France-Soir
La présidente de la Confédération suisse, Viola Amherd et le conseiller fédéral suisse, Ignazio Cassis, s'adressent à la conférence de presse de clôture de la Suisse lors du sommet sur la paix en Ukraine, le 14 juin 2024
Les États membres de l'Union européenne (UE) espéraient vendredi se rendre au sommet de la paix en Ukraine, qui s'est déroulé ce weekend en Suisse, avec adopté sous le bras un 14e paquet de sanctions contre la Russie. Mais les responsables des 27 ne sont pas parvenus à un accord. Berlin a exprimé sa réticence quant à une clause visant à rendre les entreprises européennes, leurs filiales et leurs partenaires dans les pays tiers, responsables du contournement des sanctions par Moscou. Le sommet, qui a réuni quelque 90 délégations pour parvenir à un consensus entre les deux belligérants, a été l'occasion pour les participants de répondre à la proposition du président russe, Vladimir Poutine, exprimée quelques jours auparavant.
Vendredi dernier, les 27 pays de l'UE se réunissaient à Bruxelles pour se mettre d'accord sur un paquet de sanctions supplémentaire contre la Russie, moins de quatre mois après avoir adopté le précédent. Celui-ci, en vigueur depuis le 6 mars 2024, introduisait de nouveaux embargos économiques et militaires, ainsi que la poursuite des gels des avoirs et de nouvelles restrictions financières.
Berlin bloque les discussions
Le 14e paquet de sanctions était débattu depuis plus d'un mois. Il prévoyait une interdiction des transbordements de GNL russe, de l'accès aux ports européens pour les navires ayant "contribué à l'effort de guerre de la Russie", c'est-à-dire les transporteurs de marchandises à hauts revenus, les carburants dont les prix dépassent le seuil fixé par l'UE ou encore les produits technologiques liés à la défense et la sécurité. Jusque-là, ces dispositions faisaient l'unanimité, y compris pour Budapest, jugé "proche de Moscou" et qui a longtemps exprimé son opposition à cette nouvelle salve de sanctions.
Tout était bon pour adopter ce 14e paquet, avant le coup d'envoi du sommet de la paix en Ukraine. Or, une disposition du texte posait problème à l'Allemagne : le projet de rendre les entreprises de l'UE responsables des violations des sanctions faites par leurs filiales et partenaires les pays tiers.
Selon une agence de presse allemande, le gouvernement Scholz souhaite le retrait de cette partie avec l'établissement d'une liste précise de sociétés, de crainte que ses sociétés ne soient tenues responsables du contournement russe des sanctions. La question a été remise à l'ordre du jour de la réunion de vendredi. Les représentants des 27 devront se réunir, une fois de plus, mercredi, rapporte Reuters.
Ce report intervenait la veille de la tenue du Sommet sur la paix en Ukraine, qui s'est déroulé ce weekend en Suisse. L'objectif de cet événement, qui réunit environ 90 délégations, était de parvenir à un consensus, voire "un premier pas" vers la fin du conflit. Mais la Russie, partie prenante de la guerre, n'a pas été conviée. Son président, Vladimir Poutine, a néanmoins formulé vendredi une proposition de paix, avec comme base, la reddition de l'Ukraine et le retrait de ses troupes de quatre régions, à savoir Donetsk, Lougansk, Kherson et Zaporijjia, actuellement occupées par la Russie. Il est également question pour Kiev de renoncer à rejoindre l'OTAN, poursuit Poutine, qui affirme que le conflit cessera "à la minute même" où l'Ukraine acceptera ces conditions.
Kiev et les Occidentaux rejettent la proposition de Poutine
Sans surprise, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, soutenu par une dizaine de dirigeants occidentaux au sommet en Suisse, a rejeté ces exigences. La Russie et ses dirigeants "ne sont pas prêts à une paix juste", a-t-il déclaré hier. "Nous devons faire notre travail, ne pensons pas à la Russie, faisons ce que nous devons faire. Pour l'instant, la Russie et ses dirigeants ne sont pas prêts à une paix juste. C'est un fait", dit-il.
Son rejet a été soutenu par plusieurs dirigeants occidentaux. Pour Emmanuel Macron, la paix ne peut se faire à travers une "capitulation" de Kiev, appelant à "accroître la pression pour obtenir une trêve du côté russe". Le chancelier allemand, Olaf Scholz, estime que Moscou ne peut "dicter" la paix. "Il ne me semble pas particulièrement efficace, comme proposition de négociation, de dire à l'Ukraine qu'elle doit se retirer de l'Ukraine", a-t-il ironisé.
Pour Jens Stoltenberg, la proposition russe "signifie effectivement que la Russie atteindra ses objectifs de guerre en s'attendant à ce que l'Ukraine cède beaucoup plus de terres que ce que Moscou a pu occuper jusqu'à présent. Ce n'est donc pas une proposition de paix". Même son de cloche du côté de Washington. Le chef du Pentagone, Le secrétaire d'Etat américain à la Défense Lloyd Austin estime que Vladimir Poutine n'est "pas en position de dicter à l'Ukraine ce qu'elle doit faire pour parvenir à la paix". "C'est exactement le genre de comportement que nous ne voulons pas voir", a-t-il assuré devant la presse.
Le Kremlin pousse Kiev à "réfléchir" à cette proposition de paix, compte tenu de la situation au front. "La dynamique actuelle de la situation sur le front nous montre clairement qu'elle continuera à s'aggraver pour les Ukrainiens. Il est probable qu'un homme politique qui place les intérêts de la patrie au-dessus des siens et ceux de ses maîtres, réfléchirait à une telle proposition", a renchéri Dmitri Peskov, porte-parole du gouvernement russe.
Volodymyr Zelensky a affirmé samedi qu'il présentera des propositions de paix à la Russie "une fois qu'elles auront été agréées par la communauté internationale". "Lorsque le plan d'action sera sur la table, accepté par tous et transparent pour les peuples, alors il sera communiqué aux représentants de la Russie, afin que nous puissions vraiment mettre fin à la guerre", a-t-il promis, insistant sur la présence des dirigeants russes au prochain sommet.
Mais pour Piotr Tolstoï, vice-président de la Douma d'État, "c'était la dernière proposition de paix de notre part. La prochaine sera une proposition de capitulation".