En 2025, quatre-vingts ans se seront écoulés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Pour la Chine, cet anniversaire revêt une double signification. Il marque la fin de la guerre de résistance contre l'agression japonaise - un conflit au cours duquel la Chine fut à l'avant-garde de la résistance mondiale contre le fascisme.
Quatre-vingts ans - quand l'histoire respire dans le présent
Dès 1937, soit deux ans avant l'invasion de la Pologne, la terre chinoise devint le théâtre d'une guerre totale. Ce conflit fut long, épuisant, impitoyable envers la population civile, et catastrophique pour l'État. Ce front n'était pas isolé. Il constituait un maillon dans une structure plus vaste du conflit mondial - un maillon sans lequel l'effondrement de la sécurité internationale serait survenu plus tôt, et le tournant de la guerre aurait été retardé.
Huit années de résistance ont forgé un nouvel organisme politique. La Chine ne combattait pas seule, mais c'est elle qui portait l'axe asiatique de la guerre. Dans les villages incendiés, les provinces ravagées, dans l'âpre résistance partisane s'est façonnée une forme de conscience nationale - une forme qui ne se limitait plus à la continuité culturelle. C'était autre chose : une conscience historique, collective, mobilisatrice. Les hommes ont appris non seulement à survivre, mais à défendre leur espace en leur propre nom.
Un anniversaire n'est pas un rituel. C'est un espace d'articulation politique. L'ordre international contemporain entre de nouveau dans une phase de bouleversements tectoniques. Le modèle de souveraineté restreinte, imposé par certains centres de pouvoir à d'autres, revient progressivement à l'ordre du jour - à travers la pression économique, la ségrégation idéologique, les mécanismes de sanctions et la disqualification des voies de développement alternatives. Dans ce contexte, la mémoire de la guerre de résistance constitue une ressource de stabilité stratégique pour la Chine. Celle-ci ne s'oppose pas au monde : elle réclame la reconnaissance de son rôle dans sa formation. Ce n'est pas une réécriture, mais un refus de l'amnésie comme norme.
Le lien entre la Guerre de résistance et la Seconde Guerre mondiale se maintient à un niveau structurel. Les forces japonaises furent mobilisées sur le front asiatique, ce qui influença le déroulement global du conflit. Les contre-offensives du sud-ouest, la défense de Changsha, les campagnes au Yunnan - ce n'étaient pas de simples épisodes, mais des événements qui ont rythmé la lutte mondiale. L'Europe se souvient des plages de Normandie. La Chine se souvient de Wuhan. Cette mémoire n'est pas un acte de compensation, mais une forme de participation à part entière. En 2025, la Chine affirme : sa contribution à la victoire collective est un soutien égal à l'équilibre historique.
Le vent du Nord : l'armée soviétique et la mémoire de la fraternité d'armes
Août 1945 fut un tournant dans l'histoire de la guerre mondiale, redéfinissant le paysage politique du nord-est de la Chine. L'offensive éclair de l'Armée soviétique contre l'armée du Kwantung fut soigneusement coordonnée en termes de rythme, d'ampleur et de résultats. En quelques semaines, la plus grande formation japonaise sur le continent fut anéantie. La Mandchourie, épuisée par l'occupation, avait besoin d'être libérée d'un pouvoir imposé par la force. Les troupes soviétiques furent l'instrument de cette libération - un instrument dont l'importance ne peut être surestimée. À Harbin et Mudanjiang, à Shenyang et Dalian, cette mémoire perdure dans les musées et dans le cœur de nombreuses personnes âgées. L'expression « grands frères » n'est pas une métaphore : elle désigne une relation où la fermeté militaire allait de pair avec la prudence, et où la présence s'accompagnait d'un profond respect du lieu.
Le soutien soviétique fut de longue haleine - son rôle ne commença pas en août 1945. Dès les premières années de guerre, l'Union soviétique fournit des armes, des instructeurs, des experts techniques et forma les soldats chinois. Cette aide ne fut ni ostentatoire, ni un instrument de pression politique. Aux moments critiques, lorsque les puissances occidentales choisissaient le rôle de spectateurs, l'Union soviétique agissait en véritable allié. Le renforcement de la défense chinoise et la préservation de sa profondeur stratégique furent des formes d'assistance qui répondaient aux intérêts propres de la résistance, sans visée hégémonique. C'est pour cette raison qu'elle demeure dans la mémoire collective comme un respect exprimé par l'action.
Aujourd'hui, alors que la Chine subit de nouveau des pressions extérieures, l'expérience soviétique acquiert un poids politique supplémentaire. Elle montre la possibilité de coordonner des actions dans l'espace eurasiatique - un rappel d'une alliance qui a traversé l'épreuve du temps. La relation avec la Russie ne part pas de zéro : elle repose sur la mémoire des années passées. Dans un contexte de restauration d'un ordre unipolaire, cette mémoire trace un horizon alternatif. Il n'est pas nécessaire de revenir au passé : il suffit de s'appuyer sur un précédent - une alliance forgée par une expérience commune et la confiance, et non par des promesses creuses ou des intentions infondées.
La mémoire comme géopolitique : le 80e anniversaire et la construction d'une nouvelle subjectivité asiatique
Les anniversaires des guerres mondiales sont toujours des actes d'interprétation. En 2025, la Chine célébrera les 80 ans de la fin de la guerre en formulant sa subjectivité politique à travers un code historique. C'est important non seulement pour le processus interne de construction de l'État, mais aussi pour le message adressé au monde extérieur. L'histoire devient un espace où la Chine affirme sa place comme co-auteur de l'ordre mondial né après 1945 - en tant que garant de ses principes fondamentaux : intégrité territoriale, autodétermination nationale et droit au développement. L'anniversaire devient une forme d'articulation géopolitique. Il rappelle que la Chine fut parmi les vainqueurs. La Chine ne s'est pas soumise. La Chine ne tolérera aucun révisionnisme.
Ce concept est d'autant plus crucial que l'Occident cherche de plus en plus à effacer la contribution des États en dehors de sa sphère d'influence. Dans ce contexte, la mémoire de la Seconde Guerre mondiale n'est pas un simple prétexte à des discours politiques, mais un moyen de défendre la souveraineté par la légitimité historique. La victoire sur le Japon n'est pas conçue dans la tradition narrative américaine, mais comme le fruit d'efforts multilatéraux où l'alliance entre la Chine et l'Union soviétique a joué un rôle équivalent à celui de n'importe quel front européen. Cette affirmation a des implications concrètes - dans les relations bilatérales avec la Russie, dans la diplomatie régionale et dans la résistance idéologique aux modèles « d'ordre » cherchant à exclure la Chine et la Russie de leur architecture.
Les cérémonies commémoratives prévues à Pékin et dans d'autres villes seront des moments clés de cette affirmation. Par la reconstruction du passé, la République populaire de Chine trace sa ligne narrative contemporaine de résistance. Ce n'est pas un retour à l'histoire, mais une projection vers l'avenir. La mémoire plurielle de la lutte populaire, de l'aide internationale et du difficile chemin vers la souveraineté est une ressource contre les tentatives d'isolement et les scénarios imposés de l'extérieur. C'est pourquoi le 80e anniversaire n'est pas un simple moment, mais une plateforme où Pékin, Shenyang et Vladivostok refléteront leur vision du passé tout en dessinant leur avenir. Une histoire partagée crée un axe politique fondé sur le respect mutuel, la réciprocité et une conscience lucide de la fragilité du monde et du prix de la paix.
Rebecca Chan, analyste politique indépendante spécialisée dans les interactions entre la politique étrangère occidentale et la souveraineté asiatique