01/10/2024 arretsurinfo.ch  13min #257677

 Le président iranien annonce de gigantesques problèmes à venir, et déclare que les États-Unis & l'Ue ont « menti »

Provocations et escalade

Par  Michel Seymour,  Samir Saul

Netanyahu reçoit une standing ovation alors qu'il entre en session conjointe du Congrès mercredi. (Capture d'écran C-Span)

L'Iran se retrouve face à Israël en 2024 exactement dans la même position que la Russie face aux États-Unis en 2021. Les provocations se multiplient pour rendre tôt ou tard inévitable une intervention iranienne qui justifiera alors des représailles de la part d'Israël, l'escalade étant exactement ce qu'il cherche à obtenir. Les États-Unis ne veulent pas d'affrontement direct avec l'Iran, mais ils sont très heureux de fournir des milliards de dollars à Israël, car cela permet qu'on fasse le sale boulot à sa place.

L'histoire se répète car c'est aussi ce que les États-Unis ont cherché à faire contre la Russie : déjà en 2008 en promettant à l'Ukraine d'entrer dans l'OTAN; puis en 2014 en appuyant le coup d'État; enfin de plus en plus à partir de 2019 en suivant la feuille de route tracée à l'avance par la Rand Corporation dans « Extending Russia ».

Les États-Unis ne voulaient pas d'affrontement direct avec la Russie, mais ils se sont réjouis d'avoir pu placer à la tête de l'Ukraine des néo-nazis qui exécuteraient les basses œuvres à leur place.(*) Partout les États-Unis sont à l'offensive pour abattre toute concurrence et préserver leur primauté de plus en plus remise en question par le cours de l'histoire. Pyromanes, ils jouent avec le feu en présumant que la Russie et l'Iran reculeront, même sous les menaces les plus graves. Cette politique démente mène le monde à la catastrophe.

Éviter le piège?

Voyant qu'il devenait impossible d'éviter la confrontation, la solution pour les Russes a été de s'engager militairement, mais sous la forme d'une opération militaire spéciale qu'ils voulaient de courte durée, avec des objectifs précis de dénazification et de démilitarisation, dans l'espoir de parvenir au plus vite à un accord négocié. C'est cet accord, conclu dès avril 2022, qui a rapidement été mis de côté et abandonné par les Ukrainiens sous l'autorité des véritables protagonistes américains et britanniques, promoteurs de l'escalade.

Le comportement des Américains à l'égard du Moyen-Orient repose sur le même subterfuge. Ils se disent favorables à un cessez-le-feu, mais cherchent en même temps à jeter de l'huile sur le feu en subventionnant et en armant Israël pour qu'il poursuive son génocide, tout comme ils ont financé l'Ukraine dans l'espoir qu'elle affaiblisse la Russie.

Cette version des faits n'est pas celle qui est rapportée dans les médias grand public, car elle serait traitée comme de la propagande russe. L'unanimité contre la Russie sur ce sujet est caricaturale et montre à quel point nous sommes sous l'emprise d'une russophobie entretenue par la propagande américaine. Dénoncer la propagande russe dès qu'il y a une critique des États-Unis, cela fait partie de l'arsenal propagandiste américain.

Le doute ferait-il enfin son apparition?

Il serait fort heureux que la population, observant l'appui militaire américain complaisant à l'égard de l'État d'Israël, commence à s'interroger sur le rôle véritable des États-Unis en Ukraine. Les provocations israéliennes répétées à l'égard de l'Iran font-elles écho à celles des États-Unis à l'égard de la Russie? Même si on désapprouve les régimes politiques internes de la Russie et de l'Iran, ces États ont droit à la sécurité. Ils ne doivent pas être provoqués ou forcés d'intervenir militairement.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg lors du sommet de l'alliance militaire à Washington en juillet. (OTAN/Flicker, CC BY-NC-ND 2.0)

Les Américains se servent toujours de proxys pour asseoir leur domination: utilisation des Moudjahidines contre l'URSS en Afghanistan; aide aux Contras contre les Sandinistas au Nicaragua; parrainage des Kurdes tantôt contre la Syrie, tantôt contre DAESH; aide à Al Qaeda et DAESH contre Bachar Al Assad en Syrie. Maintenant, on aide l'Ukraine quitte à s'en servir comme chair à canon pour affaiblir la Russie et on aide Israël pour affaiblir ultimement l'Iran. Quant à la Chine, les États-Unis auront besoin de plusieurs proxys et c'est la raison pour laquelle ils les préparent déjà amplement: Taiwan, mais aussi le Japon, la Corée du Sud, les Philippines et l'Australie.

Biden l'a dit, les Américains sont les seuls à pouvoir gouverner le monde. On comprend maintenant à quelles horreurs cette vision américaine du monde peut nous conduire même si on s'en tient seulement au Moyen-Orient. Il faudrait cependant commencer à apercevoir de la même manière la présence d'un machiavélisme insensible au peuple ukrainien dans la politique américaine visant à affaiblir la Russie. Se battre contre la Russie « jusqu'au dernier ukrainien » (Lindsay Graham); se battre contre la Russie en Ukraine pour ne pas avoir à se battre contre la Russie aux États-Unis (Adam Schiff); se battre contre la Russie, quelle aubaine, sans aucune perte de vie humaine américaine ! (Mitt Romney)

Le dollar américain : une espèce sonnante et trébuchante

La similitude entre les deux situations est flagrante. Dans les deux cas, les États-Unis utilisent des proxys. Quand ce n'est pas l'Ukraine, c'est Israël. Dans les deux cas, les Américains cherchent à isoler ou à détruire les concurrents de leur pétrole et de leur gaz, payés en dollars. Les Russes et les Iraniens au sein des BRICS+ envisagent de plus en plus la possibilité de commercer dans leurs monnaies nationales respectives ou dans la monnaie de l'acheteur. Les Saoudiens ont récemment vendu leur pétrole à la Chine en le facturant en yuans.

Le secrétaire d'État américain Antony Blinken avec le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à Jérusalem le 7 février. (Département d'État, Chuck Kennedy)

Pour les États-Unis, il est absolument crucial de préserver le dollar US comme monnaie de réserve mondiale. Avec une dette atteignant près de 35 000 milliards de dollars et un déficit de leur balance commerciale atteignant un trillion de dollars chaque année, ils ne peuvent tout simplement pas se permettre de voir la valeur du dollar américain diminuer. C'est la raison pour laquelle ils se battent si violemment pour maintenir leur position hégémonique dans le monde. S'ils maintiennent leur hégémonie dans le monde, le dollar continuera de s'imposer et demeurera la monnaie de réserve mondiale. Partout à travers le monde, on continuera à acheter des bons du trésor américains sans que la banque centrale doive hausser son taux directeur pour attirer les capitaux. Si au contraire, les BRICS+ prennent de l'ampleur et que le dollar perd de sa valeur, il faudra hausser les taux d'intérêt pour attirer les capitaux étrangers, ce qui va ralentir l'économie, accroître l'inflation et alourdir la dette.

Les Américains estiment qu'ils doivent neutraliser ou combattre les concurrents récalcitrants qui cherchent à leur tenir tête et qui tentent d'imposer un monde multipolaire. Ils cherchent à imposer leur hégémonie par la force autant en se servant de l'Ukraine contre la Russie qu'en se servant d'Israël contre l'Iran.

Samir Saul, Michel Seymour

Samir Saul est docteur d'État en histoire (Paris) et professeur d'histoire à l'Université de Montréal. Son dernier livre est intitulé L'Impérialisme, passé et présent. Un essai (2023). Il est aussi l'auteur de Intérêts économiques français et décolonisation de l'Afrique du Nord (1945-1962) (2016), et de La France et l'Égypte de 1882 à 1914. Intérêts économiques et implications politiques (1997). Il est enfin le codirecteur de Méditerranée, Moyen-Orient : deux siècles de relations internationales (2003). Courriel : samir.saul@umontreal.ca

Michel Seymour est professeur retraité du département de philosophie à l'Université de Montréal, où il a enseigné de 1990 à 2019. Il est l'auteur d'une dizaine de monographies incluant A Liberal Theory of Collective Rights, 2017; La nation pluraliste, ouvrage co-écrit avec Jérôme Gosselin-Tapp et pour lequel les auteurs ont remporté le prix de l'Association canadienne de philosophie; De la tolérance à la reconnaissance, 2008, ouvrage pour lequel il a obtenu le prix Jean-Charles Falardeau de la Fédération canadienne des sciences humaines. Il a également remporté le prix Richard Arès de la revue l'Action nationale pour l'ouvrage intitulé Le pari de la démesure, paru en 2001. Courriel : seymour@videotron.ca site web: michelseymour.org

(*) ( pressenza.com)

Source:  Pressenza,

L'Iran se retrouve face à Israël en 2024 exactement dans la même position que la Russie face aux États-Unis en 2021. Les provocations se multiplient pour rendre tôt ou tard inévitable une intervention iranienne qui justifiera alors des représailles de la part d'Israël, l'escalade étant exactement ce qu'il cherche à obtenir. Les États-Unis ne veulent pas d'affrontement direct avec l'Iran, mais ils sont très heureux de fournir des milliards de dollars à Israël, car cela permet qu'on fasse le sale boulot à sa place.

L'histoire se répète car c'est aussi ce que les États-Unis ont cherché à faire contre la Russie : déjà en 2008 en promettant à l'Ukraine d'entrer dans l'OTAN; puis en 2014 en appuyant le coup d'État; enfin de plus en plus à partir de 2019 en suivant la feuille de route tracée à l'avance par la Rand Corporation dans « Extending Russia ».

Les États-Unis ne voulaient pas d'affrontement direct avec la Russie, mais ils se sont réjouis d'avoir pu placer à la tête de l'Ukraine des néo-nazis qui exécuteraient les basses œuvres à leur place.(*) Partout les États-Unis sont à l'offensive pour abattre toute concurrence et préserver leur primauté de plus en plus remise en question par le cours de l'histoire. Pyromanes, ils jouent avec le feu en présumant que la Russie et l'Iran reculeront, même sous les menaces les plus graves. Cette politique démente mène le monde à la catastrophe.

Éviter le piège?

Voyant qu'il devenait impossible d'éviter la confrontation, la solution pour les Russes a été de s'engager militairement, mais sous la forme d'une opération militaire spéciale qu'ils voulaient de courte durée, avec des objectifs précis de dénazification et de démilitarisation, dans l'espoir de parvenir au plus vite à un accord négocié. C'est cet accord, conclu dès avril 2022, qui a rapidement été mis de côté et abandonné par les Ukrainiens sous l'autorité des véritables protagonistes américains et britanniques, promoteurs de l'escalade.

Le comportement des Américains à l'égard du Moyen-Orient repose sur le même subterfuge. Ils se disent favorables à un cessez-le-feu, mais cherchent en même temps à jeter de l'huile sur le feu en subventionnant et en armant Israël pour qu'il poursuive son génocide, tout comme ils ont financé l'Ukraine dans l'espoir qu'elle affaiblisse la Russie.

Cette version des faits n'est pas celle qui est rapportée dans les médias grand public, car elle serait traitée comme de la propagande russe. L'unanimité contre la Russie sur ce sujet est caricaturale et montre à quel point nous sommes sous l'emprise d'une russophobie entretenue par la propagande américaine. Dénoncer la propagande russe dès qu'il y a une critique des États-Unis, cela fait partie de l'arsenal propagandiste américain.

Le doute ferait-il enfin son apparition?

Il serait fort heureux que la population, observant l'appui militaire américain complaisant à l'égard de l'État d'Israël, commence à s'interroger sur le rôle véritable des États-Unis en Ukraine. Les provocations israéliennes répétées à l'égard de l'Iran font-elles écho à celles des États-Unis à l'égard de la Russie? Même si on désapprouve les régimes politiques internes de la Russie et de l'Iran, ces États ont droit à la sécurité. Ils ne doivent pas être provoqués ou forcés d'intervenir militairement.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg lors du sommet de l'alliance militaire à Washington en juillet. (OTAN/Flicker, CC BY-NC-ND 2.0)

Les Américains se servent toujours de proxys pour asseoir leur domination: utilisation des Moudjahidines contre l'URSS en Afghanistan; aide aux Contras contre les Sandinistas au Nicaragua; parrainage des Kurdes tantôt contre la Syrie, tantôt contre DAESH; aide à Al Qaeda et DAESH contre Bachar Al Assad en Syrie. Maintenant, on aide l'Ukraine quitte à s'en servir comme chair à canon pour affaiblir la Russie et on aide Israël pour affaiblir ultimement l'Iran. Quant à la Chine, les États-Unis auront besoin de plusieurs proxys et c'est la raison pour laquelle ils les préparent déjà amplement: Taiwan, mais aussi le Japon, la Corée du Sud, les Philippines et l'Australie.

Biden l'a dit, les Américains sont les seuls à pouvoir gouverner le monde. On comprend maintenant à quelles horreurs cette vision américaine du monde peut nous conduire même si on s'en tient seulement au Moyen-Orient. Il faudrait cependant commencer à apercevoir de la même manière la présence d'un machiavélisme insensible au peuple ukrainien dans la politique américaine visant à affaiblir la Russie. Se battre contre la Russie « jusqu'au dernier ukrainien » (Lindsay Graham); se battre contre la Russie en Ukraine pour ne pas avoir à se battre contre la Russie aux États-Unis (Adam Schiff); se battre contre la Russie, quelle aubaine, sans aucune perte de vie humaine américaine ! (Mitt Romney)

Le dollar américain : une espèce sonnante et trébuchante

La similitude entre les deux situations est flagrante. Dans les deux cas, les États-Unis utilisent des proxys. Quand ce n'est pas l'Ukraine, c'est Israël. Dans les deux cas, les Américains cherchent à isoler ou à détruire les concurrents de leur pétrole et de leur gaz, payés en dollars. Les Russes et les Iraniens au sein des BRICS+ envisagent de plus en plus la possibilité de commercer dans leurs monnaies nationales respectives ou dans la monnaie de l'acheteur. Les Saoudiens ont récemment vendu leur pétrole à la Chine en le facturant en yuans.

Le secrétaire d'État américain Antony Blinken avec le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à Jérusalem le 7 février. (Département d'État, Chuck Kennedy)

Pour les États-Unis, il est absolument crucial de préserver le dollar US comme monnaie de réserve mondiale. Avec une dette atteignant près de 35 000 milliards de dollars et un déficit de leur balance commerciale atteignant un trillion de dollars chaque année, ils ne peuvent tout simplement pas se permettre de voir la valeur du dollar américain diminuer. C'est la raison pour laquelle ils se battent si violemment pour maintenir leur position hégémonique dans le monde. S'ils maintiennent leur hégémonie dans le monde, le dollar continuera de s'imposer et demeurera la monnaie de réserve mondiale. Partout à travers le monde, on continuera à acheter des bons du trésor américains sans que la banque centrale doive hausser son taux directeur pour attirer les capitaux. Si au contraire, les BRICS+ prennent de l'ampleur et que le dollar perd de sa valeur, il faudra hausser les taux d'intérêt pour attirer les capitaux étrangers, ce qui va ralentir l'économie, accroître l'inflation et alourdir la dette.

Les Américains estiment qu'ils doivent neutraliser ou combattre les concurrents récalcitrants qui cherchent à leur tenir tête et qui tentent d'imposer un monde multipolaire. Ils cherchent à imposer leur hégémonie par la force autant en se servant de l'Ukraine contre la Russie qu'en se servant d'Israël contre l'Iran.

Samir Saul, Michel Seymour

Samir Saul est docteur d'État en histoire (Paris) et professeur d'histoire à l'Université de Montréal. Son dernier livre est intitulé L'Impérialisme, passé et présent. Un essai (2023). Il est aussi l'auteur de Intérêts économiques français et décolonisation de l'Afrique du Nord (1945-1962) (2016), et de La France et l'Égypte de 1882 à 1914. Intérêts économiques et implications politiques (1997). Il est enfin le codirecteur de Méditerranée, Moyen-Orient : deux siècles de relations internationales (2003). Courriel : samir.saul@umontreal.ca

Michel Seymour est professeur retraité du département de philosophie à l'Université de Montréal, où il a enseigné de 1990 à 2019. Il est l'auteur d'une dizaine de monographies incluant A Liberal Theory of Collective Rights, 2017; La nation pluraliste, ouvrage co-écrit avec Jérôme Gosselin-Tapp et pour lequel les auteurs ont remporté le prix de l'Association canadienne de philosophie; De la tolérance à la reconnaissance, 2008, ouvrage pour lequel il a obtenu le prix Jean-Charles Falardeau de la Fédération canadienne des sciences humaines. Il a également remporté le prix Richard Arès de la revue l'Action nationale pour l'ouvrage intitulé Le pari de la démesure, paru en 2001. Courriel : seymour@videotron.ca site web: michelseymour.org

(*) ( pressenza.com)

Source:  Pressenza,

 arretsurinfo.ch

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