Par Peggy Cidor à JÉRUSALEM
Les communautés du nord d'Israël n'ont guère été rassurées par l'armée, alors que le Hezbollah poursuit ses attaques en représailles à la guerre à Gaza
Les yeux de la plupart des Israéliens sont rivés vers le sud. À l'affût de nouvelles de l'insaisissable chef du Hamas, Yahya Sinwar. Ils entendent les appels des familles d'Israéliens captifs dans la bande de Gaza, suppliant le gouvernement israélien d'accepter un accord en vue de leur libération.
Pourtant, en ces froides journées d'hiver, la frontière nord avec le Liban chauffe dangereusement de jour en jour.
Officiellement, le gouvernement israélien et le Premier ministre Benyamin Netanyahou ont fait savoir qu'ils n'avaient pas l'intention d'ouvrir un autre front militaire et d'entrer en conflit avec le Hezbollah, le mouvement armé libanais qui est engagé dans des escarmouches avec Israël depuis quatre mois, en conséquence de la guerre à Gaza.
Jusqu'à présent, les attaques israéliennes ont tué au moins 280 personnes au Liban, dont 44 civils et plus de 200 combattants du Hezbollah. Les tirs israéliens ont atteint des cibles situées jusqu'à 60 km au cœur du Liban et ont ciblé l'est du pays pour la première fois lundi 26 février, tuant deux membres du Hezbollah.
Pendant ce temps, les tirs quotidiens de roquettes et de missiles depuis les positions du Hezbollah continuent de faire des dégâts en Israël, où un soldat de 20 ans servant dans le commandement nord de l'armée a récemment été tué.
Depuis lundi, les attaques du Hezbollah ont tué dix soldats israéliens et six civils. Les attaques du groupe semblent viser des bases israéliennes et reposer sur des renseignements solides.
Mais qui souhaite vraiment une guerre totale avec le Liban, y compris une opération terrestre, plus de vingt ans après le retrait d'Israël de ce pays sous le gouvernement d'Ehud Barak ?
L'opinion publique israélienne semble encline à soutenir une offensive militaire contre le Hezbollah.
Selon un sondage d'opinion réalisé par le quotidien Maariv et publié le 16 février, 71 % des personnes interrogées sont favorables à une action militaire visant à éloigner le Hezbollah de la frontière, tandis que 17 % soutiennent l'approche d'« endiguement » de l'armée à l'égard du groupe.
Un autre sondage, réalisé par l' Israel Democracy Institute entre le 12 et le 15 février, a montré qu'une petite majorité de répondants juifs était favorable à une offensive totale contre le Hezbollah, tandis qu'une grande majorité de répondants arabes était favorable à un accord politique de médiation internationale pour mettre fin aux hostilités. Toutefois, lorsque l'échantillon juif est ventilé en fonction de l'orientation politique, les répondants de gauche sont favorables à un accord politique, alors qu'une solide majorité des répondants de droite soutiennent une solution militaire.
Messages contradictoires de l'armée
Les directeurs des autorités locales des localités du nord d'Israël, représentant 120 000 résidents du nord, se sont réunis pour discuter de la situation la semaine dernière, en présence du chef d'état-major de l'armée, Herzi Halevi. Ils représentaient des localités qui avaient été évacuées sur ordre de l'armée ou dont les habitants avaient pris la décision unilatérale de partir pour protéger leur vie.
Amit Sofer, président du conseil régional de Marom Hagalil, a déclaré lors d'une conférence de presse organisée à l'issue de la réunion que les participants avaient reçu des messages contradictoires de la part de l'armée, qui attendait d'eux qu'ils retournent chez eux, même en l'absence d'un plan clair visant à les protéger des attaques transfrontalières menées par le Hezbollah.
Herzi Halevi a invité les habitants à rentrer chez eux tout en leur disant que l'armée se préparait à la guerre dans le nord. Cependant, selon Amit Sofer, les communautés du nord d'Israël ne sont pas convaincues qu'elles peuvent rentrer en toute sécurité avant que l'armée israélienne ne neutralise de manière significative la menace de la force d'élite Radwan du Hezbollah près de la frontière. « Si cette force reste intacte, nous ne pouvons pas exclure un autre 7 octobre », a-t-il déclaré.
« Personne - ni nous, ni le Hezbollah, ni l'Iran, ni les États-Unis, et certainement pas les Libanais eux-mêmes - n'est intéressé par une guerre totale en ce moment »- Giora Iland, armée israélienne
Des chercheurs israéliens et d'anciens militaires ne semblent pas particulièrement optimistes quant à la désescalade.
Le major général de réserve Giora Iland, qui était à la tête du Conseil national de sécurité pendant la deuxième guerre du Liban en 2006, ne s'est pas montré très optimiste quant à un accord de cessez-le-feu avec le Hezbollah.
« Je pense qu'il y a une probabilité que cela réussisse. Je ne lui accorde pas beaucoup de chances, mais elle n'est pas non plus négligeable, de l'ordre de 30 % », a-t-il déclaré à des journalistes israéliens.
« Cela est principalement dû au fait que personne - ni nous, ni le Hezbollah, ni l'Iran, ni les États-Unis, et certainement pas les Libanais eux-mêmes - n'est vraiment intéressé par une guerre totale en ce moment », a-t-il ajouté.
La France, qui entretient des liens historiques avec le Liban, est récemment intervenue en proposant de mettre fin au conflit. Cette proposition, qui aurait été présentée sous la forme d'un document écrit au gouvernement libanais au début du mois, prévoit le retrait des combattants du Hezbollah à une distance d'au moins 10 kilomètres de la frontière.
Le document, élaboré pour prévenir un conflit potentiellement incontrôlable, envisage un « cessez-le-feu potentiel » et, par la suite, l'ouverture de discussions sur la démarcation de la frontière terrestre entre le Liban et Israël. Le plan n'a pas encore obtenu l'approbation ou le feu vert des pays concernés, y compris Israël.
L'ambassadeur de France au Liban, Hervé Magro, a réaffirmé le 12 février que son pays « reste engagé aux côtés du Liban » dans cette crise.
Hervé Magro a insisté sur la volonté de la France d'éviter une escalade régionale qui serait catastrophique pour le pays, reconnaissant le rôle déterminant de Paris dans le maintien de la stabilité du Sud-Liban, notamment par sa contribution à la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies sur le retrait israélien du Liban en 2006.
Une guerre ne profitera pas au Hezbollah
Selon Giora Iland, le Hezbollah ne s'arrêtera pas unilatéralement. Il a besoin de recevoir quelque chose en retour, pour justifier le retrait vis-à-vis de ses partisans.
Giora Iland a ajouté que l'une des raisons pour lesquelles le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, pourrait accepter un accord de cessez-le-feu est qu'une guerre ne viserait pas seulement le groupe, mais le Liban dans son ensemble, y compris l'infrastructure de l'État.
« Une guerre pourrait détruire des quartiers et des districts entiers à Beyrouth », a-t-il indiqué.
Israël a mené des raids et occupé Beyrouth dans les années 1980, pendant la guerre civile libanaise, et assiégé la moitié ouest de la ville à la recherche de combattants palestiniens. L'invasion a tué des milliers de civils et constitue l'un des événements les plus dévastateurs de l'histoire moderne du Liban.
« Pour quelqu'un qui se définit comme un patriote libanais, défenseur du Liban, Nasrallah comprend que des destructions aussi importantes, alors que le pays se trouve déjà dans une situation difficile, lui seront reprochées par l'ensemble de la société libanaise, y compris par sa propre communauté », a souligné Giora Iland.
Traduit de l'anglais ( original).
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