Olivier Mukuna
Présenté par la plupart des médias francophones comme un vulgaire « document de propagande », le récit du Hamas, revenant sur son attaque « défensive » du 7 octobre, est en réalité très gênant. Tant il réduit en pièces la propagande d'Israël que ces mêmes médias « israélo-embarqués » relaient avec zéro esprit critique depuis des mois. Citant le travail de journaux israéliens, le Mouvement de résistance islamique donne sa version du 7 octobre et lance un appel aux « peuples libres »...Dans un pdf de 18 pages, diffusé ce 21 janvier et intitulé : « Notre récit... - Opération déluge d'Al-Aqsa », le Hamas souhaite « clarifier la réalité de ce qui s'est passé le 7 octobre, les motifs derrière, le contexte général lié à la cause palestinienne ainsi que réfuter les allégations israéliennes et mettre les faits en perspective. »
Quelle que soit l'analyse à laquelle on adhère - sur un sujet brûlant soumis à une terreur/répression idéologiques croissante dans quasi chaque pays d'Europe -, l'inédite communication du Hamas se montre plutôt convaincante sur plusieurs points. Et dévastatrice pour la hasbara, déjà plombée par une kyrielle de mensonges officiels, débusqués par des médias et webmédias qui continuent à exercer leur métier, tels le quotidien israélien Haaretz ou la télévision qatari Al-Jazeera.
Pour les autres organes de presse - en adoration ou à genoux devant Israël et les États-Unis -, il fallait bien sûr « expédier » ce narratif du Hamas ! A coups de qualificatifs péjoratifs et de « circulez, braves gens, tout ça, c'est de la propagande terroriste ! ». A Investig'Action, on invite au contraire tout citoyen à lire ce récit du Hamas. Nous l'avons donc traduit ici, en français, dans son intégralité. Afin que chacun puisse, librement, se forger son opinion, puisqu'il paraît que nous sommes encore en « démocratie ».
105 ans de colonialisme
Le récit du Hamas justifiant son attaque militaire historique se subdivise en cinq parties. La première s'intitule « Pourquoi l'opération déluge d'Al-Aqsa ? » A rebrousse-poil du matraquage médiatique simplifiant à l'extrême le sujet en une « guerre Israël-Hamas », le mouvement islamique rappelle que « La bataille du peuple palestinien contre l'occupation et le colonialisme n'a pas commencé le 7 octobre, mais il y a 105 ans, dont 30 ans de colonialisme britannique et 75 ans d'occupation sioniste. »
Après le rappel du nombre de Palestiniens tués ces 23 dernières années (« entre janvier 2000 et septembre 2023, l'occupation israélienne a tué 11 299 Palestiniens et en a blessé 156 768 autres, en grande majorité des civils »), le Hamas pointe une volonté délibérée des États-Unis et de ses alliés de ne pas « chercher à savoir ce qui s'est passé [le 7 octobre 2023] ; ils se sont rangés à tort derrière le discours israélien en condamnant un prétendu ciblage de civils israéliens. »
Le Hamas déroule ensuite le pourquoi de son attaque militaire, qualifiée « d'opération terroriste » par l'ensemble des gouvernants occidentaux et de « black saturday » en Israël :
« Après 75 ans d'occupation et de souffrances incessantes, après l'échec de toutes les initiatives de libération et de retour à notre peuple et après les résultats désastreux du soi-disant processus de paix, qu'attendait le monde du peuple palestinien en réponse à ce qui suit :
♦ Les plans israéliens de judaïser la mosquée bénie d'Al-Aqsa, ses tentatives de division temporelle et spatiale, ainsi que l'intensification des incursions des colons israéliens dans la sainte mosquée.
♦ Les pratiques du gouvernement israélien extrémiste de droite qui prend des mesures pour annexer toute la région de l'Ouest. de la Cisjordanie et de Jérusalem dans la soi-disant « souveraineté d'Israël », alors que les autorités israéliennes envisagent d'expulser les Palestiniens de leurs maisons et de leurs quartiers.
♦ Les milliers de détenus dans les prisons israéliennes qui sont privés de leurs droits fondamentaux et subissent des pressions de la part des autorités israéliennes ainsi que des agressions et humiliations sous la supervision directe du ministre fasciste israélien Itamar Ben-Gvir.
♦ Le blocus aérien, maritime et terrestre injuste imposé à la bande de Gaza depuis 17 ans.
♦ L'expansion des colonies israéliennes en Cisjordanie à un niveau sans précédent, ainsi que la violence quotidienne perpétrée par les colons à l'encontre des Palestiniens et de leurs biens.
♦ Les sept millions de Palestiniens qui vivent dans des conditions extrêmes dans des camps de réfugiés et dans d'autres régions, qui souhaitent retourner sur leurs terres, et qui ont été expulsés il y a 75 ans.
Qu'attendait-on du peuple palestinien après tout cela ? Qu'il continue d'attendre et de compter sur l'impuissance de l'ONU ! Ou qu'il prenne l'initiative de défendre le peuple palestinien, ses terres, en sachant que l'acte de défense est un droit inscrit dans les lois, les normes et les conventions internationales.
Compte tenu de ce qui précède, l'opération « déluge d'Al-Aqsa » du 7 octobre était une étape nécessaire et une réponse normale pour faire face à toutes les conspirations israéliennes contre le peuple palestinien et sa cause. Il s'agissait d'un acte défensif dans le cadre de l'élimination de l'occupation israélienne, de la récupération des droits des Palestiniens et sur la voie de la libération et de l'indépendance ».
Les fake news d'Israël étrillés
Dans la seconde partie du récit, les communicants du Hamas démantèlent une série d'intox israéliennes surmédiatisées en Occident ; rejoignant ainsi les enquêtes journalistiques indépendantes qui ont mis à mal la doxa « anti-terroristes » d'Israël visant à justifier ses opérations génocidaires à Gaza - dont le bilan s'élève aujourd'hui à 25.295 Palestiniens tués, 63.000 blessés et près de 2 millions de déplacés...« Les allégations de l'occupation israélienne selon lesquelles les Brigades Al-Qassam auraient, le 7 octobre, pris pour cible des civils israéliens ne sont rien d'autre que des mensonges et des fabrications. », tonne le Hamas. « La source de ces allégations est le récit officiel israélien et aucune source indépendante ne les a prouvé. Il est bien connu que le discours officiel israélien a toujours cherché à diaboliser la résistance palestinienne tout en légalisant son agression brutale sur Gaza. », ajoute le Mouvement de résistance palestinien avant de lister « quelques détails » dérangeants pour Israël et ses alliés :
« ♦ Les clips vidéo pris ce jour-là - le 7 octobre - ainsi que les témoignages des Israéliens eux-mêmes qui ont été publiés plus tard ont montré que les combattants des Brigades Al-Qassam n'ont pas pris de civils pour cible, et que de nombreux Israéliens ont été tués par l'armée et la police israéliennes en raison de leur confusion.
♦ Le mensonge des « 40 bébés décapités » par les combattants palestiniens a également été fermement réfuté, et même des sources israéliennes ont démenti ce mensonge. De nombreuses agences de presse occidentales ont malheureusement repris cette allégation et l'ont promue.
♦ L'idée selon laquelle les combattants palestiniens auraient commis des viols sur des femmes israéliennes a été totalement démentie, y compris par le mouvement Hamas. Entre autres, un rapport du site d'information Mondoweiss le 1er décembre 2023, a déclaré qu'il n'y avait aucune preuve des 'viols massifs' qui auraient été perpétrés par des membres du Hamas, le 7 octobre, et qu'Israël avait utilisé cette allégation 'pour alimenter le génocide à Gaza'.
♦ Selon deux rapports du journal israélien Yedioth Ahronoth (du 10 octobre) et du journal Haaretz (du 18 novembre), de nombreux civils israéliens ont été tués par un hélicoptère militaire israélien, en particulier ceux qui participaient au festival de musique Nova, près de Gaza, où 364 civils israéliens ont été tués. Les deux rapports indiquent que les combattants du Hamas ont atteint la zone du festival sans en avoir eu connaissance de celui-ci au préalable ; une zone où l'hélicoptère israélien a ouvert le feu à la fois sur les combattants du Hamas et sur les participants au festival. Yedioth Ahronoth a aussi indiqué que l'armée israélienne a frappé plus de 300 cibles dans les zones entourant la bande de Gaza.
♦ D'autres témoignages israéliens ont confirmé que les raids de l'armée israélienne et les opérations des soldats ont tué de nombreux captifs israéliens et leurs ravisseurs. L'armée d'occupation israélienne a bombardé les maisons des colonies israéliennes où se trouvaient des combattants palestiniens et des Israéliens. Une application claire de la fameuse 'directive Hannibal' de l'armée israélienne qui dit clairement que 'mieux vaut un otage civil ou un soldat mort que capturé vivant' afin d'éviter de s'engager dans un échange de prisonniers avec la résistance palestinienne.
♦ De plus, les autorités d'occupation ont révisé le nombre de leurs soldats et civils tués de 1 400 à 1 200, après avoir constaté que 200 cadavres brûlés étaient des combattants palestiniens qui ont été tués et mélangés aux cadavres israéliens. Cela signifie que celui qui a tué les combattants est celui qui a tué les Israéliens ; sachant que seule l'armée israélienne possède des avions militaires qui ont tué, brûlé et détruit des zones israéliennes le 7 octobre. »
L'os médiatique à ronger
Sans surprise, l'unique partie du document sur laquelle se sont rués les médias « israélo-embarqués » est celle où le Hamas admet, du bout des lèvres, que « s'il y a eu des cas de ciblage de civils [israéliens, le 7 octobre], cela s'est produit accidentellement et au cours de la confrontation avec les forces d'occupation. ».
Pour autant, les auteurs palestiniens réfutent le narratif central d'Israël les accusant d'avoir prémédité et perpétré des massacres de civils israéliens. « Il est possible que des erreurs se soient produites lors de la mise en œuvre de l'opération déluge d'Al-Aqsa, en raison de l'effondrement rapide du système sécuritaire et militaire israélien et du chaos causé le long des zones frontalières avec Gaza », tempère le document du Hamas.
« Comme l'ont attesté de nombreuses personnes, le mouvement Hamas s'est comporté de manière positive et aimable avec tous les civils qui ont été détenus à Gaza, et a cherché, dès les premiers jours de l'agression, à les libérer ; c'est ce qui s'est passé pendant la trêve humanitaire d'une semaine, durant laquelle des civils ont été libérés en échange de la libération de femmes et d'enfants palestiniens détenus dans les prisons israéliennes. »
Avant d'en déduire que « les allégations de l'occupation israélienne selon lesquelles les Brigades Al-Qassam auraient, le 7 octobre, pris pour cible des civils israéliens ne sont rien d'autre que des mensonges et des fabrications. La source de ces allégations est le récit officiel israélien et aucune source indépendante n'a prouvé ces allégations. Il est bien connu que le discours officiel israélien a toujours cherché à diaboliser la résistance palestinienne tout en légalisant son agression brutale sur Gaza. »
Appel pour une enquête internationale
Dans la troisième partie, le Hamas estime que « Le peuple palestinien et les peuples du monde entier se rendent compte de l'ampleur des mensonges et des tromperies que les gouvernements qui soutiennent le discours israélien pratiquent pour tenter de justifier leur action. ».
Puis, il fustige « les gouvernements qui soutiennent le discours israélien [...], connaissent les causes profondes du conflit, à savoir l'occupation et le déni du droit du peuple palestinien à vivre dignement sur ses terres. Ces pays ne s'intéressent pas à la poursuite du blocus injuste imposé à des millions de Palestiniens à Gaza, et ne s'intéressent pas non plus aux milliers de Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes dans des conditions où leurs droits fondamentaux sont le plus souvent bafoués. »
Avec un certains sens de l'équilibre, le Mouvement islamique salue ensuite « les peuples libres du monde entier, de toutes religions, ethnies et origines, qui se rassemblent dans toutes les capitales et villes du monde pour exprimer leur rejet des crimes et massacres israéliens, et pour montrer leur soutien aux droits du peuple palestinien et à sa juste cause. »
Avant d'en appeler à la tenue d'une enquête internationale portant sur les événements meurtriers du 7 octobre : « Nous sommes convaincus que toute enquête équitable et indépendante prouvera la véracité de notre récit et l'ampleur des mensonges et des informations trompeuses du côté israélien. Cela inclut également les allégations israéliennes concernant les hôpitaux de Gaza, selon lesquelles la résistance les utilisait comme centres de commandement ; une allégation qui n'a pas été prouvée et qui a été réfutée par les rapports de nombreux journaux et agences de presse occidentales. »
Rejet de l'antisémitisme
Une fois n'est pas coutume, le Mouvement islamique de libération nationale conteste l'antisémitisme que nombre d'Institutions, de médias mainstream et de lobbies occidentaux lui attribuent. Le Hamas « affirme que son conflit est avec le projet sioniste et non avec les Juifs en raison de leur religion. Le Hamas ne mène pas pas une lutte contre les Juifs parce qu'ils sont juifs mais lutte contre les sionistes qui occupent la Palestine. »
Et les auteurs du narratif d'enfoncer le clou : « Sur la base de nos valeurs religieuses et morales, nous avons clairement exprimé notre rejet de ce à quoi les Juifs ont été exposés par l'Allemagne nazie [...] Le conflit actuel est causé par le comportement agressif du sionisme et son alliance avec les puissances coloniales occidentales. Nous rejetons l'exploitation des souffrances des juifs en Europe pour justifier l'oppression contre notre peuple en Palestine. »
Pas sûr que les Biden, Sunak, von der Leyen, Macron et autres De Croo accordent la moindre crédibilité à ces déclarations antiracistes du Hamas. Tant ces dirigeants « démocrates » ont choisi de s'aligner sur l'effroyable racisme anti-palestiniens, déployé jusqu'au génocide, par le seul État colonial et d'apartheid du Moyen-Orient...
Quoi qu'il advienne, pour le Hamas « les superpuissances, en particulier les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, doivent cesser d'offrir à l'entité sioniste une couverture qui lui permette de se soustraire à ses responsabilités et doivent cesser de traiter avec elle comme avec un pays au-dessus des lois. Ce comportement injuste de la part de ces pays a permis à l'occupation israélienne, pendant 75 ans, de commettre les pires crimes. jamais commis contre le peuple, la terre et les valeurs sacrées des Palestiniens. Nous demandons instamment aux pays du monde entier d'assumer leurs responsabilités à l'égard du droit international et des résolutions pertinentes de l'ONU qui appellent à mettre fin à l'occupation. »
En conclusion, le Mouvement de résistance armée appelle aussi « les peuples libres du monde entier, en particulier les nations qui ont été colonisées et qui se rendent compte de la souffrance du peuple palestinien [...] à lancer un mouvement mondial de solidarité avec le peuple palestinien, à mettre l'accent sur les valeurs de justice et d'égalité et sur le droit des peuples à vivre dans la liberté et la dignité. »
Olivier Mukuna