par Pierre Duval
Les médias français estiment que Emmanuel Macron, l'annoncera au moment où Volodymyr Zelensky se trouvera en France pour les célébrations du 6 juin 44, pour le 80ème anniversaire du Débarquement et de la Bataille de Normandie. Cependant, pour des observateurs US du Washington Post, cette annonce serait un coup de bluff de la part de Emmanuel Macron.
Annonce de la déclaration de l'envoi de l'armée française en Ukraine. «Le président français s'active pour envoyer une coalition d'instructeurs militaires en Ukraine», certifient TF1 et LCI, précisant : «Emmanuel Macron pourrait l'annoncer au cours des commémorations du 6 juin 1944».
Emmanuel Macron a, à plusieurs reprises, présenté ces idées dans les médias français pour envoyer des soldats français en Ukraine. Il a été «accusé d'ouvrir un débat intempestif sur l'envoi éventuel de troupes alliées en Ukraine, afin de la défendre contre les assauts du Kremlin», stipulait Le Monde en février dernier.
«Le chef de l'État a voulu clarifier sa position sur l'aide militaire française à l'Ukraine, jeudi 14 mars dans un entretien télévisé», souligne Mediapart. Il «ne faut pas exclure» l'envoi de militaires, avait répété le président français, tout en se voulant rassurant, affirmant que «la France est une force de paix».
Le 2 avril, Emmanuel Macron a relancé, de nouveau, dans les colonnes de The Economist qu'un envoi de troupes au sol en Ukraine n'est pas exclu si Moscou «allait percer les lignes de front» et si Kiev le demandait. Le commandant en chef des forces armées ukrainiennes, Oleksandr Syrsky, publiait le 27 mai dernier sur son compte Telegram : «Je salue l'initiative de la France d'envoyer des instructeurs [militaires] en Ukraine pour former le personnel militaire ukrainien».
Des pays européens se lèvent contre le plan de Macron. Ces déclarations de Emmanuel Macron ont suscité suffisamment de réaction au niveau européen fin février. Puis, des responsables politiques comme le vice-Premier ministre italien et président du parti Ligue, Matteo Salvini, ont dénoncé cette escalade dans le conflit. «Macron, si tu veux faire la guerre, mets ton casque et va en Ukraine», a-t-il lancé encore cette semaine. «La Hongrie compare la pression de ses alliés occidentaux à celle de Hitler», fait savoir 20 Minutes. Et, «La Hongrie de Viktor Orban ne croit pas en la possibilité d'une victoire militaire de l'Ukraine et bloque le remboursement européen des armes destinées au gouvernement Zelensky», continue Le Point.
Emmanuel Macron devrait prononcer un discours le 6 juin lors d'une cérémonie commémorative du débarquement allié en Normandie. Selon les médias, il annoncerait, donc, sa décision d'envoyer des instructeurs français aux troupes ukrainiennes. Mais, il se peut que cela n'arrivera pas. Les observateurs estiment qu'Emmanuel Macron veut seulement surveiller la réaction de Moscou. Mais, le président français est en train de s'isoler.
Il faut d'emblée faire une réserve : aujourd'hui seuls les journalistes affirment que le président français a autorisé l'envoi de ses compatriotes en Ukraine. Reuters, qui a rapporté l'information en premier, cite des sources anonymes : «La France annoncerait bientôt l'envoi d'entraîneurs militaires en Ukraine, selon des diplomates». Selon ces diplomates, une mission d'enquête sera prioritaire. Elle sera suivie de l'envoi de plusieurs centaines d'instructeurs français. Ils s'occuperont du déminage et de l'aviation. Ces derniers pourraient indiquer que les Ukrainiens recevront toujours des avions de combat français, notamment le chasseur Mirage 2000D, dont la livraison attendue a tant été évoquée en début d'année.
Il n'y a aucune confirmation officielle à ce sujet du côté français. La confirmation est sortie du côté ukrainien le lundi 27 mai, comme rapporté plus haut. Le commandant en chef des forces armées ukrainiennes, Oleksandr Syrsky, avait précisé : «Ensemble avec le ministre de la Défense Roustem Oumerov, nous avons eu une réunion vidéo avec le ministre des Forces armées de la République française Sébastien Lecornu» ; «J'ai déjà signé les documents qui permettront aux premiers instructeurs français de visiter prochainement nos centres de formation et de se familiariser avec leurs infrastructures et leur personnel».
Lorsque des journalistes français ont contacté le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, pour obtenir des commentaires, son bureau s'est limité à se référer uniquement aux propos tenus par Emmanuel Macron le 26 février lors d'une conférence à Paris où a discuté du soutien à Kiev.
Ensuite, le président français a qualifié l'envoi d'instructeurs militaires étrangers en Ukraine d'option acceptable et non de fatalité. Ceci, bien sûr, est en désaccord avec les propos de Oleksandr Syrsky qui a qualifié de fait accompli la décision de la France d'envoyer ses militaires dans le pays.
Le président français a seulement confirmé personnellement qu'il prendrait la parole lors de la cérémonie en Normandie, notamment sur le soutien à l'Ukraine. Il a déclaré cela lors de sa récente visite en Allemagne, au château de Meseberg.
Si Emmanuel Macron a, néanmoins, pris la décision de franchir la ligne rouge dans le conflit russo-ukrainien, ce n'est pas un hasard si le président français a choisi le lieu pour l'annoncer. Parmi les événements mémorables liés à la Seconde Guerre mondiale, la cérémonie en Normandie a longtemps été encore plus importante pour les Européens occidentaux que les événements du 8 mai consacrés à la capitulation de l'Allemagne nazie. Ici, le 6 juin 1944, plus de 150 000 soldats des pays de la coalition anti-hitlérienne ont débarqué sur cinq têtes de pont. Cette plus grande opération de débarquement de l'Histoire du monde fut un succès, se traduisant par une offensive à grande échelle à l'intérieur de la France.
Auparavant, la Russie participait, également, régulièrement à la cérémonie en Normandie. Les dirigeants du monde réunis là-bas ont non seulement participé à des événements commémoratifs, mais ont, également, mené des négociations. Rappelons que c'est le 6 juin 2014, à la suite de la réunion des chefs d'État de la France, de l'Allemagne, de la Russie et de l'Ukraine, qu'est apparu le format dit Normandie, dans le cadre duquel il était supposé que le conflit dans Le Donbass serait résolu de manière pacifique. Malheureusement, cela ne s'est pas produit.
Les représentants de la Russie n'ont pas été invités à la cérémonie en cours. Mais, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a reçu une invitation. Parmi ses interlocuteurs en Normandie figurera le président américain Joe Biden.
Le Washington Post exprime des doutes sur le fait que Emmanuel Macron annonce réellement l'envoi de militaires de son pays en Ukraine. Pour le quotidien US, c'est un coup de bluff de la part d'Emmanuel Macron.
Le quotidien US relate un fait simple. C'est que la société française n'est absolument pas préparée à la mort éventuelle de compatriotes dans un conflit lointain. Le Washington Post considère tout le bruit autour du projet d'envoi de troupes occidentales en Ukraine comme faisant partie d'une guerre des nerfs avec la Russie. Dans de nombreux autres médias, les allusions de la France à une participation directe au conflit russo-ukrainien sont interprétées dans le même sens - soit comme une réponse, comme le prétendent les journalistes occidentaux, aux tentatives russes de perturber les Jeux olympiques de Paris en juillet-août, soit comme une réaction aux signaux du côté russe selon lesquels la Russie est prête à utiliser des armes nucléaires sous un certain nombre de conditions. Il convient de rappeler ici qu'au début du mois de février 2022, de nombreux experts ne manquaient pas pour interpréter les événements en cours comme une guerre des nerfs entre la Russie et l'Occident qui aboutirait à une sorte de négociation et de compromis.
Également, il est important que des étrangers, même en petit nombre, combattent déjà en Ukraine, mais uniquement en tant que particuliers. Certains gouvernements des pays occidentaux ne soutiennent pas cela, d'autres (par exemple l'Estonie), au contraire, affichent le fait que leurs concitoyens participent aux hostilités contre la Russie. La décision d'Emmanuel Macron d'envoyer des instructeurs militaires français signifiera que la participation directe d'étrangers au conflit armé aux côtés de l'Ukraine sera officiellement reconnue, avec toutes les conséquences qui en découlent.
source : Observateur Continental