31/01/2012 mondialisation.ca  8min #62877

 Les disciples de Goebbels à l'oeuvre contre la Syrie

Syrie : d'I-télé à Bfm, émulation dans la désinformation

par Louis Denghien

Harold Hyman from BFMTV : une autre grande voix de la désinformation d'inspiration américaine d'expression française

Ré-informer c'est, ipso facto, dénoncer la désonformation. Et désigner les désinformateurs. Nous avons donc déjà eu l'occasion de nous intéresser à quelques uns d'entre eux : Georges Malbrunot du Figaro fut longtemps une de nos têtes de Turc (pardon aux opposants à Erdogan) avant de mériter ponctuellement notre indulgence par deux ou trois articles marqués du sceau d'une certaine objectivité. Plus récemment, nous nous sommes intéressés au cas d'Olivier Ravanello, « officier traitant » de la Syrie chez I-Télé, chaine (dés)info de Canal + (voir notre article « La réjouissante angoisse d'Olivier Ravanello », mis en ligne le 17 janvier).

Eh bien nous revenons à lui, suite à sa prestation dans la « Grande édition » du journal d'I-Télé, lundi 30 à 22 heures 30 : tout en prétendant ou en suggérant que Damas était menacée par l'ASL, Ravanelllo s'est surtout « lâché » sur la réunion de mardi au Conseil de sécurité, supputant les chances du texte d'être adopté – l'espoir fait vivre – spéculant notamment sur l'abstention de la Chine, et désignant la Russie comme le mouton noir de la communauté internationale parce qu'elle a pris la tête des Etats opposés aux manoeuvres occidentales au Proche-Orient – crime inexpiable aux yeux de bobos néoconservateurs comme Ravanello. Et le commissaire géopolitique d'I-Télé d'énumérer les fautes du régime syrien, en contravention avec les exigences du plan de paix arabe : l'armée syrienne, notamment, a poursuivi la répression et n'est pas rentrée dans les casernes : pour laisser la voix libre à l'ASL et autres gangs armés qui harcèlent les forces de l'ordre et souvent aussi les civils ? Apparemment Ravanello ne se pose pas cette question. Pourtant il a reconnu une ou deux minutes plus tôt que les forces syriennes se battaient durement contre des insurgés... Mieux, ou pire, il tente par une allusion de faire porter la responsabilité de la mort à Homs du journaliste de France 2 Gilles Jacquier sur le pouvoir syrien, alors que l'implication d'un groupe d'insurgés dans ce drame a été reconnu par des opposants d'Homs et jusqu'au Figaro !

Mais ni la logique ni l'honnêteté intellectuelle n'ont quelque chose à faire avec cet exercice de bourrage de crâne, qui consiste à répéter inlassablement son catéchisme simpliste et mensonger. Que Ravanello le fasse par conviction ou carriérisme, c'est secondaire. En tout cas il n'a pas changé depuis notre précédent article : formaté il était, formaté – et formateur – il demeure...

Harold Hyman ou la désinformation made in USA

Sur la chaîne concurrente BFM, Olivier Ravanello s'est cependant trouvé un concurrent redoutable en matière de désinformation d'inspiration atlantiste : lundi soir, le présentateur de service du journal de BFM consulte le spécialiste maison, Harod Hyman, exact homologue de Ravanello : en bras de chemise et bretelles, à l'américaine, avec d'ailleurs l'accent anglo-saxon, Hyman se livre à l'aide d'une carte à un cours de géopolitique nettement orienté « à l'ouest ». Citant Alain Juppé il explique que la répression du régime était naguère « violente, perverse mais contrôlée«, et qu'à présent elle est « violente, perverse et incontrôlée ». Heureusement, l'ASL poursuit vaillamment sa mission de « défense des manifestants » syriens « de plus en plus attaqués par l'armée » de Bachar. Et Hyman d'agiter ses bras de chemise pour souligner la gravité de l'heure.

Le présentateur lui donne la réplique comme un compère, soulignant que le régime n'a tenu aucun compte de la venue des observateurs arabes : c'est faux, et le rapport de la mission arabe souligne au contraire que le régime en question a globalement coopéré avec la mission de la Ligue arabe, quand les groupes d'opposition maintenaient un climat permanent de violence. Mais un présentateur de journal télévisé moderne et français a bien autre chose à faire que de vérifier ses sources et de respecter un minimum de cohérence et d'honnêteté intellectuelle. Harold Hyman en tout cas saisit la perche tendue et confirme la mauvaise volonté des autorités syriennes dans toute cette affaire. Et profère aussitôt une inexactitude qui en dit long sur son sérieux ou son intégrité : évoquant la mission arabe en Syrie, il dit que les observateurs n'étaient qu »'une cinquantaine « ou un peu plus«, et « qu'un tiers s'est déjà retiré » : faux encore, ils étaient un peu plus de 160, dont une vingtaine ont effectivement démissionné pour des raisons plus souvent personnelles que politiques, suivis ensuite par une dizaine de Séoudiens retirés par leur gouvernement, eux-mêmes suivis de leurs collègues issus des autres monarchies du Golfe. Et contrairement à ce qu'affirme Hyman avec un aplomb digne des plus grands faussaires néo-conservateurs américains, cette cinquantaine d'observateurs issus du Golfe ne se sont pas retirés parce qu'ils « ne pouvaient pas travailler correctement » – le rapport de la mission dit au contraire que le gouvernement syrien leur a laissé une assez grande liberté de mouvements – mais parce que leurs gouvernement anti-syriens les ont rappelés.

Harold Hyman, très à l'aise dans ses bottes de belliciste pro-américain, évoque le refus du gouvernement syrien d'accepter le dernier plan de paix arabe – sans préciser qu'il réclamait comme préalable le départ de Bachar – et il passe au Conseil de sécurité, saluant les « quelques pays qui travaillent d'arrache-pied pour mettre fin à toute cette répression«, à savoir la France et les Etats-Unis. La France qui, souligne le compère présentateur, « va jouer un rôle moteur » le lendemain au Conseil de sécurité. Hyman confirme, tout en suggérant tout de même que ce rôle moteur lui a sans doute été « délégué » par les Etats-Unis. Mais, malgré toute sa fougue atlantiste et anti-syrienne, Harold Hyman est bien obligé de conclure que la Russie et et la Chine devraient bloquer cette dernière manoeuvre de ses amis occidentaux. Ouf !

Précisons qu'Harod Hyman est américain – français par sa mère – et a débuté sa carrière comme correspondant de journaux américains à Paris, avant de devenir entre autre choses, collaborateur du Courrier International, une des nombreuses voix françaises du néoconservatisme made in USA et du sionisme. Plus récemment, sur son blog, il explique qu'en Afghanistan l'OTAN et les Occidentaux « peuvent inverser le cours des événements en leur faveur«, ce qui nous dispense de plus amples commentaires sur le type de journalisme qu'il pratique. A ce propos, on se demande – enfin, façon de parler – ce qu'un « spécialiste » dans son genre a pu dire sur l'Irak de Saddam Hussein dans une vie antérieure...

On ne peut naturellement que frémir quand on voit dans quelles mains est tombée l'information sur la plupart de nos médias audiovisuels : contre-vérités, intox, simplifications et manichéisme, suivisme aveugle de la ligne éditoriale défini par un ou deux journaux « de référence » et les gouvernements occidentaux : ces gens-là, en dépit de leurs poses de professionnels revenus de toutes les propagandes, n'ont rien appris ni rien oublié des précédents irakiens, afghan, libyen. Pour certains, il n'était d'ailleurs pas question d'apprendre, puisqu'ils s'inscrivent dans un combat idéologique pro-américain et/ou pro-israélien. Quant aux autres, ils sont aux ordres, sans même qu'on leur donne d'ordres ! L'air qu'ils respirent dans leurs rédactions leur dicte leur attitude. En France notamment – en France surtout ? – le journalisme est malade d'une forme post-moderne de stalinisme !

Afghanistan, décembre 2010 : Hyman "embedded" avec ses compatriotes et amis de l'US Army

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