01/08/2025 reseauinternational.net  7min #285980

 Surtaxe des produits européens aux États-Unis : Trump et Von der Leyen annoncent être parvenus à «un accord»

L'Europe accepte une pleine vassalisation énergétique vis-à-vis des États-Unis

par Pierre Duval

Des experts du monde entier se demandent comment l'Union européenne sera en mesure d'acheter du pétrole, du gaz et du combustible nucléaire aux États-Unis pour 750 milliards d'euros au cours des trois prochaines années et comment les États-Unis trouveront autant d'énergie pour l'exportation. Une chose est claire : cet accord vise directement à retirer les matières premières russes du marché européen.

L'accord énergétique de Donald Trump avec l'Union européenne a interloqué les experts dans le cadre d'un accord commercial. Le 27 juillet 2025, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le président des États-Unis, Donald Trump, sont parvenus à un accord sur les droits de douane et le commerce. «L'Union a l'intention d'acheter aux États-Unis du gaz naturel liquéfié, du pétrole et des produits énergétiques nucléaires pour un montant estimé à 750 milliards de dollars (environ 700 milliards d'euros) durant les trois prochaines années. Ces achats contribueront à remplacer le gaz et le pétrole russes sur le marché de l'Union»,  stipule la Commission européenne.

Pour que les termes de l'accord soient mis en œuvre, l'UE doit au moins tripler les importations de pétrole, de gaz et de charbon américains par rapport à 2024. Cependant, les experts se demandent d'où les États-Unis obtiennent tant de vecteurs d'énergie pour trouver cette quantité d'énergie. La Commission européenne souligne : «L'accord politique du 27 juillet 2025 n'est pas juridiquement contraignant».

Thierry Breton, ex-commissaire européen au Marché intérieur a, par ailleurs,  rappelé : «L'Europe a pris l'engagement ferme d'acheter 750 milliards d'euros d'hydrocarbures américains. Ce n'est pas possible, la présidente de la Commission européenne n'a aucun mandat pour imposer aux entreprises d'investir». Sur RTL, il  affirme : «Nous ne gagnons rien», déplorant qu'«on ne sait pas comment l'Europe va pouvoir respecter ses engagements». «Nous ne connaissons pas  les termes exacts de l'accord», a affirmé mercredi Sophie Primas, porte-parole du gouvernement.

En 2024, l'UE  a importé 375 milliards d'euros de produits énergétique au total. Le pétrole représentait 262 milliards d'euros, suivi par le gaz importé par pipeline 59,6 milliards d'euros et le GNL 41,4 milliards d'euros. Le reste étant principalement constitué de charbon. Cela qui signifie que l'Europe des 27 devrait désormais acheter aux États-Unis plus de la moitié de son énergie importée.

 Les importations énergétiques de l'UE - gaz, pétrole, charbon - en provenance des États-Unis ont été en 2024 selon Kpler de 80,5 milliards de dollars. Concrètement, avec ce deal, cela reviendrait à multiplier par au moins trois le montant annuel de toutes les importations énergétiques de l'UE - gaz, pétrole, charbon - en provenance des États-Unis. Et, selon des experts de l'énergie, ce deal est irréaliste.

«Le dernier accord commercial entre les États-Unis et l'UE fixe des objectifs ambitieux en matière d'importation d'énergie, mais les contraintes logistiques, juridiques et commerciales soulèvent des doutes quant à sa faisabilité», précise Kpler car «l'UE aura du mal à respecter ses engagements d'achat de 250 milliards de dollars par an de matières premières énergétiques américaines» et d'autant plus qu'«au-delà des défis techniques et commerciaux, l'UE ne peut pas légalement obliger les raffineurs nationaux à acheter du pétrole ou du GNL aux États-Unis, à moins qu'une telle exigence ne soit codifiée dans la loi». Pour parvenir à un plan d'accord avec les États-Unis dans trois ans, Bruxelles devra abandonner tout autre achat d'énergie en dehors des États-Unis.

Le plus drôle dans ce deal c'est que les États-Unis n'ont pas autant d'énergie qu'ils peuvent vendre à l'Union européenne. «Les exportations totales d'énergie des États-Unis vers tous les acheteurs du monde en 2024 se sont élevées à 318 milliards de dollars, selon les données de l'Administration de l'information sur l'énergie des États-Unis»,  note Reuters. Et c'était un record.

Il s'avère que Washington devra non seulement augmenter l'extraction des ressources et augmenter leurs exportations, mais aussi, en fait, les vendre uniquement aux Européens. Il est clair que cela semble plus qu'étrange et incroyable. Les États-Unis ne seront tout simplement pas en mesure d'augmenter les exportations de GNL aussi rapidement. Sous Trump, il y a un boom des décisions d'investissement sur les nouveaux projets de construction d'usines de GNL, mais leur construction et leur lancement prendront des années.

D'ici à 2028-2030, les États-Unis prévoient de  doubler la production de GNL. Pour construire ces usines, ces investissements et ces acheteurs sont maintenant nécessaires. Et, les Européens deviendront ces acheteurs en signant des contrats à long terme et en donnant le feu vert pour investir dans de nouveaux projets de GNL aux États-Unis.

Trump  a demandé à l'UE d'«arrêtez les éoliennes». «L'Union européenne (UE) investit massivement dans les énergies vertes, avec des objectifs ambitieux et des financements conséquents. Le Pacte vert européen (Green Deal)  vise à mobiliser 1000 milliards d'euros sur 10 ans pour lutter contre le changement climatique, avec une part importante allouée aux énergies renouvelables. L'UE s'est fixé l'objectif de 42,5% d'énergies renouvelables dans sa consommation d'énergie d'ici 2030». L'UE va-t-elle devoir se passer de son plan écologique pour pouvoir acheter les énergies US ?

Afin de trouver l'énergie US manquante, à l'horizon se profile la possibilité que les États-Unis commencent soudainement à revendre des énergies de la Russie à l'Union européenne, en particulier du gaz. En effet,  des rumeurs ont fait état - par exemple - d'investisseurs américains, potentiellement soutenus par l'administration Trump, envisageant d'acquérir le gazoduc Nord Stream 2, reliant la Russie à l'Allemagne. Ce projet d'acquisition vise à contrôler une infrastructure énergétique clé et potentiellement à relancer les flux de gaz vers l'Europe, éventuellement dans le cadre d'un accord plus large avec la Russie.

L'accord entre les États-Unis et l'UE pourrait en théorie presque complètement évincer la Russie du marché du gaz de l'UE, mais pas nécessairement, puisqu'il n'existe pas dans l'UE de mécanisme juridique qui oblige des pays à acheter de l'énergie à un fournisseur unique.

La Russie fournit du gaz à l'UE par l'intermédiaire du TurkStream, et parmi les bénéficiaires se trouvent la Hongrie et la Slovaquie. La Hongrie et la Slovaquie n'accepteront pas le refus d'importer du gaz russe par l'intermédiaire de TurkStream ce qui signifie que la charge pesant sur l'importation de GNL coûteux en provenance des États-Unis incombera aux 25 autres pays de l'UE. La Russie et Gazprom risquent donc de ne rien perdre avec cet accord.

Avec la décision de Bruxelles contre la Russie, Novatek, la plus grande société gazière indépendante de Russie, qui est active dans l'exploration, la production, la transformation et la commercialisation du gaz naturel et du NGL (liquides de gaz naturel) en souffrira. Mais, il est possible que Novatek continue à produire du GNL dans ses usines et qu'elle commencera à le vendre qu'à des pays tiers qui fourniront ce GNL à l'UE. Ainsi la Russie sera gagnante dans ce deal entre l'UE et les États-Unis. Dans le pire des cas, cela n'exclut pas la formation d'une pénurie de gaz en Europe et même une hausse de son prix.

En théorie, l'UE pourrait remplacer du combustible nucléaire de la Russie par du combustible américain dans les centrales nucléaires européennes. La Russie est  le premier producteur mondial d'uranium enrichi. L'Europe va se heurter à la question de savoir comment remplacer l'uranium enrichi en toute sécurité et combien il coûtera.

L'UE, en s'obligeant à acheter des ressources énergétiques américaines, devient dépendante énergétiquement vis-à-vis des États-Unis. Et, cette dépendance sera bien pire que les ressources énergétiques russes.

source :  Observateur Continental

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