21/04/2025 francesoir.fr  16min #275568

Appliquer la loi « pollueur-payeur » à l'information : un enjeu de santé publique et de responsabilité

Xavier Azalbert, France-Soir

L'information comme chaîne binaire et ses impacts corporels

Dans un monde numérisé, l'information peut être vue comme une séquence binaire - une suite de 0 et de 1 - interprétée par le cerveau humain. Ce processus neurologique transforme les données en perceptions, croyances et, ultimement, en comportements. Si ces informations sont fausses ou biaisées, elles peuvent provoquer des réactions toxiques : défiance envers les institutions, refus de soins médicaux, ou actions violentes. Appliquer le principe « pollueur-payeur» à l'information vise à responsabiliser ceux qui diffusent de telles "pollutions" et à financer leur dépollution, en s'inspirant du modèle environnemental où les responsables d'un dommage assument ses coûts, comme stipulé dans  les politiques européennes.

Ce 20 avril 2025 marque le 15e anniversaire de Deepwater Horizon, l'une des plus grandes catastrophes environnementales, dans le Golfe du Mexique. Avec des coûts de dépollution et d'indemnisation de plus de 65 milliards de dollars, elle illustre les enjeux de la pollution. La pollution informationnelle moderne engendre des conséquences avec des quantums bien supérieurs à celui de Deepwater Horizon. Par exemple, les 350 milliards du cout du conflit russo ukrainien pour les économies occidentales, sans prendre en considération les pertes humaines ou encore le cout mondial de la crise covid que le FMI a estimé en 2021 à 18 000 milliards d'euros sur les économies mondiales, devraient alerter tous les observateurs sur les dérives de la pollution informationnelle.

Une théorisation mathématique et économique basée sur la théorie des incitations est développée ainsi qu'un cadre juridique, et une illustration de cette idée avec des exemples concrets de pollution informationnelle comme la fraude scientifique Pradelle-Lega, le scandale RECOVERY, la désinformation sur l'origine du SARS-CoV-2, le conflit russo-ukrainien, et l'annonce récente du ministre de la Santé français.

Théorie des incitations : formulation mathématique et économique

La théorie des incitations étudie comment les agents ajustent leurs comportements face à des récompenses ou des pénalités. Appliquée à l'information, elle suppose que les diffuseurs (médias, individus, institutions) adaptent leur production en fonction des coûts et des bénéfices perçus. Des  études montrent que la désinformation, souvent motivée par des gains financiers ou politiques, prospère dans des environnements non régulés.

Des données récentes soulignent l'ampleur du problème en France :  selon un sondage France-Soir/BonSens.org de mars 2025, 84 % des Français estiment que les médias exacerbent leurs peurs, 87 % ressentent une anxiété croissante liée à l'information, et 79 % jugent qu'il est presque impossible de distinguer le vrai du faux. Ces chiffres montrent l'urgence de réguler la diffusion d'informations toxiques.

  • Modélisation mathématique
  • Considérons une information I comme une chaîne binaire de longueur (n) (bits), interprétée par un individu avec une probabilité Pv d'être vraie et Pf=1−Pv d'être fausse. Le cerveau traduit I en une utilité U(I), influençant un comportement B (B = behavior en anglais). Si I est fausse, B peut devenir déviant, avec un coût social Cs
    1. Fonction d'utilité pour le diffuseur : Ud=R−Cp où R est le revenu (clics, audience) et Cp le coût potentiel (sanction). Sans régulation, Cp =0, incitant à maximiser (R) même avec des (I) fausses.
    2. Coût social : Cs=α * N * Pf * D où alpha est la sensibilité moyenne au préjudice, (N) le nombre de personnes exposées, et (D) le dommage par individu (ex. refus vaccinal menant à une hospitalisation).
  • Avec le principe « pollueur-payeur », on impose Cp=k * Cs où (k) est un coefficient de pénalité (ex. k=1 pour une réparation totale). Le diffuseur ajuste alors son comportement pour minimiser Pf et maximiser Pv, réduisant la pollution informationnelle.
  • 2. Approche économique
  • Voyons l'aspect économique de cette proposition. Afin de gérer la pollution informationnelle, il faut :
  • Des incitations positives pour récompenser les diffuseurs vérifiant leurs sources (ex. subventions pour le fact-checking ou le journalisme collaboratif citoyen).
  • Des incitations négatives visant à taxer les « pollueurs » proportionnellement à N et D, mesurés via des études d'impact (ex. portée sur réseaux sociaux, enquêtes publiques). Les fonds collectés financent la « dépollution » (campagnes correctives, éducation).
  • 3. Rôle des algorithmes
  • Les algorithmes des réseaux sociaux, comme ceux de X ou de Youtube, amplifient la désinformation en priorisant les contenus répondants aux règles de la communauté ou viraux, souvent au détriment de leur véracité.
  • Par exemple, des posts relayant l'étude Pradelle-Lega ou des  narratifs sur les « laboratoires biologiques » en Ukraine ont atteint des millions de vues grâce à ces mécanismes. Ces biolabs ont d'abord été traité de fausses informations pour petit à petit laisser la place à la vérité d'émerger, qu'il y avait bien des biolabs en Ukraine.

Intégrer les plateformes dans le cadre « pollueur-payeur » pourrait impliquer des amendes proportionnelles à la portée de contenus faux amplifiés, avec une obligation de modifier ces algorithmes pour privilégier des sources vérifiées.

Cadre juridique, « Tu pollues l'information, tu payes pour sa dépollution »

Un cadre juridique devrait s'inspirer  des lois environnementales européennes en reposant sur ces principes :

  • La pollution informationnelle peut être définie comme : « toute diffusion d'une information fausse ou trompeuse, intentionnelle ou par négligence grave, ayant un impact mesurable sur la santé, la sécurité ou le bien-être social, comme observé lors de la « désinfodémie »  Covid-19».
  • Identification des responsables : diffuseurs primaires (médias, auteurs) et secondaires (plateformes amplifiant le contenu).
  • Les mécanismes de sanction devraient inclure :
  • Des amendes proportionnelles à la portée N et au préjudice D, calculées par une autorité indépendante.
  • La réparation comme une obligation de financer des campagnes de rectification (ex. publicités ciblées sur X avec la vérité corrigée).
  • Des pénalités renforcées : en cas de récidive, amendes doublées et poursuites pour mise en danger d'autrui.
  • La mise en œuvre s'effectuerait au travers de la création d'une « Agence de dépollution informationnelle citoyenne » (ADIC), financée par les amendes, chargée d'évaluer Cs, de collecter les fonds et de coordonner les efforts de correction. L'ADIC pourrait s'appuyer sur des outils d'intelligence artificielle pour détecter les incohérences, comme dans  le cas de l'étude Pradelle-Lega. Par exemple, si un média atteint 1 million de personnes avec une fausse information causant 1 000 hospitalisations (coût moyen : 5 000 €/cas), Cs=5 millions d'euros. Une amende de 5 millions d'euros est imposée, reversée à l'ADIC pour une campagne corrective.
  • Mise en place de garanties pour assurer la protection de la liberté d'expression via un seuil de preuve élevé (intention ou négligence avérée) et un droit de défense devant un tribunal spécialisé.
  • Éducation aux médias : les fonds collectés par l'ADIC pourraient financer des programmes d'éducation aux médias pour développer l'esprit critique des citoyens. L' OMS recommande des stratégies comme le « prebunking » pour prévenir la désinformation avant.
  • Ces programmes pourraient être déployés sur les réseaux sociaux pour contrer les narratifs toxiques, comme ceux du conflit russo-ukrainien.

Pollution informationnelle en science : le cas Pradelle-Lega et d'autres cas

L'étude Pradelle-Lega : 17 000 morts fictifs de l'hydroxychloroquine. Décrivons le processus en 4 points

  • Contexte : le 4 janvier 2024, une étude menée par Alexiane Pradelle, Jean-Christophe Lega et al., publiée dans Biomedicine & Pharmacotherapy, affirmait que l'hydroxychloroquine avait causé environ  17 000 décès dans six pays lors de la première vague de covid-19. Mathieu Molimard a promu cette étude dans les médias comme Sud Ouest, France Info, sans contradicteurs. Cependant, des études antérieures,  comme celles de l'IHU Marseille,  montraient un bénéfice à faible dose, soulignant la nécessité d'un débat équilibré.
  • Pollution : les médias mainstream comme Le Monde, L'Express, Libération, ont relayé cette conclusion sans vérification, atteignant des millions de personnes. L'étude reposait sur une  modélisation erronée et trompeuses,  démontrée fausse par BonSens.org, ainsi que par Vincent Pavan et Emmanuelle Darles. Elle fut rétractée le 22 août 2024.
  • Mesure de l'impact : la couverture initiale a gravé une fausse impression - l'hydroxychloroquine comme « tueuse » - tandis que  la rétractation a été ignorée. Cela a renforcé la défiance envers un traitement potentiellement utile, influençant des comportements (ex. rejet par des patients).
  • Application « pollueur-payeur » : lLes auteurs (Pradelle, Lega, Molimard) et les médias diffuseurs auraient pu être taxés pour Cs (ex. coût des campagnes anti-Raoult amplifiées par cette désinformation), avec une amende reversée à une campagne de clarification.

Mais, il y a pléthore d'autres exemples scientifiques

Le LancetGate (mai 2020) : une étude frauduleuse dans The Lancet a conduit à la suspension mondiale de l'hydroxychloroquine, rétractée 15 jours plus tard. La couverture médiatique massive a « pollué » les perceptions, sans correction équivalente. Cette affaire montre comment des revues prestigieuses peuvent devenir des « pollueurs » par négligence.

L'étude RECOVERY, un scandale mortel : cette étude britannique a testé l'hydroxychloroquine à des doses, évaluées comme toxiques, discréditant ce traitement. Publiée en juin 2020, elle a été relayée sans questionner sa méthodologie, contribuant  à la méfiance et à des pertes de chances pour les patients. Appliquer le principe « pollueur-payeur » impliquerait de taxer les chercheurs et médias pour financer des campagnes sur les doses appropriées.

Désinformation sur l'origine du SARS-CoV-2. Dès 2020, l'hypothèse zoonotique du SARS-CoV-2 a été promue par les médias, gouvernements et l'OMS sans vérification rigoureuse, tandis que l'hypothèse d'une origine en laboratoire était marginalisée. Ceci lié avec  la décrédibilisation des traitements précoces a laissé sa place au vaccin - en faisant prendre des risques importants à la population avec un produit expérimental. Des déclarations récentes, y compris de la Maison-Blanche, suggèrent une possible origine fabriquée. Cette pollution a eu des conséquences graves :

  • Pertes de chances : en discréditant l'hypothèse du laboratoire, des enquêtes sur les failles de sécurité ont été retardées.
  • Guerre des vaccins : la focalisation sur une origine naturelle a alimenté une course aux vaccins (ARNm) sans débat suffisant sur les risques, exacerbant la méfiance.
  • Application « pollueur-payeur » : les institutions, médias et politiques ayant promu l'hypothèse zoonotique sans preuves pourraient être taxées pour financer des enquêtes indépendantes.

Pollution informationnelle en géopolitique : la guerre en Ukraine

L'information comme vecteur d'impact corporel : la désinformation, comme dans le conflit russo-ukrainien, induit des réactions déviantes (peur, violence) avec des conséquences toxiques. Cela a amplifié la méfiance envers l'aide à l'Ukraine et renforcé la polarisation.

  • Contexte : dès mars 2022, il est attribué à la Russie qu'elle a diffusé via RT et Sputnik une information alléguant que les  États-Unis finançaient des laboratoires biologiques secrets en Ukraine. Relayée par Tucker Carlson (Fox News, 8 mars 2022) et des comptes sur X, cette affirmation a atteint des millions de personnes. Des enquêtes ont confirmé l'existence de laboratoires financés par les États-Unis, mais pour des recherches scientifiques, non des armes, une nuance souvent absente des débats.
  • Pollution : le narratif, établi sur des documents falsifiés, a été démenti par le Département d'État américain (10 mars 2022) et  l'Atlantic Council. Sa couverture massive (50 millions de vues) a semé la peur et la méfiance envers l'aide occidentale.
  • Impact non corrigé : la rétractation, peu médiatisée, n'a pas atteint l'audience initiale. Une étude IFOP (2022) montre que 17 % des Européens doutaient de la responsabilité russe,  un chiffre amplifié par la désinformation.
  • Perspective alternative sur les origines du conflit : Luc Ferry soutient que l'Ukraine a contribué aux tensions dès 2014 par des actions provocatrices dans le Donbass, 𝕏 exacerbant le conflit. Cette vision nuancée met en lumière la nécessité de « dépolluer » les narratifs des deux camps.

La propagande sur la guerre russo-ukrainienne et le plan REARM

Depuis 2022, les deux camps ont inondé le monde d'informations biaisées. La Russie parle d'une « opération spéciale », tandis que des récits occidentaux simplifient les événements pour justifier le REARM. Cette propagande a des effets concrets : peur, nationalisme, et soutien à des politiques coûteuses sans débat nuancé

La pollution informationnelle, c'est-à-dire la diffusion de fausses informations ou de narratifs biaisés ayant un impact négatif sur les populations, pourrait être mesurée à travers plusieurs indicateurs :

  • Volume de désinformation  : Nombre de publications (articles, posts sur X, vidéos) contenant des informations fausses ou trompeuses, détectées par des outils de fact-checking comme ceux de l'EU Disinfo Lab ou de l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire.
  • Portée et viralité  : analyse de l'audience touchée (vues, partages, mentions) sur les réseaux sociaux et médias traditionnels, en utilisant des métriques comme l'engagement ou la propagation via des bots et comptes inauthentiques.
  • Impact cognitif : sondages mesurant la croyance du public en des narratifs spécifiques (ex. : en France, un sondage IFOP de mars 2022 a montré que plus d'un Français sur deux adhérait à au moins une thèse de la propagande russe).
  • Indice de polarisation  : évaluation de la division des opinions publiques (via analyse sémantique des commentaires en ligne ou études sociologiques) causée par des récits contradictoires.
  • Coût de la dépollution  : estimation des ressources nécessaires pour contrer la désinformation (campagnes publiques, éducation aux médias), en termes financiers et humains.

L'annonce du ministre de la Santé : une pollution informationnelle institutionnelle ?

Le 18 avril 2025, le ministre de la Santé français, Yannick Neuder, a annoncé le lancement d'une « politique publique de lutte contre la désinformation » dans un 𝕏 article publié par L'Express.

Cette annonce, bien qu'apparemment louable, soulève des questions sur sa sincérité et son impact, notamment lorsqu'elle est relayée par  un média connu pour  sa contribution à la pollution informationnelle. L'Express  a été critiqué à plusieurs reprises pour discréditer les voix alternatives et relayer des narratifs biaisés, notamment pendant la crise Covid-19.

  • Une annonce paradoxale, car Yannick Neuder, cardiologue et ancien député,  avait lui-même dénoncé en 2022 l'inefficacité des vaccins covid-19 et les politiques de santé coercitives, plaidant pour la réintégration des soignants non vaccinés.
  • Son revirement, désormais ministre, semble opportuniste, surtout lorsqu'il affirme qu'il n'existe pas d'outils pour sanctionner la désinformation, malgré l'article 223-1-2 du Code pénal qui punit jusqu'à 3 ans de prison la propagation de fausses informations médicales dangereuses.
  • Cette contradiction, relayée par L'Express illustre une forme de pollution institutionnelle : des déclarations d'autorité visant à surpolluer l'espace informationnel pour discréditer les voix dissidentes, comme France-Soir, accusé d'être «  dangereux pour la santé » sans preuves solides qui sera évoqué prochainement dans une analyse complète.
  • Discrédit par arguments d'autorité. Cette stratégie de discrédit, qui utilise des arguments d'autorité pour marginaliser les médias alternatifs, contribue à la « surpollution informationnelle ». En qualifiant France-Soir de « dangereux  » sans démontrer de lien direct entre ses publications et des dommages concrets, les autorités et leurs relais médiatiques cherchent à étouffer le débat. Ils appliquent un lien causal sans preuve, liens qu'il refuse aux victimes des effets secondaires de la vaccination covid.
  • Cette pratique, dénoncée par France-Soir, empêche une réelle « dépollution » et renforce la méfiance des citoyens, déjà élevée : 61 % des Français estiment que la science est manipulée par les politiques et les médias, selon le sondage France-Soir/BonSens.org.
  • Application du principe « pollueur-payeur ». Dans ce cas, le ministre et L'Express pourraient être considérés comme des « pollueurs » pour leur rôle dans la diffusion d'un narratif biaisé.
  • Une amende proportionnelle à l'audience de l'article (estimée à plusieurs centaines de milliers de vues) pourrait financer des campagnes éducatives sur les lois existantes contre la désinformation et sur le rôle des médias alternatifs dans le pluralisme.

L'information, comme chaîne binaire interprétée par le corps humain, peut devenir une arme toxique si elle est fausse. Appliquer la loi « pollueur-payeur » via une approche mathématique, économique et juridique offre une réponse pragmatique.

Les cas Pradelle-Lega, RECOVERY, et la désinformation sur l'origine du SARS-CoV-2 illustrent le besoin de responsabiliser les diffuseurs pour protéger la santé publique. L'annonce du ministre Neuder, relayée par L'Express, montre comment même les initiatives officielles peuvent contribuer à la pollution informationnelle, surtout dans un contexte où  84 % des Français estiment que les médias exacerbent leurs peurs.

Un slogan s'impose : « 𝕏 Tu pollues l'information, tu payes pour la dépollution » :

La propagande russo-ukrainienne façonne perceptions, économies et sociétés. La perspective de Luc Ferry rappelle que les responsabilités sont partagées, nécessitant 𝕏 une « dépollution » des narratifs biaisés. Mesurer son impact exige des outils comme l'IA, tandis que ses conséquences touchent des millions de vies.

La question reste : comment dépolluer cet espace sans tomber dans une contre-propagande biaisée ? L'information est une arme - il est temps de responsabiliser ceux qui l'empoisonnent.

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