08/05/2025 mondialisation.ca  6min #277219

 Affirmations de Trump sur la Seconde Guerre mondiale : «il est temps d'introduire la culture historique à la Maison Blanche», estime un député russe

Victoire américaine lors de la Seconde Guerre mondiale : Trump confirme la Russie dans le rôle de l'ennemi

Par  Karine Bechet-Golovko

Le 9 mai est un des éléments constitutifs de la Nation en Russie et dans l'espace russe. Le rôle central joué par l'armée soviétique et l'URSS dans la Victoire de 1945 obligea les Alliés à reconnaître leur ennemi idéologique comme une puissance incontournable, comme une pièce maitresse de la nouvelle architecture internationale, qui en a découlé. Mais l'URSS, puis la Russie, sont restées l'ennemi et l'Occident atlantiste n'a eu de cesse de déconstruire ce discours historique, pour n'y placer que les Etats-Unis. L'histoire, ça se défend, sinon ça se reconstruit par les vainqueurs. La Russie ne peut faire des révérances à Trump et exiger le respect de sa vérité historique.

La Victoire de l'URSS lors de la Seconde Guerre mondiale n'en pas fait pour autant un allié stratégique de l'Occident. Bien au contraire, le fossé idéologique n'a pas été comblé, il a simplement été reconnu comme tel : le bloc atlantiste ne pouvait plus faire semblant d'ignorer l'existence du bloc socialiste. Mais reconnaître l'existence de quelque chose ne veut pas dire l'accepter. Et le combat idéologique a repris, à peine les armes refroidies.

Pour détruire un ennemi, il faut l'attaquer à sa base, il faut ébranler ses symboles. Le discours historique est un des fronts. En Occident, ce discours a été totalement atlantisé et comme nous l'avons écrit plusieurs fois, la reconnaissance du rôle joué par les Etats-Unis et l'URSS dans la Seconde Guerre mondiale a fini par être inversé dans l'inconscient collectif en Occident.

La chute de l'URSS y a beaucoup contribué, puisque les nouveaux pays qui en sont sortis ont été immédiatement pris en main par les élites atlantistes, la globalisation a pu naître. Leurs élites dirigeantes, qui sont idéologiquement et fonctionnellement toujours en place, ont alors travaillé dès les années 80 contre le Monde russe, pour le dépecer, et faire entrer leurs nouveaux pays à la chute de l'URSS dans le Monde global. Un centre de pouvoir, une histoire.  Trump veut finaliser ce mouvement.

Ses déclarations concernant le rôle des Etats-Unis ne cessent de s'enchaîner. A chaque fois, plus ou moins directement, Trump affirme la victoire quasiment seule des Américains, les autres étant relégués à un rôle secondaire, quand ils ne peuvent (encore) être simplement effacés.

Il ne peut plus s'agir de célébrer la Victoire des Alliés contre le nazisme. Il va falloir, que le Monde global célèbre la Victoire des Etats-Unis, l'avènement de leur pouvoir.

La  Russie, mollement, grogne dans les réseaux sociaux, s'indigne et fait semblant de ne pas prendre au sérieux cette tendance. S'il ne s'agissait que d'une énième lubie du « Pape global », ce ne serait en effet pas très grave. Mais Trump s'inscrit dans la continuité et montre bien ainsi, que le combat continue, que la Russie reste l'ennemi idéologique. Un ennemi, qu'il faut terrasser. Un ennemi que les Globalistes travaillent à détruire.

Or, les élites russes sont dans une situation difficile. Elles ont construit de toute pièce le slogan de « Trump, notre sauveur pacifiste » et s'y accrochent envers et contre tout. Au-delà du rationnel.

Malgré l'implication directe et principale des Etats-Unis sur le front ukrainien, les élites russes continuent à protéger et Trump et les Etats-Unis derrière les « méchants » européens et ukrainiens, ces satellites tout à coup souverains et seuls responsables. Le Tsar – ici global – ne peut mal faire, c'est bien connu. Il ne peut donc être responsable, puisqu'il est le Tsar. Ce sont ses boyards, qui ne sont pas bons.

Malgré la violation par l'armée atlantico-ukrainienne du premier cessez-le-feu de Pâques proposé par la Russie, Poutine en a proposé un second pour les fêtes du 9 mai.

Malgré l'intensification des tirs ces derniers jours par l'armée atlantico-ukrainienne,  Peskov annonce que Poutine maintient la trêve, qui doit commencer ce soir. Evidemment, l'armée russe répondra en cas d'attaque. Donc, finalement, ils n'attendent plus « de réponse », ils jouent tous seuls.

Et hier soir, il a bien fallu sortir un poids lourd,  Ouchakov (le conseiller du Président et négociateur avec les Américains) à la place de Peskov (trop discrédité) au journal du soir sur une chaîne fédérale pour faire comprendre au bon peuple … que la Russie est sur la bonne voie, puisque Trump est content de la proposition de trêve unilatérale faite par Poutine. Quand le Tsar est fier d'un de ses boyards, le peuple peut en effet se réjouir. Il faut bien le lui annoncer.

Il y a bien une impasse. Ces élites dirigeantes, en Russie ou aux Etats-Unis aujourd'hui, sont bien celles issues de l'avènement de la globalisation. Rien n'a institutionnellement changé en Russie depuis la chute de l'URSS ; ni Trump, ni Poutine ne sont arrivés en place suite à une révolte de palais ou une révolution. Il n'y a donc eu aucune rupture idéologique, ni institutionnelle. Trump dirige bien le Monde global et il l'affirme de plus en plus ouvertement. Poutine reste dans le ni / ni : il ne veut ni renverser ce monde, dont il est in fine issu ; il ne veut ni abandonner totalement la Russie aux globalistes, sinon elle disparaîtrait et ces élites couleraient avec elle – et en ce sens, il continue la ligne politique de ses prédécesseurs depuis les années 90.

Mais ce n'est pas cette position, qui permet de défendre et encore moins d'imposer un discours historique national, qui prenne en compte la vérité historique de ce pays. Or sans symbole, aucun pays ne survit, car la société s'atomise. Sans oublier que le temps, qui passe, renforce cette atomisation. Et le nouveau vainqueur, qu'il soit militaire (comme alors) ou idéologique (comme aujourd'hui), réécrit l'histoire selon ses besoins stratégiques.

En attendant, Chers lecteurs, bonnes fêtes des 8 et 9 mai ! Souvenons-nous du rôle de chacun, de cette époque où de véritables hommes d'Etat dirigeaient de véritables pays. Ce qui a alors permis la paix, pour des années.

Karine Bechet-Golovko

La source originale de cet article est  Russie politics

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