24/12/2025 lesakerfrancophone.fr  7min #299859

 «La Bce refuse de garantir le prêt de 140 milliards d'euros à l'Ukraine»

Le vol des « actifs russes » a échoué mais les va-t-en-guerres européens s'emparent quand même de l'argent des autres

Par  Moon of Alabama - Le 20 décembre 2025

Le 10 septembre, lors de  son discours sur l'état de l'Union européenne, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avait introduit l'idée de voler les avoirs de l'État russe qui sont actuellement gelés en Europe en vertu des sanctions de l'UE :

C'est la guerre de la Russie. Et c'est la Russie qui devrait payer.

C'est pourquoi nous devons travailler d'urgence à une nouvelle solution pour financer l'effort de guerre de l'Ukraine sur la base des actifs russes immobilisés. Avec les soldes de trésorerie associés à ces actifs russes, nous pouvons accorder à l'Ukraine un prêt pour réparations. Les actifs eux-mêmes ne seront pas touchés. Et le risque devra être porté collectivement. L'Ukraine ne remboursera le prêt qu'une fois que la Russie aura payé les réparations. L'argent aidera déjà l'Ukraine aujourd'hui.

L'idée était trop illégale et stupide pour obtenir beaucoup de faveurs. Mais lorsque le chancelier allemand Friedrich Merz a commencé à la soutenir, d'autres ont repris le thème. Dans un éditorial du 26 septembre du Financial Times,  Merz a soutenu l'idée ( archivé) mais a proposé que tout l'argent dépensé dans le cadre du plan aille aux propriétaires d'usines d'armes européennes :

Pour l'Allemagne, il est important que ces fonds supplémentaires soient uniquement utilisés pour financer l'équipement militaire de l'Ukraine, et non à des fins budgétaires générales. Les paiements doivent être versés par tranches. Les États membres et l'Ukraine détermineraient conjointement quel matériel sera acheté. À mon avis, un programme aussi complet doit également contribuer à renforcer et à développer l'industrie européenne de la défense.

Merz voulait que le keynésianisme militaire, qui "est une politique économique basée sur la position selon laquelle le gouvernement devrait augmenter les dépenses militaires pour stimuler la croissance économique", pousse à la croissance économique. Habituellement, les gouvernements doivent s'endetter davantage pour financer de tels efforts. Mais Merz a déjà dépassé les limites budgétaires et l'augmentation de la dette n'est pas quelque chose que les électeurs allemands soutiennent.

Utiliser les avoirs russes pour le keynésianisme militaire n'est qu'un déguisement. La Russie était et est toujours susceptible de gagner le conflit en Ukraine et le vainqueur d'une guerre ne paie pas de réparations. Lorsque la guerre sera terminée, les avoirs gelés de la Russie devront être restitués à leur propriétaire. Tout « prêt » à une Ukraine en faillite, basé sur des actifs russes ou non, devra donc être payé par les contribuables européens. C'est pourquoi j'ai titré :

 Une autre idée folle sur la façon de voler les avoirs russes : faire payer les contribuables de l'UE pour cela - MoA, le 26 Septembre 2025

La plupart des avoirs russes sont gelés en Belgique et c'est le Premier ministre belge Bart De Wever qui a immédiatement  rejeté l'idée :

S'exprimant en marge de l'Assemblée générale des Nations Unies, M. De Wever a déclaré que la proposition du chancelier Merz "ne passera jamais". Le Premier ministre belge soutient que la saisie des avoirs de la banque centrale d'un pays tiers créerait un dangereux précédent

« Si les pays voient que la monnaie de la banque centrale peut disparaître lorsque les politiciens européens le jugeront bon, ils pourraient décider de retirer leurs réserves de la zone euro«.

Malgré la résistance envers cette idée et ses problèmes, Ursula et Merz ont passé trois mois à la mettre en avant.

Ils ont menacé Bruxelles, lancé une campagne de propagande antirusse et ont inventé un  faux raisonnement juridique pour justifier leur tentative du plus  grand braquage de banque de l'histoire.

Malgré tout cela, jeudi 18 décembre,  leur plan a échoué :

Les gouvernements européens n'ont pas réussi à parvenir à un accord sur l'utilisation des avoirs gelés de l'État russe en Ukraine après un sommet de 16 heures à Bruxelles, un revers majeur pour le chancelier allemand Friedrich Merz et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.

Les pays ont plutôt été contraints de s'entendre sur un plan de sauvegarde d'urgence basé sur la dette commune de l'UE, projet qui a été poussé pendant des semaines par le Premier ministre belge Bart De Wever et a été considéré comme le bon plan jusqu'à quelques heures avant la conclusion de l'accord. Dans un nouveau coup porté à l'unité de l'UE, trois pays ― la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque ― n'y participeront pas.

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Bien que l'accord permette à tout le monde de revendiquer la victoire, ce n'était pas la solution que l'Allemagne et la Commission avaient préconisée à l'approche de ce sommet.

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Pendant des semaines, l'exécutif européen et Berlin ont fait pression sur les pays membres pour qu'ils mettent au point un plan controversé visant à utiliser jusqu'à 210 milliards d'euros d'avoirs gelés de l'État russe pour financer l'Ukraine. De Wever a assuré une fois de plus que cela ne s'était pas produit, après avoir déjà fait dérailler le système d'actifs russes lors d'un précédent sommet en octobre.

Au lieu de cela, les dirigeants ont convenu d'emprunter conjointement 90 milliards d'euros pour financer un prêt à l'Ukraine sur deux ans. Cela sera garanti par le budget commun de l'UE.

Le plan initial était de prélever 135 milliards d'euros sur les actifs russes, dont 45 milliards d'euros seraient utilisés par l'Ukraine pour rembourser un prêt plus ancien qu'elle avait reçu de l'UE. 90 milliards d'euros iraient ainsi au budget de l'Ukraine.

Le nouveau plan est de donner à l'Ukraine 90 milliards d'euros. La part qui devra être utilisée pour rembourser l'ancien prêt à l'UE n'a pas encore été mentionnée. Se pourrait-il que l'UE doive payer pour un total de 135 milliards d'euros ? Pourquoi personne n'a rien dit à ce sujet ?

L'Ukraine n'aura à rembourser le nouveau prêt que si la Russie accepte de payer des réparations à l'Ukraine.  Comme le note le Premier ministre Viktor Orban de Hongrie :

Pour que cet argent soit un jour récupéré, la Russie devra être vaincue. Ce n'est pas une logique de paix mais une logique de guerre. Un prêt de guerre rend inévitablement ses financiers intéressés par la poursuite et l'escalade du conflit, car une défaite signifierait également une perte financière. À partir de ce moment, il ne s'agit plus seulement de décisions politiques ou morales, mais de contraintes financières dures qui poussent l'Europe dans une seule direction : la guerre.

La logique de guerre bruxelloise s'intensifie donc. Elle ne ralentit pas, ne s'atténue pas, mais s'institutionnalise. Le risque est aujourd'hui plus grand que jamais, car la poursuite de la guerre est désormais couplée à un intérêt financier.

Comme la Russie ne peut pas être vaincue par le reste de l'Europe (même avec le soutien des États-Unis), les 90 milliards d'euros devront être payés par les contribuables de l'UE. On se demande comment les parlements nationaux d'États déjà débordés (voir la France) vont gérer cette question.

Ce n'est pas le seul problème avec le nouveau prêt. Aucun détail n'a encore été précisé sur la manière dont il sera structuré ou financé. Les conclusions officielles de la réunion de l'UE sont inquiétantes :

Le Conseil européen reviendra sur cette question lors de sa prochaine réunion.

Il est donc peu probable que ce soit la dernière fois que des conflits au sein de l'UE sur les « prêts » à l'Ukraine éclatent.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

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