Lauriane Bernard, France-Soir
Les coups de sang des agriculteurs contre la grande distribution ne datent pas d'hier : ici à Rennes, le 25 février 2021.
Damien Meyer / AFP
FRANCE - Le 16 janvier, plusieurs syndicats d'agriculteurs en Occitanie et dans le Vaucluse ont appelé à une mobilisation. En cause : les prix payés par la grande distribution.
Le syndicat des jeunes agriculteurs du Vaucluse et les agriculteurs de la FDSEA 84 ainsi que la FRSEA Occitanie avaient appelé à une journée de mobilisation le 16 janvier. Rassemblés dès neuf heures du matin devant la Chambre d'agriculture d'Avignon, les manifestants ont ensuite pris le chemin de la préfecture pour y présenter leurs revendications.
"Ça suffit, on ne peut plus continuer comme ça "
Sophie Vache, présidente de la FDSEA 84, nous explique que "les industriels annoncent des prix à la baisse de 10 à 15 % sur certains produits dans la grande distribution. Ils récupèrent les marges sur les agriculteurs ". Avant de prévenir : "Si les négociations se passent mal, on ira voir une centrale d'achats ou un supermarché. Ça suffit, on ne peut plus continuer comme ça, vendre à perte, on est le seul secteur où on laisse faire ça sans rien dire."
Elle se montre d'ailleurs particulièrement inquiète sur la situation des paysans de son département : "Il y a vraiment des agriculteurs désespérés. Même la viticulture, qui porte habituellement la région, décroche". La représentante syndicale confie que "beaucoup n'ont plus rien à perdre".
Elle remarque aussi que certains prennent des "initiatives personnelles " en marge des manifestations. Bien que son syndicat ait invité les manifestants à se disperser à la sortie de la préfecture aux alentours de 15 heures, quelques-uns ont décidé de prendre d'assaut un magasin Auchan situé à quelques kilomètres de là.
Face à cette colère grandissante, un embrasement "à l'allemande" est-il envisageable ? A cette question, la présidente de la FDSEA 84 répond que les agriculteurs français n'ont "pas les mêmes revendications. Les Allemands "sont inquiets à propos du gazole non routier (GNR). Il y a un écart de presque 50 centimes sur les coûts du carburant par rapport à la France", précise-t-elle.
Cependant, elle admet, en fin de compte, que la racine du problème reste la même, quel que soit le pays : "Lorsqu'un agriculteur parvient à vendre ses produits à un prix juste et à en vivre, il est en mesure d'absorber les normes et les contraintes. Mais lorsque plus rien ne fonctionne, cela devient impossible et cela déclenche les manifestations."
Un mouvement national n'est pas à l'ordre du jour pour l'instant
Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA, pense, lui, que le ferment des révoltes actuelles réside plutôt dans "l'incompréhension grandissante entre la réalité et la pratique du métier des agriculteurs sur le terrain, et des décisions administratives centralisées." Du reste, le syndicaliste a bien fait la différence entre la situation de l'Allemagne et celle de la France lorsqu'il a présenté ses vœux à la presse le 10 janvier dernier.
Tout d'abord, parce que la FNSEA a réussi à négocier une détaxation progressive du diesel agricole, sur six ans, assortie de compensations. Le gouvernement d'Olaf Scholz a lui concédé une détaxe sur trois ans. Ensuite, le mouvement "On marche sur la tête !", initié début novembre, a conduit l'ancien Premier ministre Elisabeth Borne à suspendre deux taxes.
C'est pourquoi la FNSEA n'a pas prévu de prendre part au mouvement allemand, même si, en soutien, la FDSEA 67 a été autorisée à participer à la manifestation du 9 janvier outre-Rhin. L'organisation d'un nouveau mouvement national n'est pas non plus à l'ordre du jour pour l'instant. Mais si les raisons diffèrent, la colère "de la base " en France monte, comme en Allemagne il y a quelques semaines...