France-Soir
Une panne d'électricité massive paralyse l'Espagne et le Portugal : chaos, causes et implications
Une coupure sans précédent plonge la péninsule ibérique dans le noir
Le 28 avril 2025, à 12h33, une panne d'électricité massive a frappé l'Espagne et le Portugal, paralysant les deux pays et affectant des millions de personnes. Selon des rapports relayés par Reuters, cette coupure a touché l'ensemble de la péninsule ibérique, privant environ 57 millions d'habitants (47 millions en Espagne et 10,3 millions au Portugal) d'électricité. La consommation électrique espagnole a chuté brutalement, passant de 26 695 mégawatts (MW) à 15 970 MW en quelques minutes, selon les estimations des opérateurs. Au Portugal, la panne a été tout aussi sévère, avec des rapports indiquant une interruption nationale dès 11h33 heure locale. Le rétablissement progressif a débuté dans l'après-midi, avec 50 % du réseau espagnol réalimenté vers 23h et 750 000 foyers portugais reconnectés sur 6,5 millions. Le courant a été presque entièrement rétabli dans 𝕏 la nuit du 28 au 29 avril, après 12 à 14 heures de perturbations. Les îles Baléares et Canaries, géographiquement isolées, ont été épargnées.
L'Espagne et le Portugal dépendent de mix énergétiques diversifiés. En Espagne, environ 40 % de l'électricité provient des énergies renouvelables (solaire et éolien), 20 % du nucléaire, 20 % du gaz naturel, et le reste de l'hydroélectricité et d'autres sources, selon les données de Red Eléctrica de España (REE). Le Portugal mise davantage sur les renouvelables (50 %, principalement hydroélectrique et éolien), suivies par le gaz (30 %) et des importations limitées, souvent d'Espagne. Cette interdépendance énergétique, combinée à une faible connexion avec le reste de l'Europe, a amplifié l'impact de la panne.
Le fonctionnement du réseau électrique ibérique et ses interconnexions
Le réseau électrique ibérique est géré par REE en Espagne et Redes Energéticas Nacionais (REN) au Portugal, qui assurent la production, le transport et la distribution. Ces réseaux sont interconnectés par des lignes à haute tension, mais leur lien avec le reste de l'Europe, via la France, est limité par les Pyrénées, où seulement 2,8 % de la capacité électrique européenne transite. Cette faible interconnexion a compliqué l'importation d'électricité pour stabiliser le réseau pendant la crise. La France, via RTE, a fourni 2 000 MW pour soutenir l'Espagne, alimentant notamment la Catalogne et le Pays basque. Le Maroc, importateur d'électricité espagnole (170 GWh en mars 2025), a également subi des perturbations dans ses services internet et aéroportuaires.
Le réseau fonctionne sur un équilibre constant entre production et consommation, ajusté en temps réel pour éviter les surcharges ou les baisses de fréquence. Une déconnexion soudaine, comme celle du 28 avril, peut déclencher l'arrêt automatique des centrales, y compris nucléaires, pour des raisons de sécurité. En Espagne, quatre centrales nucléaires (Almaraz II, Ascó I et II, Vandellós II) se sont arrêtées automatiquement, passant sur des générateurs diesel sans incident, selon le Conseil de sécurité nucléaire (CSN).
Conséquences : chaos urbain et pertes économiques
La panne a semé le chaos dans les grandes villes. En Espagne, les métros de Madrid, Barcelone, Séville et Valence ont été évacués, et la compagnie ferroviaire Renfe a suspendu tous ses trains, bloquant des milliers de voyageurs. Les aéroports de Madrid-Barajas et de Lisbonne-Humberto Delgado ont annulé ou retardé des vols, perturbant le trafic aérien européen, selon Flightradar24. Les feux de circulation hors service ont causé 𝕏 des embouteillages massifs, forçant la police à intervenir pour gérer la circulation. À Terrassa, près de Barcelone, les magasins de générateurs ont été dévalisés. Les réseaux mobiles et internet ont été largement coupés, isolant les populations. Dans la région de Madrid, 286 interventions ont été nécessaires pour libérer des personnes coincées dans des ascenseurs.
Au Portugal, la situation était similaire. À Lisbonne, quatre rames de métro ont été évacuées, et les autorités ont renforcé les effectifs pour répondre aux urgences, notamment pour des personnes bloquées dans des ascenseurs. Les hôpitaux ont fonctionné sur des générateurs de secours, mais certains, comme à Setúbal, ont signalé des pénuries d'eau. Les commerces ont fermé, et des pertes importantes ont été enregistrées, notamment pour les denrées périssables comme les glaces, selon des témoignages relayés par Euronews.
L'impact économique est estimé entre 12 et 20 milliards d'euros, sur la base d'études européennes (ENTSO-E), qui évaluent le coût d'une panne à 1-2 milliards d'euros par heure pour les secteurs touchés (transports, industrie, commerce). Ce chiffre inclut les pertes directes (revenus commerciaux, produits périssables) et indirectes (retards de production, annulations de vols).
Réactions : mobilisation et solidarité
Les autorités ont réagi rapidement. Le Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, a présidé une réunion extraordinaire du conseil de sécurité national et s'est rendu au centre de contrôle de REE pour superviser les efforts. À 23h, il a annoncé que 50 % du réseau espagnol était rétabli, tout en appelant à ne pas spéculer sur les causes. Au Portugal, le Premier ministre Luís Montenegro a qualifié la situation de « grave et inédite », suggérant que l'origine se trouvait en Espagne. Les deux pays ont déclaré l'état d'urgence dans plusieurs régions.
La Commission européenne a assuré son soutien, coordonnant avec les autorités ibériques pour identifier les causes. La France a fourni 2 000 MW d'électricité, et RTE a exclu tout risque de contagion en France. Sur le terrain, les populations ont montré de la résilience, mais aussi de l'inquiétude. À Madrid, des habitants cherchaient du réseau téléphonique dans les rues, tandis qu'à Barcelone, des commerçants déploraient des pertes importantes.
Analyse des causes : une défaillance complexe
Les causes restent incertaines. REE a attribué la panne à une « forte déconnexion » du réseau ibérique du système européen, entraînant une chute de fréquence. REN a initialement évoqué un « phénomène atmosphérique rare » lié à des oscillations de température sur les lignes à haute tension, mais cette hypothèse a été abandonnée. Une cyberattaque a été envisagée, mais l'Institut national de cybersécurité espagnol (INCIBE) et le président du Conseil européen, Antonio Costa, ont indiqué qu'aucune preuve ne la soutenait à ce stade. Une défaillance technique, comme un problème dans une sous-station ou une surcharge liée à l'intégration des renouvelables, reste plausible, mais l'enquête est en cours. La faible interconnexion ibérique avec l'Europe a aggravé l'incident.
Implications pour la France et conséquences géopolitiques
En France, la panne a brièvement touché le Pays basque et les Pyrénées-Orientales, mais RTE a rétabli le courant en quelques minutes, excluant tout risque majeur. Cet incident souligne la dépendance française aux exportations (70 % de son électricité provient du nucléaire) et la vulnérabilité des interconnexions. La centrale de Golfech s'est arrêtée automatiquement à 12h30, sans lien confirmé avec la panne ibérique, mais cela rappelle les risques des infrastructures critiques.
Géopolitiquement, la crise expose la fragilité du réseau énergétique européen. Les lignes transpyrénéennes, limitées à 2,8 % de la capacité européenne, freinent la solidarité énergétique. Des projets comme le câble sous-marin Golfe de Gascogne (prévu pour 2027) pourraient être accélérés. La dépendance du Maroc à l'électricité espagnole risque de tendre les relations bilatérales. Cet événement pourrait également relancer les débats sur la transition énergétique, scrutant la variabilité des renouvelables et la fiabilité du nucléaire.
La panne du 28 avril 2025 a révélé la fragilité des réseaux électriques modernes. Avec un coût de 12 à 20 milliards d'euros et des millions de vies perturbées, elle appelle à des investissements urgents dans les interconnexions, la résilience des infrastructures et une meilleure coordination européenne.
Alors que l'Espagne et le Portugal se relèvent, la question demeure : comment éviter un tel chaos à l'avenir ?