Par Kit Klarenberg
Cette année, l'anniversaire du 11 septembre est passé inaperçu dans les médias grand public. Près de deux décennies et demi après l'attentat, les médias semblent avoir perdu tout intérêt pour cette journée fatidique qui a changé le cours de l'histoire. Et ce, malgré la publication en avril 2023 d'un document judiciaire explosif par le Bureau des Commissions militaires, qui concluait que deux des pirates de l'air présumés au moins étaient des agents de la CIA, recrutés "via un intermédiaire" des services du renseignement saoudiens. Ce document apporte également des éclaircissements sur la manière dont la Commission du 11 septembre a étouffé cette affaire, ainsi que d'autres vérités gênantes.
Philip Zelikow, président de la commission, a joué un rôle central dans cette dissimulation. Dana Leseman, enquêtrice de la commission surnommée "CS-2" dans le dossier, a déclaré aux représentants du Bureau des commissions militaires, l'organe juridique chargé de superviser les poursuites contre les accusés du 11 septembre, que Zelikow a systématiquement cherché à "étouffer" les enquêtes sur l'implication de l'Arabie saoudite dans les attentats. Officiellement chargée d'enquêter sur "le lien potentiel" entre Riyad et les attentats du 11 septembre, Leseman n'a pas pu mener à bien sa mission, car Zelikow en a décidé autrement.
Il a notamment bloqué les requêtes de Lemman concernant l'audition de certaines personnes et l'obtention de documents susceptibles de faire la lumière sur ce que savait Riyad, voire sur sa participation active aux attentats du 11 septembre — et, par extension, sur ce que savait la CIA. Zelikow contrôlait par ailleurs de manière exclusive l'identité des personnes que la Commission pouvait interroger ainsi que les sujets abordés, restreignant considérablement le nombre de témoins entendus et de preuves examinées.
En avril 2003, Leseman a été licenciée par Zelikow après avoir obtenu un index classifié de l'enquête conjointe de la Chambre et du Sénat sur le 11 septembre, "provenant d'une source autre que les canaux officiels". Cet index répertoriait des documents sensibles détenus par le FBI et d'autres agences gouvernementales américaines, détaillant l'"implication présumée de l'Arabie saoudite dans les attentats du 11 septembre". Bien qu'il ne s'agisse que d'une "violation mineure de la sécurité", Zelikow a licencié Leseman sur-le-champ et a saisi l'index. Son renvoi n'a pas été divulgué à l'époque, et aucun autre membre du personnel n'a été autorisé à consulter le document par la suite.
Télécharger la Déclaration de Canestraro datée du 20 juillet 2021 – 7,53 Mo ∙ Fichier PDF
Dans un autre passage du dossier, Richard Clarke, le coordinateur de la lutte antiterroriste de l'administration Clinton, qui accuse depuis longtemps la CIA d'avoir entretenu des relations avec certains des pirates de l'air présumés, a déclaré aux enquêteurs que Zelikow a spécialement été choisi par Condoleezza Rice, conseillère à la sécurité nationale de George W. Bush,
"afin d'éviter de nuire à l'administration Bush en bloquant les investigations de la commission sur les liens avec l'Arabie saoudite".
Il a également affirmé être convaincu que les opérations d'infiltration d'Al-Qaïda menées par l'Arabie saoudite ont sans doute été orchestrées par des agents de la CIA haut placés, et que la plupart des documents relatifs à cette mission top secrète ont été détruits pour étouffer l'affaire. Plus révélateur encore, Clarke raconte qu'après avoir exprimé publiquement son opinion selon laquelle la CIA "menait une opération sous faux drapeau pour recruter les pirates de l'air", il a reçu un appel virulent de George Tenet, directeur de la CIA au moment des attentats du 11 septembre. Mais malgré sa colère, Tenet "n'a pas nié cette allégation".
"Action préventive"
La nomination de Philip Zelikow à la tête de la Commission d'enquête sur les attentats du 11 septembre résulte d'une procédure très complexe. Au départ, l'administration Bush a rejeté avec virulence la demande massive du public en faveur d'une enquête officielle sur les attentats. Ce n'est qu'en novembre 2002 que la Commission a finalement été créée, mais à contrecœur. Son premier directeur, Henry Kissinger, a démissionné quelques semaines plus tard en raison de conflits d'intérêts. L'une des questions délicates portait sur d'éventuels liens avec des Saoudiens, notamment des membres de la famille Ben Laden.
Philip Zelikow
À l'époque, de nombreux conflits d'intérêts concernant Zelikow étaient déjà notoires.
D'autres n'ont émergé qu'une fois la commission mise en place. Il entretenait d'une part une relation de longue date avec Condoleezza Rice et faisait partie de l'équipe de transition de George W. Bush, supervisant la mise en place du Conseil national de sécurité de la nouvelle administration. Ce processus a entraîné la rétrogradation du groupe de sécurité antiterroriste de la Maison Blanche et l'éviction de son chef, Richard Clarke, qui se sont traduites par une multiplication des obstacles bureaucratiques entre lui et les hauts fonctionnaires du gouvernement.
En janvier 2000, un rapport secret rédigé par l'équipe de Clarke a conclu que les services du renseignement américain étaient mal préparés pour faire face à une menace terroriste intérieure majeure et croissante. Il proposait 18 recommandations, accompagnées de 16 propositions de financement, pour "affaiblir significativement" Al-Qaïda. Ces conclusions ont été ignorées par l'administration Bush. De nombreuses notes rédigées par Clarke par la suite, réclamant avec insistance l'organisation de réunions de haut niveau pour discuter d'Al-Qaïda et définir des stratégies de lutte contre le groupe au niveau national et international, sont également restées sans réponse.
En septembre 2002, l'administration Bush a soumis au Congrès un document de 31 pages intitulé "Stratégie de sécurité nationale des États-Unis". Ce document présentait un programme très clair de lutte contre le terrorisme naissant, prévoyant une augmentation massive des dépenses militaires américaines et appelant Washington à "agir de manière préventive" contre les "États voyous", comme par exemple l'Irak. Bien que signé par le président, ce document incendiaire a été rédigé en secret par Zelikow lui-même.
Sa paternité n'a été révélée à la Commission qu'à la fin de l'enquête, incitant plusieurs membres clés du personnel et un commissaire à menacer de démissionner. Les dirigeants de l'organisme, Thomas Kean et Lee Hamilton, affirment ne pas avoir été informés de cette nomination. Les deux hommes ont par la suite accusé la Commission d'avoir sciemment été mise en place pour échouer. L'ouverture des enquêtes a été très tardive, en partie à cause de diverses questions de financement. La Commission s'est initialement vu attribuer la modeste somme de 3 millions de dollars pour mener à bien sa mission.
En revanche, une enquête menée en parallèle sur le crash de la navette spatiale Columbia, qui n'avait fait "que" sept morts, s'est vu accorder 50 millions de dollars. En mars 2003, suite aux demandes répétées de ses membres, la Commission s'est vu allouer 9 millions de dollars supplémentaires, soit 2 millions de moins que ce qui a été requis. Trois mois après le début d'une enquête qui devait durer 16 mois, et avant même qu'une seule audience n'ait été convoquée, Zelikow a produit un plan complet du rapport final de la Commission.
Le rapport définitif, publié en juillet 2004, suivait de très près le scénario établi par Zelikow. Entre-temps, il a personnellement réécrit plusieurs déclarations initialement soumises par les membres du personnel, influençant ainsi les conclusions du rapport. Dans l' un des cas, il a modifié une déclaration pour insinuer fortement, sans porter d'accusation directe, que Saddam Hussein et Al-Qaïda auraient entretenu des liens, au grand dam des auteurs de la déclaration. Cette affirmation mensongère a été fréquemment reprise par les responsables de la Maison Blanche pour justifier l'invasion illégale de l'Irak par les Anglo-Américains en 2003.
En octobre de la même année, la Commission a déterminé que le NORAD [Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord]— qui, par coïncidence, organisait un exercice de simulation le 11 septembre, dont le scénario était presque identique aux attentats — a dissimulé certaines informations. Les enquêteurs ont cherché à assigner le ministère de la Défense à comparaître, mais Zelikow est intervenu pour les en empêcher. Au printemps suivant, les commissaires, exaspérés par les mensonges éhontés des responsables de l'Autorité fédérale de l'aviation et du Pentagone, ont envisagé de les poursuivre pour entrave à la justice. Zelikow a de nouveau manigancé pour faire échouer la démarche.
https://ecp.yusercontent.com/mail?url=https%3A%2F%2Fsubstackcdn.com%2Fimage%2Fyoutube%2Fw_728%2Cc_limit%2Fl_youtube_play_qyqt8q%2Cw_120%2FDYBhgEm3j7A&t=1763388208&ymreqid=e7f713cf-f126-5847-1cc7-49000201aa00&sig=BqvYusqA6bsAsXQrGIinSQ--~D
"Les Saoudiens"
Malgré les obstructions de Zelikow, les enquêteurs de la Commission d'enquête sur les attentats du 11 septembre ont découvert plusieurs pistes reliant l'Arabie saoudite — et donc la CIA — aux attentats. Le dossier du Bureau des commissions militaires révèle qu'un enquêteur, "CS-1", a interrogé à deux reprises le religieux radical et diplomate saoudien Fahad Thumairy dans les locaux du gouvernement à Riyad. Il a été interrogé sur ses relations avec Nawaf Hazmi et Khalid Mihdhar, deux pirates de l'air présumés dont l'implication dans les attentats a été confirmée, ainsi qu'avec Omar Bayoumi, largement soupçonné d'avoir supervisé leurs activités.
Des agents des services de sécurité saoudiens étaient présents lors de ces interrogatoires et CS-1 a estimé que Thumairy n'avait pas été tout à fait franc. Bien qu'il parle couramment l'anglais, il a demandé que les questions "sensibles" soient traduites en arabe. CS-1 a estimé que ce comportement indiquait que Thumairy avait "menti". Il aurait également "paru nerveux" à l'évocation de ses relations avec Omar Bayoumi.
Bayoumi a rencontré Hazmi et Midhar dans un restaurant de l'aéroport de Los Angeles dès son arrivée aux États-Unis, avant d'entretnir des liens étroits avec eux. Selon le dossier de Dana Leseman, le FBI enquêtait sur Bayoumi avant les attentats du 11 septembre et il affirme qu'il "recevait des sommes d'argent substantielles de l'ambassade saoudienne à Washington DC". Ces fonds étaient secrètement transférés depuis les comptes d'Haifa bin Faisal, l'épouse de Bandar bin Sultan, ambassadeur de Riyad aux États-Unis.
Avant de se faire licencier, Mme Leseman a révélé que Bayoumi occupait plusieurs emplois "fictifs" aux États-Unis, rémunéré par un employeur sans obligation de se présenter réellement sur son lieu de travail. L'un de ces emplois "fictifs" concernait la société saoudienne Ercan, où il ne se rendait que rarement. Le dossier indique que, deux mois après la rencontre entre Bayoumi et Hazmi et Midhar, le salaire mensuel de ce dernier chez Ercan est passé de 465 à 3 700 dollars.
Mme Leseman était convaincue que Fahad Thumairy était "un agent du renseignement travaillant pour le gouvernement saoudien". En mai 2003, Fahad Thumairy s'est vu refuser l'entrée aux États-Unis, soupçonné de liens avec le terrorisme, sans pour autant avoir été arrêté ni interrogé sur le sujet. Ce n'est que 13 ans plus tard que John Lehman, ancien membre de la commission d'enquête sur le 11 septembre, a levé le voile en admettant que l'enquête avait révélé
"une très forte implication de ressortissants saoudiens — dont certains étaient des employés du gouvernement — dans le soutien aux pirates de l'air".
Afin de garantir que l'implication de Riyad dans les attentats du 11 septembre ne soit pas révélée au grand public, Zelikow a très efficacement protégé Alec Station, l'unité de la CIA chargée de traquer Oussama Ben Laden. Cette unité a finalement supervisé l'opération visant à recruter Hazmi et Midhar, ainsi que d' autres présumés pirates de l'air par l'intermédiaire des Saoudiens, sans qu'ils soient soumis à la moindre surveillance ou à la moindre répercussion. Parallèlement, les membres de cette unité ont aidé Zelikow à dissimuler les faits. Ils ont été promus depuis les attentats à pa supervision du programme de torture de la CIA après le 11 septembre.
"Des mesures draconiennes"
L' enquête menée par la commission sénatoriale du renseignement sur le programme de torture a révélé que les "interrogatoires renforcés" de la CIA n'ont permis d'obtenir aucune information utile. Dans de nombreux cas, les détenus ont "inventé" des informations, disant à leurs interrogateurs ce qu'ils voulaient entendre afin de limiter les mauvais traitements. Le recours à des techniques perfectionnées dans le cadre du programme de contrôle mental MKULTRA de l'Agence suggère que l'obtention de faux témoignages peut être un objectif délibéré de la CIA. Ces fausses révélations pouvaient être utilisées pour justifier la guerre contre le terrorisme, tout en dissimulant le recrutement par Alec Station des pirates de l'air présumés du 11 septembre.
Les détenus de la "guerre contre le terrorisme" de la CIA
Zelikow aurait également influencé les questions posées aux détenus de la CIA, et donc les réponses obtenues. En 2008, un responsable anonyme des services du renseignement américains a révélé que la Commission était autorisée à fournir à la CIA des questions à poser aux prisonniers. Son rapport final s'est largement appuyé sur les interrogatoires de la CIA, Zelikow admettant que "l'essentiel, sinon la quasi-totalité" du récit officiel des attentats du 11 septembre est basée sur des informations obtenues sous la torture. En d'autres termes, des "inventions et des mensonges politiquement opportuns".
Ce récit frauduleux perdure aujourd'hui sans être remis en question par les médias et une grande partie du public. Le silence quasi général des médias grand public sur le contenu explosif du dossier indique clairement que la dissimulation des attentats du 11 septembre est toujours d'actualité avec la complicité des médias. Depuis la publication du rapport de la Commission, Zelikow s'est fait oublier, les nombreuses controverses publiques autour de son rôle de directeur exécutif ayant été oubliées. Pourtant, tout porte à croire qu'il en sait bien plus qu'il ne l'a révélé à l'époque où il dirigeait la Commission.
En novembre 1998, il a coécrit un article pour la revue Foreign Affairs du Council on Foreign Relations. Il y prédisait une attaque terroriste dévastatrice aux États-Unis dans un avenir proche, telle que la destruction du World Trade Center.
"Un tel acte de terrorisme catastrophique constituerait un tournant dans l'histoire américaine", affirmait-il. "Comme Pearl Harbor, un tel drame instaurerait pour notre pays un avant et un après".
Il a ensuite décrit avec précision tout ce qui s'est produit le 11 septembre :
"Les États-Unis pourraient réagir par des mesures draconiennes, en restreignant les libertés civiles, en autorisant une surveillance plus étendue des citoyens, en détenant des suspects et en recourant à la riposte armée. D'autres violences pourraient alors suivre, qu'il s'agisse de nouvelles attaques terroristes ou de contre-attaques américaines. Avec le recul, les Américains condamneraient leurs dirigeants pour leur négligence à ne pas avoir traité le terrorisme avec plus de fermeté. Le plus grand risque serait que la menace soit ignorée par l'une des nombreuses juridictions du gouvernement, comme la distinction entre terrorisme ‘étranger' et ‘intérieur' ou entre ‘application de la loi' et ‘sécurité nationale'".
Kit Klarenberg
Article original en anglais : Court Filing Exposes 9/11 Coverup, Global Delinquents, le 17 novembre 2025.
Traduit par Spirit of Free Speech
La source originale de cet article est Global Delinquents
Copyright © Kit Klarenberg, Global Delinquents, 2025
Par Kit Klarenberg
