Par Nasser Kandil
Dans son article publié le 6 mars sous le titre « Gaza Airdrops : Propaganda and Possibilities » [*], M. Paul Larudee, co-fondateur du « Free Gaza Movement » parmi nombre d'autres initiatives menées aux États-Unis et largement commentées sur Wikipedia, rappelle l'origine de cette initiative et certains de ses objectifs dont nous résumons l'essentiel :
Les parachutages de l'aide humanitaire à Gaza ont commencé début novembre 2023 à l'initiative de la Jordanie visant à réapprovisionner son petit hôpital de campagne créé en 2009 à Tal al-Hawa dans le nord de la bande de Gaza ; puis, un deuxième hôpital de campagne mis en place à Khan Younés fin novembre 2023 dans le sud de la bande de Gaza. Au moins 21 largages auraient été effectués jusqu'ici vers ces deux installations et nombre d'entre eux ont été effectués en coopération avec la France, le Royaume-Uni, les Émirats arabes unis (et l'Égypte, Ndt).
Pour l'auteur, les largages jordaniens coûteux, limités dans leur portée et souvent inutiles en raison de l'imprécision du lieu de largage et d'autres facteurs, n'ont pas été aussi inefficaces et ne relèvent pas nécessairement d'une posture théâtrale comme certains ont pu le prétendre. Néanmoins, le théâtre sert les intérêts d'Israël, de la Jordanie elle-même, comme des pays qui se sont ensuite associés à son initiative, dont les États-Unis.
L'auteur ajoute qu'ainsi Israël peut sembler moins cruel que ses pratiques génocidaires ne le laisseraient supposer, ce qui s'applique aussi à d'autres collaborateurs au génocide. De plus, la Jordanie, qui se préoccupe indubitablement de la situation à Gaza tout en reconnaissant ses limites, aurait vendu cette idée du largage de l'aide humanitaire à Israël qui l'a acceptée, parce qu'elle se déroule sous son contrôle et sert sa propagande.
Une propagande devenue encore plus dominante dans les médias américains avec la participation des États-Unis, lesquels auraient largué 38000 repas prêts à consommer (MRE : Meals Ready to Eat) correspondant à moins d'une journée de nourriture pour moins de 2 % de la population de Gaza, sans répondre à ses besoins en médicaments, en eau potable, en carburant ou en abris…
Or, M. Nasser Kandil est d'accord sur le fait que cette aide est plus qu'insuffisante, mais va au-delà de son simple intérêt propagandiste…
Mouna Alno-Nakhal
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Si les largages aériens de l'aide humanitaire dans certaines zones de la bande de Gaza procurent aux participants une image virtuelle indiquant qu'ils agissent contre le siège de Gaza en accordant des chances de survie à ses habitants qui manquent de tout, il faut savoir qu'ils ne leur offrent pas grand-chose.
L'image hollywoodienne des opérations de largage ne doit pas cacher que la quantité de l'aide larguée par la Jordanie, l'Égypte et les États-Unis n'excède même pas le chargement de quelques camions, alors que deux mille camions remplis de l'aide dont Gaza a besoin attendent que les États participants, en particulier les États-Unis et l'Égypte, prennent la décision d'ouvrir le point de passage de Rafah, sans tenir compte de la volonté israélienne et de ses conditions.
En d'autres termes, indépendamment du fait que le procédé est peu pratique et ne compense pas les besoins de la population, il n'est rien d'autre qu'une tentative de contournement de leur responsabilité quant au maintien de la fermeture du passage de Rafah entre l'Égypte et le sud de Gaza. D'autant plus, qu'un tel procédé ne défie pas Israël comme certains participants le prétendent, ni ne le dérange, et qu'il n'a pu avoir lieu sans sa coordination ou son approbation.
Mais les raisons qui font qu'Israël a accepté le largage aérien et a refusé la traversée terrestre de l'aide humanitaire vont au-delà de la propagande. En effet :
- Dans la mesure où les quantités larguées sont limitées, elles conduisent à des vagues d'empoignades, voire de combats, entre les Palestiniens pour les quelques miettes tombées du ciel. Et, en même temps, elles créent des conflits entre des groupes armés qui surgissent ici et là, afin de contrôler la distribution de l'aide ou en faire commerce. Un chaos qui arrange Israël en faisant du Palestinien un ennemi du Palestinien rien qu'en le privant des besoins essentiels à la vie.
- Par ailleurs, le largage aérien permet d'échapper à la coordination avec les organismes locaux habilités à organiser les opérations de distribution, qu'ils soient institutionnels, semi-institutionnels ou associatifs. Autrement dit, des organismes proches de la Résistance palestinienne, notamment du Hamas, que les Israéliens et les Américains veulent ignorer. D'ailleurs, les Israéliens ont tenté de constituer une alternative locale passant par des associations villageoises. Elles ont lamentablement échoué.
Par conséquent, le discours politique et médiatique doit absolument continuer à mettre l'accent sur la nécessité d'ouvrir le passage de Rafah, face à la mise en scène intitulée : « largages aériens humanitaires ».
[NB : Ouvrir le passage de Rafah ne serait-ce que dans le sens Égypte vers Gaza, alors que le plan proposé par M. Paul Larudee invite des pays qui ne sont pas hostiles à Israël, en dépit de leurs critiques, à organiser des largages aériens massifs pour combler l'immense fossé entre les besoins réels et ce qu'Israël permet par camions. Reste à savoir si ce plan ne subirait pas le même sort que la « Flotille pour Gaza » en mai 2010. M. Larudee suppose qu'Israël ne commettrait pas d'agressions contre les vols car il risque plus gros que les participants aux largages… NdT].
Nasser Kandil
06/03/2024
Source : Top News Nasser Kandil
الانزال الجوي للمساعدات
Traduction par Mouna Alno-Nakhal pour Mondialisation.ca
[*]Gaza Airdrops: Propaganda and Possibilities
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La source originale de cet article est Top News Nasser Kandil
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