K. Selim/K. Habib - Le Quotidien d'Oran
Cet exercice oratoire exprime la quintessence même de la politique américaine : un simple copié-collé de la politique israélienne.
Du réchauffé chez Obama
par K. Selim
Les présidents américains ne sont jamais surprenants quand ils discourent sur le monde arabe.... La seule vraie différence réside dans l'éloquence du locataire de la Maison-Blanche. Quand deux piliers - des dictatures - de la politique américaine tombent à la suite de manifestations populaires, il n'y a rien de surprenant à entendre Barack Obama évoquer un soutien aux peuples.
Encore que le soutien paraît circonscrit aux « républiques ». Une condamnation pour Kadhafi, une sommation pour Al-Assad et une demi-admonestation pour le Bahreïn - qui est une base américaine -, mais pas une seule allusion à l'Arabie Saoudite, qui mérite pourtant bien plus que d'autres les lumières de la réforme.
C'est au fond un rewriting du discours, sans lendemain, du Caire où Barack Obama tentait de démontrer un changement par rapport à George W. Bush. Tout un chacun a constaté que le président américain était naturellement velléitaire et tous ont obtenu la confirmation que les intérêts d'Israël structurent la politique américaine dans la région. Et celle-ci, à ce jour, aura toujours tendance à préférer des autocraties malléables à des systèmes démocratiques réellement représentatifs.
Le soutien américain aux dictatures arabes n'a jamais été de pure opportunité, il s'agit bien d'une orientation stratégique. De ce point de vue, les professions de foi démocratique du président américain n'ont guère de chance de convaincre. Dans le meilleur des cas, cela constitue une adaptation du discours américain au contexte arabe actuel. En tout état de cause, les opinions arabes ne se font aucune illusion. Elles jugent, à juste titre, un président américain sur ce qu'il dit et ce qu'il fait à l'égard des Palestiniens, ceux-là mêmes qui subissent le plus la politique injuste des Américains. Et Barack Obama a déjà perdu le capital de sympathie dont il bénéficiait au départ en se soumettant ostensiblement au lobby pro-israélien.
Les communicateurs du président américain le savent parfaitement et il leur fallait, pour accompagner ces temps « printaniers », un petit tour de passe-passe rhétorique pour susciter un semblant de nouveauté. Ils ont cru le trouver en évoquant la création d'un État palestinien sur la base des lignes de démarcation de 1967. Dans un effort remarquable de marketing, la presse occidentale et israélienne tente de présenter la chose comme étant un défi à Israël, alors qu'il n'en est absolument rien. Les frontières de 1967 ne sont pas une invention de M. Obama.
Mais l'emphase de l'annonce n'a d'autre but que de signifier la détermination de Washington à s'opposer à l'initiative des Palestiniens de faire reconnaître leur État par l'Assemblée générale des Nations unies et pour dénoncer la réconciliation entre le Hamas et le Fatah.
Cet exercice oratoire exprime la quintessence même de la politique américaine : un simple copié-collé de la politique israélienne. Les Palestiniens doivent s'abstenir de déplaire aux Israéliens et « négocier » sans fin avec eux sous le faux parrainage des Américains. Et, bien entendu, les Palestiniens doivent se faire la guerre et rester divisés.
Sur la Palestine, l'éloquente prestation de M. Obama sentait le réchauffé. Et la Palestine, même si les Occidentaux préfèrent s'aveugler, est l'un des moteurs des révoltes arabes.
Un discours pas très convaincant
par Kharroubi Habib
Du discours qu'il a adressé jeudi au monde arabe à « un moment où les habitants du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord se débarrassent des fardeaux du passé », l'on retiendra que le président Barack Obama a promis un changement d'approche des États-Unis envers la région et qu'il s'est pour la première fois prononcé en faveur d'un État palestinien sur la base des frontières de 1967.
Le changement d'approche promis peut, aux yeux de certains, sembler être déjà engagé au vu du soutien, en paroles du moins, que l'administration d'Obama prodigue aux manifestants depuis le début, il y a six mois, de la vague de révoltes populaires arabes. Mais les peuples arabes ont des raisons de douter que le changement promis tienne compte de leurs véritables aspirations.
Là où leur révolte a abouti à la chute de leur despote et de son régime, ces peuples se rendent compte que les États-Unis oeuvrent en sous-main à l'instauration de pouvoirs qui, tout en démocratisant quelque peu la vie politique, se garderont de remettre en cause les intérêts géostratégiques américains dans la région, tels que définis par Washington. Des intérêts qui ont été cause pour les peuples concernés de décennies de dictatures cyniquement appuyées ou tolérées par ces mêmes États-Unis qui prônent la démocratie et le respect des aspirations populaires. Et qui font que l'Amérique continue à fermer les yeux sur les agissements de dictatures là où ces intérêts sont vitaux pour elle. En Arabie Saoudite par exemple, pour ne citer que le cas le plus flagrant.
S'ils ne nient pas avoir besoin du soutien américain dans leur lutte contre leurs régimes pourris, les peuples arabes sont légitimement fondés à persister dans la méfiance qu'ils nourrissent à l'égard des États-Unis. Son discours de jeudi n'est pas le premier que Barack Obama a adressé au monde arabe. Dans les précédents, il avait aussi promis la révision de la politique américaine dans la région. Rien pourtant de fondamentalement innovant n'est intervenu dans cette politique ; il a fallu que les peuples de la région entrent en révolte contre les régimes en place pour que Washington exerce des pressions de quelque portée sur ces derniers pour les pousser à prendre en compte les revendications populaires.
Autant dire que la promesse faite dans son dernier discours par Obama sera reçue par les peuples arabes avec beaucoup de détachement et de scepticisme.
Ainsi les Palestiniens, à qui il a annoncé que l'Amérique est en faveur de leur État basé sur les frontières de 1967, attendront pour se féliciter de sa déclaration les résultats de sa rencontre à Washington avec le Premier ministre israélien. Habitués qu'ils sont de voir le président américain revenir sur ses engagements à leur égard après chaque rencontre avec le dirigeant palestinien ou quand les lobbys juifs expriment leurs désaccords avec ces engagements.
Ce qu'il faut déduire du discours d'Obama au monde arabe, c'est que le président américain a conscience que le « printemps arabe » est porté par l'aspiration démocratique ; il n'est pas pourtant américanophile. Et pour que les États-Unis soient amicalement perçus dans le monde arabe, il leur faut faire plus que se déclarer favorables aux révoltes populaires.
Barack Obama veut-il ou peut-il aller plus loin dans ce sens, alors que l'establishment américain considère qu'une vraie démocratisation du monde arabe est contraire aux intérêts nationaux de l'Amérique ? On en doute.
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