
Par Karim pour BettBeatMedia, le 4 décembre 2025
La diffamation sioniste de Mme Rachel démontre que l'amour et la haine ne peuvent coexister dans notre système économique.
"Notre société ne laisse d'autre choix que devenir agresseur ou être victime d'abus. C'est quoi, ce monde de fous ?" - Alon Mizrahi.
En regardant la dernière vidéo d'Alon Mizrahi sur Mme Rachel, j'ai été frappé par l'écho à mon article d'il y a trois semaines sur le lien entre la pédophilie et le capitalisme. Ses réflexions ont clarifié quelque chose qui me taraude : nous avons conçu une civilisation qui confond la cruauté et la force, l'exploitation et la créativité, l'indifférence et la sensibilité. Au fond, le capitalisme exige l'anéantissement pur et simple de l'empathie humaine. Il nous contraint à considérer les autres non pas comme des compagnons de route dans cette brève existence, mais comme des obstacles, des concurrents ou des sources de profit à exploiter et à mettre au rebut.
La récente diffamation dont a été victime Mme Rachel, une éducatrice qui a osé faire preuve de compassion envers des enfants palestiniens, révèle l'hostilité fondamentale de notre ordre socio-économique vis-à-vis de l'amour. Son péché ne relève pas de l'activisme politique ou d'une rhétorique radicale. Son crime a été de montrer que la bienveillance, plutôt que le pouvoir, pourrait servir de principe régulateur à la société humaine.
Le sionisme déteste l'amour
Mme Rachel s'est imposée dans l'univers du capitalisme sans renier son humanité. Elle se crée un public, génère des revenus, crée du contenu, mais elle le fait par amour sincère pour les enfants. Tous les enfants. Même les enfants palestiniens incinérés à Gaza. Une telle attitude représente une menace existentielle pour un système fondé sur l'empathie sélective et la haine organisée.
Dimitri Lascaris et moi-même avons récemment exploré comment le sionisme repose fondamentalement sur une haine permanente et nous pousse à vivre dans un perpétuel climat d'animosité mutuelle pour maintenir une emprise sur le pouvoir. Comme l'a observé avec perspicacité l'analyste Alon Mizrahi, Mme Rachel incarne l'archétype ancestral de la féminité, tout ce que l'idéologie sioniste cherche à détruire. Mais on peut aller encore plus loin : cette menace provient non seulement de la féminité, mais aussi de l'amour lui-même. L'amour, dans sa forme la plus pure et inconditionnelle, est l'ennemi existentiel du sionisme et de toutes les cultures impérialistes occidentales.
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Ces idéologies ne peuvent survivre dans un environnement où les êtres humains reconnaissent leur interdépendance fondamentale et où l'empathie traverse librement les frontières artificielles que sont la race, la religion et la nationalité. Que Mme Rachel aime les enfants palestiniens comme elle aime tous les enfants sur cette terre remet en cause une vision du monde qui nous incite à compartimenter notre compassion, à aimer de manière sélective et à réserver le meilleur de nous-mêmes uniquement à ceux jugés dignes de l'être par les systèmes de pouvoir.
Le capitalisme a toujours eu besoin d'ennemis. Il exige que nous craignions et méprisions ceux que nous pourrions sinon aimer, car la solidarité entre les exploités menace les marges bénéficiaires. La même logique impériale justifiant le bombardement de pêcheurs vénézuéliens pour le seul crime d'exister à proximité de réserves de pétrole exige aussi que nous déshumanisions les Palestiniens pour financer leur extermination en toute quiétude. Il ne s'agit pas de phénomènes distincts, mais de manifestations d'un même principe organisateur.
"Dans le monde capitaliste, un homme ne pleure jamais, il se met en colère, et c'est pour ça que nous l'aimons".
Le capitalisme aime l'abus
Le système nous apprend à vénérer ceux qui démontrent un pouvoir de nuisance considérable. Jeffrey Epstein n'était pas une anomalie, mais un exemple de réussite capitaliste par excellence. Il a accumulé une fortune colossale en monnayant la souffrance humaine, transformant la vulnérabilité en profit. Les puissants ne se sont pas associés à lui en dépit de sa nature prédatrice. Ils ont au contraire afflué précisément pour cette raison. Il incarnait leur fantasme le plus profond, le pouvoir de consommer les autres en toute impunité. Rien de surprenant donc à ce que les pédophiles soient souvent les capitalistes les plus prospères. L'île d'Epstein en regorgeait.
On retrouve cette même dynamique à tous les niveaux de la société. Nous célébrons les PDG qui réduisent les prestations de santé, qualifiant la démarche de "sens des responsabilités". Nous applaudissons les politiciens qui séparent les familles aux frontières, sous prétexte de "fermeté envers l'immigration". Nous vénérons les entrepreneurs qui tirent profit des prisons privées, louant leur "sens des affaires". Nos divertissements sont imprégnés de ces mêmes valeurs : nous aimons les héros de cinéma qui violentent tous ceux qui ne sont pas d'accord avec eux, nous consommons de la pornographie où les femmes sont violées et humiliées, et nos jeux vidéo nous invitent à manier épées et armes à feu pour infliger un maximum de carnage. Le fil conducteur est toujours le même : le succès se mesure à l'aune des souffrances infligées.
Le mythe de la suprématie blanche remplit la même fonction. Il fournit un cadre moral autorisant à considérer certains êtres humains comme intrinsèquement insignifiants et inférieurs, légitimant ainsi leur exploitation plutôt que d'y voir un acte criminel. Le racisme n'est pas un sous-produit regrettable du capitalisme. Il en est l'infrastructure essentielle. Sans lui, les travailleurs risqueraient d'identifier leurs intérêts communs au-delà des frontières ethniques et d'exiger une répartition plus équitable des ressources.
Le patriarcat fonctionne selon un mécanisme identique. Il enseigne que pour être un homme, un individu doit être capable de dominer, contrôler et asservir les autres, en particulier les femmes et les enfants. Dans la culture capitaliste, "l'homme qui réussit" s'illustre par sa capacité à s'affranchir de ses émotions, sa volonté de privilégier le profit aux relations humaines, et sa propension à percevoir les relations comme des transactions.
Dans le monde capitaliste, un homme ne pleure jamais, il se met en colère, et c'est pour ça que nous l'aimons.
Le capitalisme déteste l'empathie.
Le sionisme en est peut-être l'incarnation la plus pure. Il exige un soutien inconditionnel à un projet impliquant le déplacement et le massacre perpétuels des populations autochtones. Toute forme de compassion pour la souffrance des Palestiniens, y compris pour les enfants, passe pour une hérésie. Cette idéologie ne peut tolérer aucune revendication concurrente en matière d'humanité, car elle repose sur une hiérarchie figée des valeurs.
C'est la raison pour laquelle les propos de Mme Rachel, qui a simplement reconnu que les enfants palestiniens sont dignes de vivre dans la dignité, ont déclenché une réaction aussi violente. Elle a rappelé que l'amour ne connaît ni frontières, ni barrières ethniques ou religieuses. Les enfants qui pleurent de faim à Gaza sont semblables à ceux qui souffrent de la faim ailleurs. Leur souffrance n'est pas moins grave. Leurs rêves sont tout aussi précieux.
Mais le capitalisme ne saurait survivre au principe d'une égalité de préoccupation aussi radicale. Il exige une empathie sélective, réservée à ceux jugés dignes par les lois du marché et les intérêts impérialistes. Il requiert que nous envisagions la souffrance à travers le prisme de la nationalité, de la race et de la classe sociale plutôt que sous l'angle de l'humanité universelle.
Notre système économique est fondamentalement incompatible avec l'amour, car l'amour ne saurait coexister avec l'exploitation. On ne peut pas à la fois se soucier de quelqu'un et tirer profit de sa misère. On ne peut pas aimer son prochain tout en soutenant des politiques qui asservissent ses enfants. Valoriser la dignité humaine en défendant des systèmes conçus pour briser l'esprit humain tient du paradoxe.
Comme Bell Hooks l'a reconnu tout au long de ses écrits, l'amour n'est pas qu'une émotion, c'est l'arme par excellence contre ce qu'elle a appelé notre "patriarcat capitaliste, impérialiste et suprémaciste blanc".
Il ne s'agit pas que de simples préférences ou orientations politiques. La question va au-delà de la politique électorale ou des programmes législatifs. Nous assistons à une guerre spirituelle entre deux visions incompatibles de la condition humaine : l'une fondée sur l'entraide et l'épanouissement collectif, l'autre sur le consumérisme compétitif et le profit individuel.
Mme Rachel incarne la première de ces visions, celle qui nous permet d'envisager une société fondée sur la bienveillance plutôt que l'exploitation, sur l'abondance plutôt que le manque, sur l'amour plutôt que la peur. Elle démontre qu'il est possible d'agir autrement, que le succès n'implique pas nécessairement de renoncer à la décence humaine fondamentale. Songez un instant à quel point notre espèce pourrait connaître le bonheur.
Le capitalisme redoute le bonheur
Le bonheur terrifie les profiteurs de l'ordre actuel. Si les gens se mettent à penser que l'amour est plus fort que les lois du marché, que l'entraide est plus puissante que la concurrence et que la solidarité peut vaincre les systèmes conçus pour nous diviser, c'est tout notre système de cruauté organisée - le capitalisme moderne -qui risque de s'effondrer.
Notre choix consiste donc soit à continuer à vouer un culte à la quête effrénée du profit, à célébrer les plus grands prédateurs, à ériger en modèle une culture qui confond psychopathie et réussite, soit nous souvenir que nous avons été créés pour aimer, que nos satisfactions les plus authentiques proviennent de relations humaines plutôt que de conquêtes, et qu'une vie bien vécue se mesure non pas à l'aune de ce que nous avons extorqué aux autres, mais à la beauté laissée en héritage en ce monde.
Mme Rachel a fait un choix radical, celui de l'amour, dans un système conçu pour valoriser la haine. Sa punition illustre tout ce que nous devons savoir sur les forces qui régissent aujourd'hui notre société, et celles qu'il nous faut promouvoir pour espérer survivre.
Traduit par Spirit of Free Speech