même.
Le dimanche 14 avril, à l'aube, des milliers de familles ont quitté le sud de Gaza et inondé le centre de la bande de Gaza, traversant les zones de Deir al-Balah et le camp de réfugiés de Nuseirat dans l'intention de se rendre plus au nord. Ils rentraient chez eux.
Ils portaient sur leur dos ce qui restait de leurs biens et se déplaçaient en plusieurs vagues le long de la route côtière de Gaza. Au milieu de la route, dans la foule, un jeune homme, Muhammad Sakher, 21 ans. Il hurle devant la caméra, expliquant qu'il a été étouffé psous les déplacements et la guerre, et que tout ce qu'il veut, c'est retourner chez lui, dans le nord de la bande de Gaza.
« Y a-t-il quelqu'un qui puisse nous comrendre ? Quelqu'un peut-il avoir pitié de nous et nous aider ? », dit-il à Mondoweiss avec indignation. « Nous voulons juste rentrer chez nous. Nous sommes des civils, nous n'avons rien à voir avec les combats. »
La foule qui l'entoure se met en route, effectuant la lente marche avec un mélange d'inquiétude et d'espoir. Mais juste avant qu'ils ne commencent à s'approcher du point de contrôle israélien de la rue al-Rashid, dans l'ouest de Gaza, les balles commencent à fuser, suivies d'obus de chars et de bombes larguées par des drones.
Les forces d'occupation israéliennes ont bombardé des Palestiniens déplacés qui tentaient de regagner le nord de la bande de Gaza par la rue Al Rasheed. pic.twitter.com/QC7hgEhR5o- Eye on Palestine (@EyeonPalestine)
The Israeli occupation forces bombed displaced Palestinians whilst they were trying to return to the north of Gaza Strip through Al Rasheed street.
Plus tôt dans la journée, des dizaines de familles avaient confirmé par téléphone à leurs proches dans le sud qu'elles avaient pu retraverser le nord de la bande de Gaza et retourner dans leurs anciens quartiers.
La nouvelle de la réussite de la première vague de retours s'est rapidement répandue parmi les familles déplacées, qui ont immédiatement plié bagage et repris le chemin du nord.
Peu après, ces mêmes foules repartaient en courant dans la direction d'où elles venaient, les balles volant au-dessus de leurs têtes.
« Nous voulons rentrer, même si nos maisons ne sont plus que des tas de décombres »
L'armée israélienne avait déjà appelé certaines familles de la région centrale de Gaza et leur avait ordonné de retourner vers le nord dimanche matin. Il s'agissait de la première vague de rapatriés qui ont quitté leurs camps de déplacés et ont pu atteindre le nord avant de téléphoner à leurs proches pour leur raconter ce qui s'était passé.
Lorsque des milliers d'autres ont tenté de faire de même, l'armée israélienne leur a tiré dessus. Ils n'avaient pas reçu d' « invitation ».
On ne dispose pas encore de détails sur le nombre de familles qui ont réussi à passer plus tôt, ni sur le nombre de personnes tuées ou blessées lors de la deuxième vague. Mais les rapports en provenance du nord confirment que la plupart des familles qui sont arrivées étaient des femmes, des enfants et des personnes âgées. Aucun homme n'a été autorisé à passer.
Intisar Madhoun, l'une des Palestiniennes déplacées qui ont quitté Deir al-Balah et se sont jointes aux vagues ultérieures de candidats au retour, a été forcée de retourner vers le sud alors qu'elle fuyait les tirs israéliens.
A bout de souffle, elle raconte à Mondoweiss qu'elle ne peut même pas se remettre sur ses pieds, la peur se lisant sur son visage. Alors qu'elle se tient debout et parle dans la rue al-Rashid, le bruit des tirs ne s'arrête pas.
« Je veux retourner chez moi, dans le nord, cela fait sept mois que nous sommes déplacés », dit-elle. « Nous ne pouvons plus continuer à vivre dans ces conditions. Chaque jour est pire que le précédent. Combien de temps cela va-t-il durer ? Nous mourons devant tout le monde, et personne ne peut nous aider ».
Intisar est mère de six enfants. Sa famille vit sous une tente à Deir al-Balah, dans le centre de Gaza. En novembre dernier, elle a fui son quartier dans la zone d'al-Zaytoun, à l'est de la ville de Gaza. Elle a appris plus tard que sa maison avait été bombardée. Elle veut y retourner malgré tout.
« Ce qui nous attend au nord, dans mon ancien quartier, vaut mieux que de rester sans abri », a-t-elle déclaré à Mondoweiss. « Je veux y retourner. Même si ma maison n'est plus qu'un tas de décombres, je vivrai à côté d'elle jusqu'à ce que nous la reconstruisions. Nous devons rentrer chez nous. »
Auteur : Tareq S. Hajjaj
* Tareq S. Hajjaj est un auteur et un membre de l'Union des écrivains palestiniens. Il a étudié la littérature anglaise à l' université Al-Azhar de Gaza. Il a débuté sa carrière dans le journalisme en 2015 en travaillant comme journaliste/traducteur au journal local Donia al-Watan, puis en écrivant en arabe et en anglais pour des organes internationaux tels que Elbadi, MEE et Al Monitor. Aujourd'hui, il écrit pour We Are Not Numbers et Mondoweiss.Son compte Twitter.
15 avril 2024 - Mondoweiss - Traduction : Chronique de Palestine