Yves Smith
AFP
Répliquant à une attaque de drone des Houthis sur Tel-Aviv, Israël a lancé des frappes sur le Yémen. De son côté, le Hezbollah multiplie les attaques à la frontière libanaise. Que laisse présager cette nouvelle escalade ? (I'A)
L'intensification des frappes du Hezbollah et du Yémen contre Israël semble être plus qu'une simple escalade à court terme. Le rythme au cours des prochaines semaines le confirmera ou pas. Mais à première vue, il semble que les Houthis et le Hezbollah intensifient leurs opérations à un point tel que cette nouvelle campagne semble partie pour durer.
Pour une rapide confirmation, voir les dernières dépêches du Hindustan Times et de Times of India, deux médias reconnus :
Et il semble que le Hezbollah a procédé à d'autres frappes depuis :
Hezbollah launched a missile attack on the Israeli town of Tsurial for the first time. pic.twitter.com/KqPGp5mduD
- S p r i n t e r (@SprinterFamily)
Ce compte-rendu étant basé sur des informations de dernière minute, veuillez nous excuser d'être un peu légers sur le contexte.
Comme l'indique le Hindustan Times dans son bandeau ci-dessus, la cause immédiate des frappes du Hezbollah est la riposte israélienne à l'attaque d'un drone houthi contre Tel-Aviv vendredi dernier. Il s'agissait clairement d'une escalade importante du point de vue d'Israël. Le drone avait détruit une maison et fait un mort.
Dans son article « Israël et le Yémen se préparent à une guerre plus large après l'escalade des hostilités », The National relate la riposte israélienne qui a frappé une ville portuaire du Yémen, faisant notamment exploser des réservoirs de stockage de carburant. Ce port reçoit également de l'aide humanitaire. De nombreux reportages ont souligné qu'Israël avait également l'intention de réduire les livraisons de nourriture au Yémen qui a souffert de pénuries alimentaires et d'épidémies de choléra au cours de sa guerre avec les Saoudiens. Extrait du National :
Les zones contrôlées par les Houthis se préparaient à la perspective d'attaques régulières de missiles, de drones et d'avions dimanche, après les premières frappes aériennes israéliennes au Yémen depuis le début de la guerre à Gaza.Les habitants de la ville portuaire de Hodeidah, contrôlée par les Houthis, se sont réveillés avec des volutes de fumée noire au-dessus de leur ville, tandis qu'à Eilat, en Israël, les sirènes d'alerte aérienne ont retenti.
Les Yéménites comme les Israéliens sont désormais confrontés à une guerre plus vaste entre les deux pays.
Un habitant de Hodeidah a déclaré à The National que la ville entière était engloutie dans la fumée, dont la densité s'est accrue à proximité du port quelques heures après la contre-attaque israélienne de samedi. Les attaques ont laissé des dépôts de carburant en flammes, transformant certaines parties de l'horizon en rouge et noir flamboyant.
On peut se demander pourquoi Ansar Allah a décidé d'attaquer Tel-Aviv au moment où il l'a fait, alors qu'il était pratiquement certain qu'Israël riposterait. Je ne pense pas qu'il faille chercher bien loin. La réponse doit être « parce que c'était possible ».
Les Houthis sont déterminés à malmener Israël et tous les porte-avions à leur portée. Ils n'arrêteront pas tant qu'Israël ne mettra pas fin au génocide de Gaza. Ce qu'Israël n'est absolument pas prêt à faire. Les Houthis ont mis en œuvre de nouvelles stratégies avec un succès croissant, telles que des opérations de basse technologie comme l'envoi de bateaux sans équipage et remplis d'explosifs sur des navires. Mais ils ont également affirmé qu'ils amélioraient leur arsenal de roquettes avec de nouvelles armes. Qu'elles soient locales ou fournies par des amis semble sans importance par rapport au résultat, à savoir que les Houthis peuvent infliger davantage de dégâts à Israël et qu'ils le font.
Hezbollah-aligned media in Lebanon is reporting that the Houthi's intend to carry out further operations against Israel, boasting of new, advanced, long-range weapons that cannot be intercepted. The Houthi's also include include off shore gas fields, power stations and oil...
- Eretz Yisrael 24 (@EretzYisrael24)
On peut aussi se demander pourquoi le Hezbollah a décidé de passer à la vitesse supérieure maintenant, d'autant plus que Netanyahou avait annoncé sa visite devant le Congrès US. À première vue, les attaques du Hezbollah joueraient directement en faveur de Netanyahou qui veut s'assurer de l'aide étasunienne.
Mais le chef de l'état-major interarmées US lui-même, Charles Brown, a déjà annoncé à Israël que les États-Unis ne pouvaient pas faire grand-chose pour l'aider. Extrait du Jerusalem Times de la fin juin :
Le chef de l'état-major interarmées, Charles Q. Brown, a averti lundi que les États-Unis pourraient ne pas être en mesure d'aider à défendre Israël contre une guerre totale avec le Hezbollah comme ils l'avaient fait lors de l'attaque des drones iraniens en avril.
Cette remarque est encore plus lourde de sens qu'il n'y paraît. En effet, lors de l'échange armé évoqué par Brown, Israël avait d'abord frappé l'enceinte de l'ambassade iranienne à Beyrouth, tuant sept fonctionnaires, dont un membre éminent des Gardiens de la révolution. L'Iran et les États-Unis ont ensuite négocié ce que les États-Unis présumaient être des représailles qui permettraient de sauver la face. L'Iran ne viserait que certains sites militaires. En d'autres termes, Israël et les États-Unis savaient parfaitement à quoi s'attendre.
L'Iran a commencé par envoyer une énorme vague de drones très lents, que les États-Unis, Israël et la France ont tous abattus. Cette réponse a toutefois permis à l'Iran d'identifier l'endroit d'où les défenses aériennes opéraient. L'Iran a ensuite envoyé des missiles. Tous ceux qui visaient deux bases aériennes, censées être les endroits les mieux protégés d'Israël, ont été tirés. Scott Ritter, qui a beaucoup travaillé aux côtés de Tsahal dans les années 1990, a estimé qu'il s'agissait d'une démonstration décisive de la capacité de l'Iran à pénétrer les défenses combinées des États-Unis et d'Israël, même dans des conditions optimales pour ce dernier.
Israël devrait donc avoir compris qu'il n'est pas en mesure de se défendre contre une attaque sérieuse de l'Iran, à moins de recourir aux armes nucléaires.
Les États-Unis ont encore renforcé leur message à Israël, à savoir que « nous ne pouvons pas faire grand-chose ». Ils ont ainsi demandé à Israël de livrer huit systèmes Patriot à l'Ukraine. Et d'ajouter à l'adresse de tous les utilisateurs de Patriot que l'Ukraine avait désormais la priorité absolue dans les livraisons de nouveaux missiles. Même si les États-Unis et Israël savaient tous deux que ces systèmes étaient mis en veille, Israël pourrait toujours les vouloir comme systèmes de secours ou comme pièces détachées. De plus, le message sur qui bénéficiera en priorité des nouveaux missiles est on ne peut plus clair.
Nous sommes en retard pour un article sur l'état de plus en plus chancelant de l'économie israélienne. Mais déjà, même la presse occidentale, férue d'Israël, doit admettre une faiblesse militaire croissante. Certes, les commentaires les plus nombreux proviennent des médias indépendants. L'ancien colonel Larry Wilkerson, d'une manière remarquablement détournée, a indiqué qu'Israël avait perdu 10 % de ses forces, seuil à partir duquel une armée perd sa capacité de combat (pas immédiatement, bien sûr, mais la trajectoire est intégrée) 1. Scott Ritter a fait remarquer que même si le nombre de décès rapportés par Tsahal n'est pas terrible, les pertes irrécupérables (en termes de blessures graves) sont très élevées. Il ajoute que les troupes israéliennes n'ont pas mobilisé une grande force au départ et que la restauration des pertes avec de nouveaux conscrits n'est pas une alternative gagnante.
Israël a par ailleurs admis qu'il manquait de chars d'assaut. Selon Elijah Magnier, il y a quelques jours:
Le commandant de l'armée d'occupation israélienne, Herzi Halevy, a reconnu une grave pénurie de chars et de munitions résultant du conflit prolongé, mettant ainsi la pression sur le Premier ministre Benjamin Netanyahu pour qu'il appelle à la fin de la guerre qui dure déjà depuis 10 mois. C'est la première fois que l'armée la plus puissante du Moyen-Orient admet la perte importante de chars, ainsi que des équipages qui les utilisent et des commandants qui ont été blessés ou tués au cours des batailles.Ce qui est particulièrement frappant, c'est l'annonce du retrait du service d'un nombre important de chars et l'absence de programmes de formation du personnel et de ressources nécessaires à l'entretien des chars. Selon un reportage publié par le journal israélien Maariv, Israël admet que plus de 500 véhicules blindés de différents types ont été endommagés depuis le 7 octobre, avec leurs équipages à l'intérieur. Parallèlement, les brigades Al-Qassam ont annoncé avoir touché plus d'un millier de chars et de véhicules blindés à l'intérieur de Gaza.
Rappelons que le Hezbollah et Israël se sont engagés dans ce qui était jusqu'à récemment des attaques du « tac au tac » dans la région frontalière, mais à un niveau si élevé que (selon les estimations) 60 000 à 100 000 colons ont dû quitter ou ont été évacués des villes frontalières d'Israël et sont logés aux frais du gouvernement. Le Hezbollah a déclaré que les frappes ne cesseraient que lorsqu'Israël mettrait fin à sa guerre contre Gaza.
Israël a demandé avec insolence que le Liban se retire, c'est-à-dire qu'il abandonne le Liban jusqu'au fleuve Litani, soi-disant pour assurer la tranquillité des colons afin qu'ils puissent revenir. Rappelons qu'Israël n'a atteint le Litani que pendant une nanoseconde lors de sa guerre ratée de 2006. Le chef du Hezbollah, Nasrallah, a catégoriquement rejeté cette demande, affirmant que le Liban ne céderait aucun territoire à Israël.
N'oublions pas que le Liban a un grief de longue date, à savoir qu'Israël occupe la région agricole de Chebaa, anciennement libanaise. Le Hezbollah bombardait déjà régulièrement cette zone avant le 7 octobre.
Quelques comptes-rendus supplémentaires :
Israel runs out of tanks and ammunition as economy plunges t.co pic.twitter.com/tKjGa9gMBK
- Electronic Intifada (@intifada)
#Palestine / #Israel 🇵🇸🇮🇱: Al-Qassam Brigades ( #HAMAS) conducted multiple ambushes against #IDF Merkava Tanks in #Rafah, #Gaza.
Group seemingly used RPG-7 pattern Launchers with locally-made "Al-Yassin 105" Tandem Anti-Armor projectiles. pic.twitter.com/GG1LOjfVAe
- War Noir (@war_noir)
Group seemingly used RPG-7 pattern Launchers with locally-made "Al-Yassin 105" Tandem Anti-Armor projectiles.
Les vidéos de propagande de ce genre ne sont donc pas uniquement de l'esbroufe :
Hezbollah to Israel: You won't have any tanks left. pic.twitter.com/74Muy2YygU
- War Intel (@warintel4u)
Après cette parenthèse sans doute un peu longue, revenons aux dernières actions du Hezbollah. L'article de Sky News, qui n'est absolument pas favorable à l'axe de la résistance, intitulé « Le Hezbollah se prépare à la guerre et change de tactique contre Israël dans un contexte d'alarme mondiale », affirme qu'Israël a jusqu'à présent surpassé le Hezbollah dans les échanges frontaliers (étant donné que toutes les informations semblent provenir du côté israélien, la prudence suggère de ne pas les prendre en compte). L'article contient tout de même de belles infographies et des anecdotes telles que : « Lorsque nous nous joignons à eux, il semble y avoir une augmentation des attaques entre l'armée israélienne et le groupe de combat libanais Hezbollah, soutenu par l'Iran. »
Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. Mais, à première vue, Ansar Allah ne cesse de monter en puissance à mesure que ses capacités augmentent, tandis que le Hezbollah sent qu'il y a là une opportunité à saisir. En tout état de cause, le Hezbollah n'est manifestement pas découragé par les tentatives de Netanyahou d'obtenir davantage de soutien de la part d'États-Unis déjà surendettés.
Source originale: Naked Capitalism
Traduit de l'anglais par GL pour Investig'Action
1 Je n'arrive pas à retrouver la séquence avec Nima de Dialogue Work, mais j'ai écouté deux fois la partie concernée pour m'assurer que je l'avais bien entendue. Wilkerson a commencé par dire qu'il disposait d'informations récentes sur les pertes subies par les FDI et, sans donner de chiffre, il a laissé entendre qu'elles étaient pires que ce que l'on sait généralement. Il est ensuite passé immédiatement à une discussion sur l'opération Barbarossa. Le point principal était que les Allemands ont perdu 10% de leurs forces dans cette campagne, ce qui a suffi à sceller leur destin.