M.A.
Trump
CABALLERO-REYNOLDS AFP
Malgré le très controversé accord signé entre Ursula von der Leyen et Donald Trump fin juillet dernier, les tensions persistent entre Bruxelles et Washington. La Commission européenne dit encore attendre que les États-Unis appliquent leurs engagements en matière de droits douaniers, rejetant les critiques selon lesquelles l'institution européenne a fait preuve de faiblesse en suspendant ses mesures de rétorsion. Le président américain, de son côté, menace de relever les droits de douanes à 35 % si les entreprises européennes ne respectaient pas l'engagement d'investir 600 milliards de dollars aux États-Unis.
L'accord commercial entre l'Union européenne et les États-Unis a été signé le 27 juillet 2025 à Turnberry, en Écosse, lors d'une rencontre entre Ursula von der Leyen et Donald Trump. Ce compromis faisait suite à plusieurs mois de tension et visait à éviter une escalade tarifaire qui menaçait d'alourdir les droits de douane américains à 30 % sur les exportations européennes.
Trump attend ses 1400 milliards, Bruxelles ses exemptions douanières
L'accord prévoit principalement l'imposition d'un droit de douane uniforme de 15 % sur la majorité des produits européens exportés vers les États-Unis, dont l'industrie automobile et les médicaments. Certains secteurs stratégiques bénéficient d'exemptions, en particulier l'aéronautique, les matières premières et certains produits chimiques ou pharmaceutiques. Sur le plan énergétique, l'UE s'engage à réaliser 750 milliards de dollars d'achats de produits énergétiques américains sur trois ans (gaz, pétrole, combustibles nucléaires) afin de réduire sa dépendance à l'énergie russe. S'ajoutent à cela des engagements d'investissements européens aux États-Unis, à hauteur de 600 milliards de dollars, ainsi que des achats d'armes américaines pour plusieurs "centaines de milliards" de dollars.
L'accueil de l'accord a été contrasté à travers l'Europe. Du côté de Bruxelles, la présidente de la Commission européenne a salué un "bon compromis", arguant que la stabilité et la prévisibilité étaient des apports majeurs pour les opérateurs économiques. Plusieurs États membres ont exprimé un soulagement d'avoir évité une guerre commerciale. En France, le ton se veut nettement plus critique. Le gouvernement français dénonce un accord déséquilibré, qualifié de "jour sombre" pour l'Europe.
Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, qui avait critiqué les "faiblesses" de l'UE face à Washington, a ciblé la présidente de la Commission, un "poids plume". "Il est évident pour moi qu'il ne s'agit pas d'un accord. Ce n'est pas un accord que le président Donald Trump a conclu avec Ursula von der Leyen, c'est Trump qui a mangé von der Leyen au petit-déjeuner. Voilà ce qui s'est passé", a-t-il déclaré.
L'accord commercial UE–États-Unis est entré en vigueur le jeudi 7 août 2025, après la signature du décret présidentiel américain qui fixait cette date comme point de départ pour l'application des nouveaux taux de droits de douane de 15 % sur la majorité des exportations européennes. Les principaux volets de l'accord (achats énergétiques, investissements privés, exemptions sectorielles) sont censés s'appliquer à partir de cette date, même si le texte final n'est pas encore juridiquement ratifié côté européen et reste à préciser dans certains domaines.
Depuis, la suite des événements est marquée par une forme d'attentisme de part et d'autre. Le président américain Donald Trump a menacé mardi dernier de relever les droits de douane sur l'Union européenne à 35 % si les entreprises européennes ne respectaient pas l'engagement d'investir 600 milliards de dollars aux États-Unis.
Le président américain menace, la CE précise
Le locataire de la Maison-Blanche a qualifié ce montant de "cadeau" lors d'un entretien sur CNBC. "C'est un cadeau, pas un prêt. Il n'y a rien à rembourser. Ils nous ont donné 600 milliards de dollars que nous pouvons investir dans absolument ce que nous voulons", a-t-il déclaré, ajoutant que cet engagement était la seule raison pour laquelle il a accepté de réduire les droits de douane de 30 % à 15 %, menaçant de les relever de nouveau à 35 % si les entreprises européennes "ne respectaient pas leur engagement".
La déclaration a fait réagir l'exécutif européen. "Ce que nous avons transmis à l'administration américaine, ce sont des intentions globales concernant les dépenses énergétiques et les investissements dans l'économie américaine par des entreprises européennes. Ces engagements n'ont aucun caractère contraignant", a déclaré Olof Gill, porte-parole pour le commerce.
"La Commission n'a pas le pouvoir, et ne chercherait jamais à obtenir le pouvoir, d'imposer quelque chose de ce genre, mais ce sont des intentions transmises de bonne foi", a-t-il ajouté.
Les engagements pris à l'issue de la signature de l'accord de Turnberry attendent encore d'être formalisés dans une déclaration conjointe de haut niveau. "La balle est désormais dans le camp des États-Unis et nous comptons sur eux pour nous aider à faire avancer le processus", a ajouté Olof Gill. Bruxelles dit attendre encore la réduction des droits de douane sur les automobiles et les pièces détachées, qui passeraient de 27,5 % à 15 %, et l'application des exemptions tarifaires pour des biens stratégiques tels que les avions et leurs pièces, ou encore les spiritueux et le vin.
Une seconde phase de négociations s'est ouverte entre Bruxelles et Washington afin de s'entendre sur certains points toujours vagues. L'UE a également annoncé mardi 5 août suspendre ses représailles aux droits de douane américains, qui représentaient 93 milliards d'euros de marchandises, tout en affirmant pouvoir les rétablir "à tout moment". De quoi lui valoir des critiques selon lesquelles l'institution européenne "s'est affaiblie" face à son partenaire américain.
"L'objectif de la Commission européenne… a été de tirer le meilleur parti d'une situation extrêmement difficile. Dans l'ensemble, nous estimons avoir atteint cet objectif", a expliqué le même responsable.