Instiller la peur auprès du peuple palestinien n'est pas le corollaire des brutales violations des droits humains perpétrées par les forces de défense israéliennes. C'est une stratégie.
Source : Common Dream, Ramzy Baroud
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
Le 25 octobre 2023, le responsable politique israélien Moshe Feiglin a déclaré à Arutz Sheva-Israel National News : « Les musulmans n'ont plus peur de nous. »
Il peut sembler étrange que Feiglin considère que la peur soit un élément essentiel au bien-être, voire à la survie même d'Israël.
En réalité, cet élément de peur est directement lié au comportement d'Israël et il est fondamental dans son discours politique.
De tout temps dans l'histoire, Israël a perpétré des massacres avec une stratégie politique bien précise à l'esprit : il s'agit d'instiller la peur requise pour chasser les Palestiniens de leurs terres. Deir Yassin, Tantara et les plus de 70 massacres documentés au cours de la Nakba, ou Catastrophe palestinienne, en sont les exemples.
Israël a également eu recours à la torture, au viol et à d'autres formes d'agression sexuelle pour atteindre des objectifs similaires dans le passé, il s'agissait d'obtenir des informations ou de briser la volonté des prisonniers.
Des experts affiliés à l'ONU ont déclaré dans un rapport publié le 5 août : « Ces pratiques visent à punir les Palestiniens pour avoir résisté à l'occupation et cherchent à les détruire individuellement et collectivement. »
La guerre qu'Israël mène actuellement à Gaza a donné cours à toutes ces stratégies horribles d'une manière sans précédent dans le passé, tant en termes de généralisation que de multiplication.
Pour l'armée israélienne, utiliser la torture est une stratégie concertée.
Dans un rapport intitulé « Bienvenue en enfer », publié le 5 août, le groupe israélien de défense des droits humains, B'tselem, a déclaré : « Les centres de détention israéliens, dont les détenus sont délibérément soumis à de fortes et incessantes douleurs et souffrances, fonctionnent en fait comme des camps de torture. »
Quelques jours plus tard, le groupe de défense des droits des Palestiniens, Addameer, a publié son propre rapport documentant « des cas de torture, de violence sexuelle et de traitements dégradants, ainsi que des sévices systématiques et des violations des droits humains infligés aux détenus de Gaza ».
Si les cas de viols, d'agressions sexuelles et d'autres formes de torture étaient indiqués sur une carte, ils couvriraient une vaste zone géographique, à Gaza, en Cisjordanie et en Israël même, notamment dans le tristement célèbre camp de Sde Teiman.
Compte tenu de la taille et de l'implantation de l'armée israélienne, les preuves bien documentées de viols et de tortures démontrent que ces tactiques ne sont pas liées à une branche spécifique de l'armée. Cela veut dire que l'armée israélienne utilise la torture comme une stratégie concertée.
Une telle stratégie a été associée à des personnalités comme Itamar Ben-Gvir, ministre israélien de la sécurité nationale. Ses déclarations agressives, par exemple celle voulant que les prisonniers palestiniens soient « abattus d'une balle dans la tête au lieu de continuer à être nourris », sont en parfaite adéquation avec ses actions tout aussi violentes : la politique qui consiste à affamer des prisonniers, la normalisation de la torture et l'apologie du viol.
Mais Ben-Gvir n'a pas initié ces politiques tortionnaires. Elles lui sont antérieures de plusieurs décennies et elles ont été utilisées contre des générations de prisonniers palestiniens, qui bénéficient de peu de droits au regard de ceux inscrits dans le droit international, en particulier dans la quatrième convention de Genève.
Mais pourquoi les Israéliens torturent-ils les Palestiniens aussi massivement ?
Les guerres menées par Israël contre les Palestiniens comportent deux éléments : un élément matériel et un élément psychologique. Le premier se manifeste dans le génocide en cours, l'assassinat de dizaines de milliers de personnes, les blessures infligées à des dizaines de milliers d'autres et la quasi-destruction de Gaza.
Le facteur psychologique, quant à lui, vise à briser la volonté du peuple palestinien.
Law for Palestine, un groupe de défense juridique, a publié une base de données de plus de 500 cas montrant que des dirigeants israéliens, dont le Premier ministre Benjamin Netanyahou, ont incité au génocide à Gaza.
La plupart de ces déclarations semblent se focaliser sur la déshumanisation des Palestiniens. Prenons par exemple, la déclaration du 11 octobre du président israélien Yitzhak Herzog qui estime : « Il n'y a pas de civils innocents à Gaza. » Voilà qui a contribué à la condamnation à mort collective qui a rendu l'extermination des Palestiniens moralement justifiable aux yeux des Israéliens.
La sinistre référence biblique inquiétante de Netanyahou lui même, qui a appelé les soldats israéliens à se venger des Palestiniens en déclarant : « Souvenez-vous de ce qu'Amalek vous a fait » [référence aux Amalékites, les ennemis bibliques des Israélites antiques, NdT], était également un blanc-seing pour un massacre de masse.
En choisissant de ne pas considérer les Palestiniens comme des êtres humains, des êtres innocents, dignes de vivre et d'être en sécurité, Israël a donné carte blanche [en français dans le texte] à son armée pour agir comme elle l'entendait à l'encontre de ces « animaux humains », pour reprendre les termes du ministre israélien de la défense, Yoav Gallant.
Les massacres, la famine, les viols et les tortures que subissent les Palestiniens sont le résultat inévitable de cette dialectique choquante. Mais l'objectif global d'Israël n'est pas simplement d'exercer une vengeance, même si cette dernière a joué un rôle important dans le désir de reconstruction nationale d'Israël.
En essayant de briser la volonté des Palestiniens par la torture, l'humiliation et le viol, Israël veut rétablir une autre forme de dissuasion, celle qui lui a échappé le 7 octobre.
À défaut de rétablir une dissuasion militaire ou stratégique, Tel-Aviv investit dans la dissuasion psychologique, c'est-à-dire dans le rétablissement de l'élément de peur qui a été rompu le 7 octobre.
Violer des prisonniers, faire fuiter des vidéos de ces actes horribles et les perpétrer encore et encore, cela fait partie de la stratégie israélienne, à savoir recréer la peur.
Mais Israël échouera, tout simplement parce que les Palestiniens ont déjà réussi à démolir la matrice de 76 ans de domination physique et de torture mentale d'Israël.
La guerre israélienne contre Gaza s'est avérée être la plus destructrice et la plus sanglante de toutes les guerres menées par Israël. Pourtant, la résilience palestinienne ne cesse de se renforcer, simplement parce que les Palestiniens ne sont pas passifs, ils participent activement à l'élaboration de leur propre avenir.
Si la résistance populaire est effectivement le processus de restauration du moi, les Palestiniens de Gaza prouvent que, nonobstant leur indicible douleur et leur affliction, ils ressortent comme un tout, prêts à arracher leur liberté, quel qu'en soit le prix
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Ramzy Baroud est journaliste et rédacteur en chef de Palestine Chronicle.
Source : Common Dream, Ramzy Baroud, 16-08-2024
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises