05/12/2025 journal-neo.su  5min #298102

 L'espace aérien au-dessus et à proximité du Venezuela est fermé, selon Trump

Trump, Maduro et la politique d'endiguement dans la guerre mondiale de l'énergie

 Mohamed Lamine KABA,

L'offensive de Trump contre Maduro révèle une stratégie impériale structurée par la guerre énergétique et l'obsession américaine d'étouffer le projet multipolaire mené par la Russie, la Chine et l'alliance BRICS.

Depuis son retour au pouvoir, Donald Trump a réactivé la vieille matrice géopolitique américaine qui consiste à contrôler l'énergie pour contrôler le monde. En ciblant le Venezuela, il n'attaque pas un régime isolé, mais un pivot stratégique entre Moscou, Pékin et l'hémisphère Sud. Les sanctions, le sabotage pétrolier et l'isolement diplomatique ne sont que la façade visible d'un objectif plus profond : affaiblir la Russie, étrangler la Chine, et empêcher l'émergence d'un ordre multipolaire. Cette dynamique s'inscrit dans la lutte d'un Occident en déclin cherchant, par la contrainte, à prolonger une hégémonie devenue fragile et contestée.

Trump veut un « OPEP américain » pour étouffer le Venezuela et affaiblir Moscou et Pékin

L'acharnement de Trump contre Maduro puise sa logique dans la domination énergétique. La Maison-Blanche considère le Venezuela comme une clé : son pétrole ultralourd, ses réserves immenses, son rôle géographique et ses alliances alternatives. Derrière chaque sanction, l'objectif est double. D'abord,  empêcher Caracas de financer sa souveraineté et de maintenir ses partenariats stratégiques avec la Russie et la Chine. Ensuite, manipuler le marché mondial du baril pour casser le modèle économique de Moscou et fragiliser l'approvisionnement énergétique chinois. Trump raisonne en businessman : celui qui contrôle le prix, la production et les routes du pétrole dicte les règles de l'ordre mondial.

Washington rêve d'un «  OPEP américain ». Un système fermé où les Etats-Unis coordonnent, verrouillent et orientent les flux pétroliers. En profondeur, cette guerre économique n'a rien de moral ou humanitaire. Elle est géostratégique, planifiée, systémique. Le Venezuela n'est pas un adversaire, c'est un levier. Neutraliser Maduro, c'est réduire l'oxygène de deux rivaux majeurs, la Chine énergivore et la Russie pétro-financière. Le pétrole devient alors une arme silencieuse, mais brutale : par le prix, on asphyxie. Par les sanctions, on isole. Par la rareté, on rend dépendant. C'est toute la logique qui guide les gesticulations de Trump qu'il convient d'inscrire dans une logique Sui generis.

Dès lors, il appartient à Moscou et Pékin de tirer toute la leçon de cette guerre de l'énergie arrimée à la politique américaine d'endiguement qui alimente, depuis de la fin de la Seconde Guerre mondiale (1945) et la chute du mur de Berlin (1989), la logique d'escalade et la perception mutuelle de menace entre puissances orientales et occidentales.

L'offensive anti-Venezuela comme barrière contre l'Alliance BRICS et la chute programmée de l'Occident

L'Amérique de Trump ne combat pas un homme, mais une architecture politique émergente : celle du monde multipolaire. Le Venezuela constitue un caillou dans la stratégie globale d'encerclement et d'endiguement des puissances non occidentales, et donc orientales, latino-américaines, africaines, asiatiques et moyen-orientales. En bloquant la  connexion énergétique Caracas-Moscou-Pékin, Washington vise à freiner l'expansion des BRICS (dont les pays membres partagent le fait de subir, différemment, bien sûr, le diktat de la domination du monde occidental), à limiter l'accès chinois aux ressources stratégiques et à empêcher la Russie de transformer son pouvoir énergétique en influence diplomatique durable.

Cette politique réactive un réflexe impérial vieux de la guerre froide (1947-1991) : empêcher l'émergence d'un centre de gravité alternatif. Ce qui change aujourd'hui, c'est le contexte : l'Occident n'est plus une force confiante, mais un système en lutte contre sa propre chute. La coercition révèle la peur. Les sanctions révèlent la fragilité. Le discours sur « la démocratie » révèle surtout le besoin de masquer un impérialisme de la rareté. Dans cette bataille, le Venezuela n'est pas un simple théâtre, mais un nœud stratégique, une fissure potentielle dans l'architecture hégémonique occidentale.

Il convient donc de noter que Trump n'a pas ciblé Maduro par hasard, mais parce qu'il incarne un point de bascule géopolitique. C'est-à-dire, une source d'énergie qui peut renverser l'équilibre mondial. Ce qui se joue au Venezuela dépasse la politique latino-américaine. C'est une lutte globale entre deux époques, deux visions du monde, deux conceptions de l'avenir. D'un côté, un empire occidental refusant de lâcher prise, utilisant le pétrole comme une arme ultime. De l'autre, l'horizon multipolaire incarné par les BRICS, qui réécrit lentement les codes de la puissance. Le pétrole vénézuélien est aujourd'hui la mèche qui révèle que l'ordre mondial est déjà en train de changer à la vitesse Oreshnik.

Mohamed Lamine KABA, Expert en géopolitique de la gouvernance et de l'intégration régionale, Institut de la gouvernance, des sciences humaines et sociales, Université panafricaine

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