par Alfredo Jalife-Rahme
L'Occident n'a toujours pas perçu le développement de l'Asie. Il reste fixé sur des certitudes passés. Ainsi, il croit toujours pouvoir opposer l'Inde et la Chine. Il n'attache pas d'attention au sommet qui a réuni le président Russe, Vladimir Poutine, et le Premier ministre indien, Narendra Modi. Il ne relève donc pas la constitution d'un nouveau pôle de pouvoir, le RIC (Russie/Inde/Chine).

© Prime Minister of India Office
L'Inde est un pays de symboles où chaque événement est porteur de significations obscurcies par la guerre de propagande menée par « l'Occident ». Il est pertinent de présenter le résumé en 10 points du Hindustan Times concernant la visite historique du tsar Vladimir Poutine au Premier ministre indien, Narendra Modi, porte-parole du parti au pouvoir, le Bharatiya Janata, tel que présenté dans l'article [1] :
1) Narendra Modi a déclaré que l'Inde n'était pas neutre, mais bien du côté de la paix en Ukraine ;
2) Poutine a affirmé que « la Russie et l'Inde entretiennent des relations dans les domaines militaire, spatial, de l'intelligence artificielle et autres » ;
3) « les deux dirigeants ont participé au 23e sommet Russie-Inde » ;
4) ils ont signé un mémorandum d'entente dans le secteur portuaire et du transport maritime ;
5) « les deux pays sont convenu d'approfondir leur coopération sur les trois corridors suivants :
- Corridor de transport Nord-Sud (INSTC),
- Corridor maritime oriental Chennai-Vladivostok
- et Route maritime nordique » ;
6) Narendra Modi a déclaré que « leur priorité commune est de hisser le partenariat économique russo-indien à de nouveaux sommets » ;
7) la promotion du tourisme russe, pour laquelle Narendra Modi a annoncé le lancement d'un visa touristique électronique de 30 jours pour les citoyens russes ;
8) Poutine a fait une déclaration courageuse alors que les États-Unis font pression sur l'Inde pour qu'elle cesse d'acheter du pétrole russe. Il a déclaré que les livraisons de carburant à l'Inde se poursuivraient sans interruption : « La Russie est un fournisseur fiable de pétrole, de gaz, de charbon et de tout ce qui est nécessaire au développement énergétique de l'Inde. Nous sommes prêts à maintenir ces livraisons pour soutenir la croissance rapide de l'économie indienne. »
9) Narendra Modi a annoncé l'ouverture de discussions en vue d'un accord de libre-échange entre l'Inde et l'Union économique eurasienne.
10) Poutine s'est rendu à Rajghat, où il a déposé une gerbe au pied du monument à la mémoire de Mahatma Gandhi.
À mon avis, l'accès de la Russie à l'océan Indien, véritable « mer chaude », est l'évolution la plus marquante. La position de l'Iran, qui entretient d'excellentes relations avec la Russie et l'Inde, n'est pas passée inaperçue. Le pays a notamment déclaré que « Poutine et Modi ont signé des accords historiques pour consolider un partenariat stratégique » [2]. Cet accord aura des répercussions importantes, du golfe Persique - où l'Inde accueille une importante population migrante - jusqu'en Afrique du Sud. Il convient également de noter que « Poutine a souligné que la Russie et l'Inde adoptent progressivement leurs monnaies nationales respectives pour leurs transactions bilatérales, leur part de marché dans les échanges commerciaux atteignant déjà 96 % », et que des canaux stables de coopération en matière de crédit, de finance et d'interbancaire ont été mis en place.
Contrairement au boycott des médias occidentaux, le Global Times reconnaît l'importance historique de la visite de Vladimir Poutine en Inde, où le président russe a déclaré que « l'Inde et la Chine sont des amies proches » [3]. Ceux qui s'accrochent à une vision dépassée de la Guerre froide passeront à côté des nouvelles orientations géostratégiques de l'ère post-Pokrovsk (par exemple, la défaite stratégique de l'OTAN et de l'Union européenne face à la Russie). Selon l'agence de presse indienne Press Trust of India, « la Russie et l'Inde ont dévoilé vendredi un plan quinquennal visant à renforcer leur partenariat économique et commercial face aux droits de douane et aux sanctions punitives imposés par Washington ».
Le concept géostratégique du RIC (Russie/Inde/Chine), élaboré par l'ancien Premier ministre Evgueni Primakov durant les heures les plus sombres de l'effondrement de l'Union soviétique, demeure plus pertinent que jamais. Le Global Times rappelle la présence simultanée de Poutine et de Modi à Tianjin lors du sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS), qui a de facto imposé un G3 entre Pékin, Moscou et Delhi, dans un contexte de transition irréversible vers un monde multipolaire et polycentrique. En attendant la visite de Trump en Chine en avril, quelle sera la nature de la relation entre la Russie et l'Inde : un « partenariat privilégié » ou un « G2 » ? Les deux. La dynamique mondiale évolue vers un nouvel ordre tripolaire, voire quadripolaire [4]
Traduction
Maria Poumier
Source
La Jornada (Mexique)
Le plus important quotidien en langue espagnole au monde.
[1] « From trade to tourism : Key takeaways from Putin's 2-day India visit », Hindustan Times, December 6, 2025.
[2] « Putin, Modi sign landmark deals to cement strategic partnership », PressTV, December 5, 2025.
[3] « Russia, India move to boost ties amid Putin's visit », Liu Caiyu, Global Times, December 5, 2025.
[4] Trilema global : nuevo orden tetrapolar, fractura bipolar biosférica, guerra nuclear, Alfredo Jalife-Rahme, Grupo Editor Orfila ValentiniI (2025), ISBN : 9786078879250.